VIDÉO. "Les sportifs sont audibles, ils ont un rôle à jouer" : des champions lanceurs d'alerte sur la Mer de Glace

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Stage pratique sur la Mer de Glace pour une quinzaine de sportifs de haut niveau, réunis par l'association Sport For Future, pour relayer des messages de sensibilisation au réchauffement climatique
Des sportifs de haut niveau sensibilisés au réchauffement climatique sur la Mer de Glace ©France 3 Alpes / J. Guéant - M. Feutry - JP Ardito - C. Fayolle

Une quinzaine de sportifs de haut niveau, dont le traileur Xavier Thévenard, se sont rendus sur la Mer de Glace pour se rendre compte de l'accélération de la fonte des glaciers. Le projet "Sport For Future" veut utiliser ces icônes du sport comme caisses de résonance pour sensibiliser le grand public au réchauffement climatique et inciter leurs fans à réduire leur empreinte carbone.

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Ils sont des emblèmes dans leurs disciplines, qu'ils viennent du monde du trail, de l'escrime, de la grimpe, du rugby, du triathlon mais aussi du plongeon ou du wing foil. Ils évoluent dans des mondes différents mais sont venus contempler pendant quelques jours le même horizon, celui de la Mer de Glace.

Le plus grand glacier existant en France était jadis visible depuis Chamonix. Désormais, il faut emprunter le train du Montenvers puis descendre plus de 600 marches pour accéder à ses 40 kilomètres carré. Le parcours permet de se rendre compte de son recul. Des pancartes jalonnent le sentier, montrant où arrivait le glacier il y a cinq, dix, trente ans. La fonte s'accélère, de manière exponentielle.

"Cela va très vite parce qu'on a des étés chauds et des canicules. Et quand on a des hivers avec très peu de neige comme en 2022, ça protège de moins en moins bien la glace dans la partie basse, ça fabrique moins de glace", explique Luc Moreau, au groupe.

Seize mètres d'épaisseur de glacier perdus en 2022

"Donc ici le glacier, depuis 20 à 30 ans, il a perdu 1,5 km de long et 170 mètres d'épaisseur, 16 mètres en 2022 et là il s'est quasiment arrêté de glisser vu qu'il n'a plus de poids et donc il ne fait que fondre sur place", indique le glaciologue.

Les visages sont médusés. Seize mètres d'épaisseur disparus en une année. Le groupe procède lui-même aux mesures. Près de neuf mètres ont fondu, déjà, en 2023, depuis le mois d'avril. "Il n'y a pas de déni possible", confie Benjamin Auffret, champion d'Europe de plongeon.

Ils n'ont pas tous le pied montagnard, mais partagent la même sensibilité quant au réchauffement climatique.

"Je ne l'avais jamais vu de mes propres yeux et c'est très fort. Savoir que là, on est presque 100 mètres sous le glacier qui existait dans les années 1900, c'est assez impressionnant. On le vit de façon forte et ça nous touche d'autant plus", témoigne Flora Artzner, championne du monde de Wing Foil.

Aller sur le terrain pour semer les graines de la prise de conscience

Flora Artzner est venue ici, sur la Mer de Glace, mais aussi sur le glacier du Tour, à l'invitation de Martin Thomas (canoë slalom) et Armelle Courtois (kitesurf) à l'occasion de la deuxième édition de leur projet "Sport For Future". Ces champions, qui vivent leur passion sur l'eau, veulent préserver la ressource qui les fait vibrer. C'est en montant un projet sportif de kitesurf sur les lacs de montagne (baptisé "Riding to Explore"), qu'ils ont eux-mêmes pris conscience de l'accélération du réchauffement climatique. Ils ont alors transformé leur expédition sportive en projet de sensibilisation auprès de leurs pairs.

"L'idée, c'est de les amener sur le terrain de l'émotionnel en allant sur le terrain. Cela permet de comprendre que ces glaciers ne sont pas limités à un rôle en montagne mais sont vraiment des clés de voûte du climat et agissent sur l'ensemble des phénomènes de la planète", indique Armelle Courtois. 

"Quand les sportifs descendent les marches où il y a les pancartes avec les années, chacun repère instinctivement son année de naissance et est frappé par le vide qui s'ouvre sous ses pieds", poursuit la championne de kitesurf, dont le frère est guide de haute montagne.

"Urgence d'agir", "collaboration scientifique et sportive nécessaire"

"C'est un mélange de fascination et de tristesse. Il y a une fascination de voir ce site incroyable qu'on a chez nous et, ensuite, quand on comprend ce qu'il s'y passe, et toute cette fonte accélérée ces dernières années, ça nous saisit tous. C'est là où on se rend compte de l'urgence d'agir et de la solidarité dont on a besoin autour de ces sujets, de la collaboration scientifique et sportive qui est nécessaire", dit encore Armelle Courtois. 

L'expérience est forte, marquante. Elle sera relayée sur les réseaux sociaux, auprès des fans de ces grands champions, que sont Fulgence Ouedraogo, le troisième ligne de rugby de Montpellier, et ses 153 000 abonnés sur Instagram, ou le champion de VTT Nicolas Fleury et ses 27 800 fans. Une caisse de résonance inespérée pour les scientifiques qui martèlent leurs messages d'alerte mais peinent, parfois, à se faire entendre.

"Préserver 30 à 40% de ce qu'il reste aujourd'hui pour les générations futures"

"Ce sont des gens qui sont suivis par des milliers de personnes. Leur raconter que tout est lié, que leur comportement est bien regardé, et ce qui est très important, c'est de montrer que ça va extrêmement vite, que tout se réchauffe, que tout se dégrade suite à nos activités et que c'est beaucoup plus visible par la neige et la glace", explique Luc Moreau. 

"On va essayer de faire passer les bons messages en racontant qu'on se doit de préserver ça. Si on peut ralentir un peu nos activités et utiliser les bonnes énergies, propres, quand on a le choix, ça permettra peut-être de préserver 30 à 40% de ce qu'il reste aujourd'hui pour les générations futures", indique le glaciologue.

Inviter chacun à faire son bilan carbone, repenser ses modes de transport : ce n'est pas toujours facile pour des sportifs amenés à se déplacer à travers les continents pour participer à des compétitions internationales.

"En tant que sportif, on ne sait pas toujours comment se positionner sur ces enjeux-là. On est loin d'être exemplaires, étant donné qu'on a un impact carbone important si on veut faire des coupes du monde, on est souvent obligés d'aller à l'autre bout du monde. On a nos propres questionnements et des positionnements qui ne sont pas toujours faciles. Ce sont des sujets qu'on a pu aborder ensemble, avec les autres sportifs, et sur lesquels on a pu s'entraider", raconte Flora Artzner, par ailleurs ingénieure spécialisée dans les questions liées à la sauvegarde de la biodiversité. 

Elle a pu échanger, par exemple, avec Xavier Thévenard. Le traileur jurassien, triple vainqueur de l'Ultra Trail du Mont-Blanc, a pris un virage radical à l'issue du confinement : cesser de prendre l'avion. 

La difficile équation de l'empreinte carbone et de la carrière sportive

"Moi, j'ai décidé de ne plus le prendre du tout parce que je n'étais plus du tout à l'aise avec le fait de détériorer un environnement qui me procure du bonheur, ça n'avait pas de sens", dit-il.

"Après, je ne suis pas parfait et je suis plein de contradictions encore, mais j'essaye de tendre vers ces deux tonnes de Co2 par an et par personne, là où on devrait tous aller. Aujourd'hui, je suis à cinq tonnes. Il faut revoir son mode de vie et réfléchir à tout ça", estime le traileur.

Je n'étais plus du tout à l'aise avec le fait de détériorer un environnement qui me procure du bonheur, ça n'avait pas de sens

Xavier Thévenard

triple vainqueur de l'UTMB

"Ne pas louper le coche"

Xavier Thévenard sera forfait sur l'UTMB dans quelques semaines. Mais il sera à Chamonix, aux côtés de Kilian Jornet, pour sensibiliser la communauté du trail aux enjeux du réchauffement climatique.

Il est convaincu que les champions, quelles que soient leurs disciplines, doivent jouer ce rôle de porte-voix et de lanceurs d'alerte.

"Les sportifs, dans la société, sont assez audibles et c'est vrai que, eux, ils ont un vrai rôle à jouer et des messages à faire passer au sein de leurs communautés. Comme ils sont pris en modèles grâce à leurs performances, derrière il y a quelque chose qui se met en place. Nous sommes des êtres de mimétisme, on a toujours voulu faire comme les grands champions. Moi-même, quand j'étais ado, mes idoles, c'était Raphaël Poiré, c'était Vincent Vittoz et j'avais envie de faire comme eux. On a tous des modèles et les sportifs ont un vrai rôle à jouer dans la transmission des messages sur la transition écologique, c'est tellement important qu'il ne faut pas louper le coche", poursuit Xavier Thévenard. 

"Rien n'est perdu"

Tous souhaitent montrer l'urgence de la situation, sans tomber dans la sinistrose. Leur leitmotiv est simple : il est encore temps d'agir.

"On voit que les décisions qu'on a prises il y a 30-40 ans pour la couche d'ozone, et bien que la couche d'ozone se reconstitue. Donc on se doit, nous tous, de protéger ça pour l'avenir", insiste le glaciologue Luc Moreau.

"Je pense qu'on est à un moment charnière. On a vécu nos belles années, aujourd'hui l'action est nécessaire et on ne sait pas si elle sera suffisante, mais il faut rester dans une démarche positive. Le but, c'est de montrer que rien n'est perdu et qu'il faut préserver les ressources. C'est fondamental de s'en occuper dès aujourd'hui", complète Armelle Courtois.

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