Flics-indics, liaisons dangereuses

A Lyon et à Grenoble l'affaire Neyret remet en question les pratiques policières et le recours aux indics

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Police - indics : liaisons troubles

L'affaire Neyret remet en lumière les rapports qu'entretient la police avec ses indicateurs. Une manière de travailler de plus en plus contestée et contestable. Mais les flics pourront-ils encore infiltrer le milieu ?

Au coeur de l'affaire Neyret qui secoue la police française se pose le problème des indics. Les policiers ont toujours utilisé les "tontons", comme ils les appellent affectueusement, pour obtenir des renseignements et résoudre des affaires. Une pratique désormais encadrée par la loi mais qui, de fait, perd en efficacité

Silence sur la ville ! Les flics se taisent, il en va de l'honneur de leur profession. A Grenoble, la mise en examen des deux responsables de l'antenne locale de la police judiciaire provoque une sourde colère dans les rangs policiers.

Et la présomption d'innocence ?

Les policiers en poste, et même les retraités, refusent de témoigner, encore plus d'être filmés. Quelques-uns pourtant avouent leur colère devant le flot médiatique qui recouvre ces derniers jours la réalité des enquêtes menées à Paris, Lyon et Grenoble.

"On ne tient pas compte de la présomption d'innocence. On balance en pâture à l'opinion des policiers qui ont fait leurs preuves sur le terrain, et on jette l'opprobe sur toute une profession. Si Michel Neyret a franchi la ligne, l'enquête le dira en temps voulu. Mais en ce qui concerne nos collègues grenoblois nous sommes persuadés qu'ils sont clairs."

Touchés au coeur

Cette colère qui gronde dans les rangs de la police est à la mesure de la solide réputation et de l'efficacité professionnelle acquises par leurs collègues mis en examen. Une telle affaire aurait dû se régler en interne pensent la plupart d'entre eux, jamais à la Une des médias.

Il est vrai qu'aujourd'hui la police se trouve placée à un moment charnière de ses pratiques et de ses traditions. Le recours aux indics est battu en brêche par l'appel systématique aux personnels de la police scientifique. Un petit test ADN est parfois plus efficace qu'un petit coup de blanc au bistrot avec un truand bavard ou sous pression.

Sans oublier que depuis la loi de 2004, qui encadre le recours aux indicateurs, un flic ne peut plus se permettre d'être pris par la patrouille, à "dealer" une barrette contre un gros tuyau qui va faire tomber tout un réseau.

Une loi qui clarifie ...

En 2004 en effet, la loi Perben II a réglementé les relations police-indics. L'échange de marchandise a cédé la place à de la monnaie en espèces.

Les services de police et de gendarmerie disposent d'une enveloppe permettant de rétribuer leurs informateurs. Le montant versé dépend des quantités saisies et du nombre d'interpellations réalisées grâce aux informations. Cela peut aller d'une dizaine d'euros pour une info minime à plusieurs dizaine de milliers pour le démantèlement d'une filière.

Par-ailleurs les informateurs sont officiellement recensés dans un fichier réputé impénétrable, sécurisé et codé. 1700 d'entre eux figureraient aujourd'hui dans ce listing du service interministériel d'assistance technique (SIAT) de la direction centrale de la police judiciaire

Mais une loi ambigüe

Les policiers refusant de s'exprimer actuellement, c'est du côté des journalistes de faits-divers que nous nous sommes tournés. Pour l'ancien du "Progrès" André Veyret, la loi Perben n'est pas efficace.

"Les sommes attribuées par le ministère aux indics via les policiers de terrain restent souvent insignifiantes par rapport à celles mises en jeu dans des trafics importants. Les policiers ne pourront pas convaincre des informateurs de parler en leur donnant quelques radis seulement !"

Pour Fabrice Margaillan du "Dauphiné", "les policiers sont ficelés désormais ; leur hiérarchie ne peut plus les couvrir puisque la loi existe et empêche les tractations secrètes. Les jeunes flics sont les premiers concernés ; ils ne veulent plus prendre de risque et sortir des clous. Derrière il y a leur carrière, leur famille, leur vie, des enjeux qui ne valent pas la peine de provoquer le diable".

Restructuration des services

Au début des années 70 Lyon avait été secouée par deux affaires quasi similaires . A l'époque les commissaires Charles Javilliey, patron de la PJ, et Louis Tonnot, ex patron de la Sûreté Urbaine,  avaient tâté de la prison. D'autres policiers étaient tombés : la loi des dominos !S'en était suivie une réorganisation complète des services de police dans le Rhône.

On se dirige vers le même processus dans la PJ lyonnaise ainsi qu'au niveau des antennes de Rhône-Alpes.

A Grenoble déjà,  une nouvelle patronne a été nommée. Il s'agit de la commissaire Joëlle Comte. Elle succède officiellement à Christophe Gavat. Entrée dans la police nationale au début des années 90, elle a occupé de nombreux postes en tant qu’officier (notamment au sein du service de protection des hautes personnalités ; elle a protégé Jean-Pierre Chevènement, entre autres)  avant de réussir le concours de commissaire et d’en intégrer l’école en 2006.

La fin  d'une époque ?

Pour autant les flics de terrain, les vieux briscards ou de jeunes baroudeurs, laisseront-ils définitivement tomber les rapports secrets et les arrangements avec des indics qui refuseront d'être fichés ou rémunérés piètrement ? Certainement pas.

"Les informateurs secrets existeront toujours, explique André Veyret. Il suffit de regarder ce qui s'est passé avec le 11 septembre. Toutes les technologies les plus sophistiquées n'ont pas été concluantes. Il a fallu des hommes sur le terrain, au contact des terroristes, infiltrés et pratiquant l'échange d'informations pour obtenir des résultats.  La police en France fera toujours de même, certes de manière plus marginale qu'avant, mais les bons renseignements viendront d'indics en eaux troubles. Il n'y a pas de mystère. Cela ne signifie pas qu'il faille en profiter pour s'enrichir personnellement ou y trouver des intérêts autres que ceux de l'enquête, évidemment ".

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