A partir de ce jeudi, le tribunal correctionnel de Paris juge un physicien franco-algérien du Cern, à Genève.
Procès Hicheur : rappel des faits
A partir de jeudi 29 mars, le tribunal correctionnel de Paris juge Adlène Hicheur, un physicien franco-algérien du Cern soupçonné d'avoir envisagé des attentats contre la France. Rappel des faits.
Adlène Hicheur est soupçonné d'avoir envisagé des attentats contre la France. Son procès, qui doit durer deux jours, prend une dimension particulière dans le contexte des tueries de Toulouse et Montauban par l'islamiste Mohamed Merah. Il encourt dix ans de prison.
<< En vidéo, le rappel des faits d'Ariane Combes et Serge Worreth
Le 8 octobre 2009, Adlène Hicheur, un Franco-Algérien de 35 ans, docteur en physique des particules détaché au Centre européen de recherche nucléaire (Cern) de Genève, est interpellé à Vienne (Isère) au domicile de ses parents et mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". A son domicile d'Ornex dans l'Ain, les enquêteurs découvrent une abondante documentation relative à Al-Qaïda et au jihad.
Les soupçons des enquêteurs de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) sont nés de la surveillance de plusieurs comptes de courriers électroniques après l'envoi sur le site de l'Elysée début 2008 d'un message reprenant un communiqué d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Les policiers ont suivi les échanges entre des adresses électroniques, qui s'avèreront être celles du chercheur du Cern et de Mustapha Debchi, présenté par l'accusation comme un responsable d'Aqmi qui vivrait en clandestinité en Algérie.
Le 27ème BCA visé par Hicheur ?
Le 1er mars 2009, Hicheur écrit à Debchi qu'il va "proposer des (...) objets possibles en Europe et notamment en France".
Le 10 mars 2009, il poursuit: "Concernant le sujet des objectifs, ils sont différents suivant la différence des résultats souhaités après les coups. Exemple: s'il s'agit de punir l'Etat à cause de ses activités militaires au pays des musulmans (Afghanistan), alors il supporte d'être un pur objectif militaire (comme exemple: base d'aviation de la commune de Karan Jefrier près de la ville d'Annecy en France. Cette base entraîne des forces et les envoie en Afghanistan)". Adlène Hicheur évoque en fait le site du 27e bataillon des chasseurs alpins de Cran-Gevrier.
Y-a-t-il projet de passage à l'acte ?
En juin 2009, Debchi demandera à son correspondant de "ne pas tourner autour du pot: est-ce que tu es disposé à travailler dans une unité activant en France?". Adlène Hicheur répond le 6 juin de façon équivoque: "Concernant ta proposition, la réponse est OUI bien sûr mais il y a quelques observations: (...) -si ta proposition est relative à une stratégie précise (comme le travail au sein de la maison de l'ennemi central et vider le sang des forces), il faut alors que je révise le plan que j'avais préparé".
Pour les juges d'instruction chargés de l'enquête, les échanges électroniques ont "franchi le simple débat d'idées politiques ou religieux pour s'établir dans la sphère de la violence terroriste".
A leurs yeux, Adlène Hicheur "à bien des égards apparaissait comme, si ce n'est un décideur, à tout le moins comme un militant donnant des idées, renchérissant sur des projets et conseillant in fine Mustapha Debchi".
Selon eux, le prévenu a donné "en connaissance de cause son accord à Mustapha Debchi en vue de constituer une cellule opérationnelle prête à commettre des actions terroristes en Europe et en France".
La parole à la défense
Depuis son incarcération il y a deux ans et demi, Adlène Hicheur affirme n'avoir jamais été d'accord pour envisager "des trucs concrets". Il n'y a "pas la moindre preuve d'un début d'intention" terroriste, confirme son avocat, Me Patrick Baudouin.
Le conseil souligne notamment la faiblesse de l'audition en Algérie de Debchi, témoin crucial dans l'affaire. Mais surtout, il dénonce "le rouleau compresseur de la justice antiterroriste". "On l'a présenté dès le départ comme le coupable idéal", dit-il. "La justice lorsqu'elle s'emballe a du mal à reconnaître ses erreurs".
Son client encourt dix ans de prison.