Trois retraitées sont livrées à elles-mêmes dans leur résidence senior, qui compte pourtant 92 appartements à Chavanoz, en Isère. Le gestionnaire dénonce des malfaçons dans le bâtiment et a résilié son bail. Le site reste donc désespérément vide, à l’exception des gardiens qui ont été licenciés mais entretiennent un peu le site à leurs frais.
La résidence senior est flambant neuve, la façade propre et les balcons ensoleillés. C’est dans ce quartier calme de Chavanoz, dans le Nord Isère, qu’Incarnation pensait trouver un logement chaleureux, entourée d’autres personnes âgées.
Mais dès que l’on passe la porte d’entrée du Clos de Bellemont, force est de constater que la résidence n’a rien de chaleureux. Le réfectoire est désert, les couloirs sont vides. Tout comme la plupart des 92 appartements de l’immeuble.
Incarnation, 91 ans, occupe l’un d’entre eux depuis fin 2022. "Je suis contente d’être là, mais il faudrait que ça bouge un peu !" dit-elle.
À ses côtés, seules deux autres résidentes occupent un appartement. "Il y a un bâtiment magnifique. S’il y avait tous les services et si l’exploitation était faite correctement, ces personnes-là auraient une fin de vie de rêve", regrette Évelyne Rossignol, la fille de la nonagénaire.
Une résidence fantôme
La société Seniors M, à l’origine de ce projet, était locataire du bâtiment. Mais elle a résilié son bail, et abandonné les trois résidentes à leur sort.
Contacté par France 3 Alpes, Thomas Feleman, le directeur général de l’entreprise, invoque de nombreuses malfaçons de la part du constructeur. Selon lui, même les balcons seraient dangereux. "L’eau chaude ne fonctionne pas s’il y a trop de résidents, le chauffage ne fonctionnera pas en période de grand froid. Il y en a pour plusieurs centaines de milliers d’euros de réparations ! dénonce-t-il. Si on avait su qu'il y avait ces problèmes, on n'aurait pas accepté la livraison".
Deux plaintes ont été déposées. L'une oppose le propriétaire du bâtiment et la société Seniors M. L'autre a été signée par une quinzaine de personnes, dont les familles des résidentes, notamment pour dénoncer des sabotages.
"Nos mères sont des squatteuses"
Lors de son départ, le gestionnaire a demandé aux résidentes de quitter les lieux. Ces dernières ont refusé, car elles ont toutes les trois vendu leur maison pour s’installer au Clos de Bellemont.
Ainsi, depuis fin mars, plus personne n’assure la gestion du site, et les gardiens ont été licenciés. Les loyers ne sont plus payés. Ils étaient de 1000 euros environ pour une chambre, et 400 euros pour des prestations qui n’existent pas.
"Aujourd’hui, la résidence n’est plus nettoyée, les containers des ordures n’ont pas été vidés depuis décembre 2022, les portes automatiques du bâtiment ne fonctionnent plus et ne sont pas réparées, laissant le bâtiment ouvert et surtout mettant en danger la vie des résidentes, dénoncent les familles des résidentes dans un courrier adressé à la presse. Nos mères n’ont aucune solution de logement. Elles restent dans leur appartement, et sont des squatteuses puisqu’il n’y a plus de bailleur".
"On a personne ici. Quand je rentre le soir, j’ai envie de rentrer en marche arrière, car je suis toute seule", témoigne Renée, l’une des résidentes du Clos de Bellemont.
"On ne gère pas une résidence pour des étudiants, mais pour des personnes vulnérables ! renchérit sa fille, Christelle Goubet. On est très inquiet pour elles et on ne les sent pas en sécurité".
Compte tenu du grand âge des résidentes, les familles attendent que le tribunal prenne une mesure d’urgence pour trouver un nouveau gestionnaire. Depuis le dépôt de la plainte en avril, elles n’ont reçu aucune nouvelle.