La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Auvergne-Rhône-Alpes et le centre de soins pour animaux sauvages du Tichodrome déplorent une hausse du nombre de tirs au plomb sur ces espèces protégées. Neuf rapaces ont été ciblés en 2023, contre cinq en 2021.
Deux buses variables, deux faucons crécerelles, trois milans noirs, un milan royal et un hibou grand-duc. En 2023, neuf rapaces ont été victimes de tirs illégaux en Isère, selon le décompte de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Auvergne-Rhône-Alpes et du centre de soins pour animaux sauvages du Tichodrome, basé au Gua.
"Depuis plusieurs années, le nombre d'oiseaux blessés au plomb augmente : en 2021, ils étaient seulement cinq, souligne Roxanne Cialdella, présidente du Tichodrome. C'est la seule cause d'arrivée non accidentelle des animaux au centre. Les autres arrivent après un choc avec un véhicule, parce qu'ils ont été chassés par un chat ou qu'ils se sont pris une vitre."
16 impacts de plomb
Parmi les volatiles soignés en 2023, un milan royal, porteur de 16 impacts de plomb. "C'est énorme, poursuit la responsable. La moyenne est plutôt autour de deux, trois." Lorsque les rapaces arrivent au centre, affaiblis et amaigris, les membres du Tichodrome examinent d'abord leurs plaies. "On ne sait pas automatiquement s'ils ont été touchés, ni depuis combien de temps."
"L'oiseau touché ne se trouve pas forcément à côté de l'endroit où il a été tiré. Il vole parfois encore plusieurs heures, voire des jours, des mois, et même des années après avoir été ciblé, abonde Daniel Thonon, délégué territorial de la LPO pour l’Isère. Ceux qui arrivent au Tichodrome sont encore en vie."
Le centre de soin détermine aussi si l'animal peut être sauvé. "On peut repérer la présence de plomb à partir des plaies de l'animal, lui faire passer une radio si nécessaire. Mais nous ne retirons jamais le plomb, c'est trop risqué, explique Roxanne Cialdella. Si les soins ne sont pas suffisants, il peut développer un saturnisme. Nous devons alors l'euthanasier."
Sur les neuf rapaces accueillis après avoir été tirés, un a été relâché, deux sont encore en soin, et tous les autres ont été abattus. "La capacité de chasse d'un animal tiré diminue fortement : il aura plus de difficultés à se nourrir et deviendra un partenaire reproductif moins attractif."
Quatre mois d'emprisonnement
Ces tirs au plomb représentent un vrai risque pour la préservation de ces espèces, protégées depuis 1976. "Le milan royal est rarissime en Isère. Il fait l’objet d’un plan national d’action de réintroduction. Il doit y avoir un ou deux couples nicheurs dans le département, relate Daniel Thonon de la LPO. Le hibou grand-duc était encore vivant lorsqu’il a été récupéré. En Isère, on compte une cinquantaine de couples : il revient doucement sur ses lieux de nidification, les falaises."
Pour chaque animal porteur de plomb et recueilli par le centre de soins, une plainte contre X est déposée. Mais elle débouche "presque toujours sur un non-lieu". Difficile de retrouver la trace des coupables : "On ne connaît pas l'identité des auteurs de ces tirs, poursuit le spécialiste. Il faut montrer qu’il est inadmissible de tirer sur ces rapaces. Si on laisse passer des tirs sur des espèces protégées, on risque de banaliser ces comportements."
Seule exception : en 2023, un éleveur de la Drôme a été condamné par le tribunal correctionnel de Valence à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir tué un gypaète barbu et un vautour moine, deux espèces menacées. Il a aussi dû verser 29 055 euros de dommages et intérêts à plusieurs associations.