Bertrand Delapierre est un alpiniste et un réalisateur renommé. Originaire de Chamonix, il rentre de six semaines d'expédition dans les îles antarctiques. Presque pas à pas le voyage entrepris par l'aventurier britannique Ernest Shackleton il y a 100 ans.
C'est en 1914 qu'Ernest Skackleton quitte les terres britanniques pour entreprendre une épopée incroyable, la traversée du continent subantarctique. Une terre hostile, battue par des vents violents. Odyssée dans un paradis blanc, étonnament peuplé. Manchots, phoques, Albatros y sont légion... Beauté sauvage d'une contrée où l'homme est très peu présent.
Cent ans plus tard, un groupe d'explorateurs a retracé l'aventure de Shackleton presque pas à pas. Moins d'une dizaine de personnes, quelques scientifiques, la snow-boardeuse suisse Géraldine Fasnacht et le réalisateur haut-savoyard Bertrand Delapierre.
Alpiniste reconnu, il a réalisé de nombreux documentaires primés dans les grands festivals de films de montagne. En Antarctique, les conditions n'étaient peut-être pas aussi extrêmes qu'au sommet de l'Himalaya... mais il se souvient d'un tournage particulièrement difficile. "Le vent surtout, c'est un élément fondamental en Georgie du Sud".
Le plus souvent, le groupe retournait sur le bateau. Mais quelques fois, il a fallu dormir sous une tente, en proie à la neige et au vent. "Tu sais que tu as juste 10 secondes pour filmer, après l'objectif est recouvert de neige, toi même tu es plein de neige" raconte-t-il. Pas vraiment le temps de souffler ou de se laisser aller à contempler les paysages.
Le livre d'Ernest Shackleton en main ("L'Endurance" aux éditions Paulsen), Bertrand Delapierre compare son périple à l'aventure de l'explorateur et de son groupe. "Je ne sais même pas si je tiendrais plus de quelques jours avec les mêmes conditions qu'eux à l'époque, en maillots de laine trempés, à manger du phoque et des biscuits".
Plus encore que le héros qu'il symbolisait au Royaume-Uni, Ernest Shackleton était un meneur d'hommes exceptionnel. C'est cette image que retient Bertrand Delapierre. "Avec un flegme, un humour, un sang-froid tout britannique, il a su ramener tous ses hommes en vie au bout de deux ans sur la glace. Vraiment, chapeau".
Reportage Céline Aubert, Dominique Semet, Tao Huynh :
Six semaines entre Elephant Island, la Georgie du Sud et les îles Sandwich. Et un documentaire à venir. Il sera diffusé sur la chaîne Discovery courant 2015. Mais avant cela, le film fera son chemin dans les plus grands festivals. En mars, il sera présenté à l'"Explorers club", grand rendez-vous des explorateurs à New-York.
Ernest Shackleton, héros du XXème siècles
C'est la traversée du continent subantarctique, jamais entreprise jusqu'alors, qui a rendu Shackleton célèbre, bien que ce périple ait été entaché d'échecs et difficultés. Deux années que l'explorateur a livré dans un journal de bord fascinant, "L'Odyssée de l'Endurance".
Image célèbre de cette aventure hors du commun, le trois mats pris dans la banquise. L'Endurance sera en effet bloqué dans le "pack" durant neuf mois, avant d'être broyé sous la pression de la glace. Il leur faudra survivre au froid, aux orques, aux tempêtes, à la faim.... Puis ils atteindront Elephant Island, île désertique couverte de glace, où l'équipage attendra son chef quatre longs mois encore.
Ernest Shackleton parviendra à trouver un navire et à sauver ses hommes. Tous rentreront vivants. Cruelle ironie, c'est la guerre qui les décimera quelques mois plus tard. Quant à Shackleton, c'est de retour sur les terres subantarctiques pour une nouvelle expédition scientifique qu'il trouvera la mort sur sa goélette en 1922.