"C'est l'argent des habitants et il a été dilapidé" : indignation à Echirolles après le rapport au vitriol sur l'ancienne direction du Centre du graphisme

Le Centre du graphisme d'Echirolles fait l'objet d'un rapport de la chambre régionale des comptes pointant notamment un "système népotique" et de "graves irrégularités". Une enquête a été ouverte après le dépôt d'une plainte par la Ville d'Echirolles, principal financeur de l'association aujourd'hui dissoute.

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Le Centre du graphisme d'Echirolles pointé du doigt pour une série de "dérives" et "irrégularités". La structure, chargée de promouvoir l'art graphique dans la deuxième ville de l'Isère, a fait l'objet d'un contrôle de la chambre régionale des comptes dont le rapport d'observations est paru mardi 26 mars.

Un rapport au vitriol qui concerne la période lors de laquelle le Centre du graphisme existait sous forme associative, entre 2015 et 2021. La juridiction financière pointe de "nombreuses défaillances", des "situations de conflit d'intérêt", recrutements au caractère "népotique" et des comptes dans le rouge, sans qu'aucune alerte n'ait été formulée. "Quand j'ai lu ce rapport, je suis tombée de ma chaise", affirme la maire d'Echirolles, Amandine Demore.

"Sidération, indignation, sentiment de trahison… Les qualificatifs (...) semblent tous trop faibles pour les élu-es d’Échirolles", peut-on lire dans un communiqué cinglant de la Ville, annonçant qu'un signalement a été fait au procureur de Grenoble au titre de l'article 40 - procédure qui permet aux collectivités de dénoncer les crimes ou délits.

"C'est important qu'on aille en justice pour faire la lumière sur cette affaire. On attend des dédommagements. L'argent public, c'est précieux. C'est l'argent des impôts, l'argent des habitants. Et là, il a été dilapidé", dénonce Amandine Demore.

Multiples subventions publiques

Le Centre du graphisme, chargée notamment d'organiser le Mois du graphisme tous les deux ans, subsistait essentiellement grâce aux subventions allouées par plusieurs collectivités dont la Ville d'Echirolles, principal financeur de la structure, qui lui a versé plus de 1,6 million d'euros en six ans. C'est l'une des deux seules structures en France dédiées à cette discipline.

La chambre des comptes souligne d'emblée une "confusion importante" entre les services municipaux d'Echirolles et l'association. Un trait d'union incarné par Diego Zaccaria, ancien cadre de la commune, directeur artistique du Centre du graphisme et fondateur de l'association.

"Le cumul et la concomitance de ces responsabilités au sein de l’association et de la ville étaient de notoriété publique", écrivent les magistrats dans leur rapport. Et ce cumul le plaçait dans une situation de "conflit d'intérêt" selon la chambre régionale des comptes, ce que reconnaît le principal intéressé.

"Mais cette situation a été créée par la Ville puisque l'association existait pour assurer la manifestation, [le Mois du graphisme, NDLR] que j'ai moi-même initiée, pour le compte de la Ville", explique Diego Zaccaria, aujourd'hui retraité.

"Népotisme" et "avantages indus"

Ce mode de fonctionnement, amplement dénoncé par la juridiction financière, aurait conduit au "renforcement des pouvoirs" du directeur artistique, donnant naissance à un "système népotique". La chambre a établi "de nombreux liens, notamment familiaux, entre la majorité des salariés permanents et deux des dirigeants de l’association" dont Diego Zaccaria.

Celui-ci reconnaît l'embauche - temporaire ou permanente - de trois membres de sa famille mais parle de "nécessité". "Le problème de fond, c'est comment on arrive à gérer une manifestation en étant soumis à la comptabilité publique. Ce n'est pas évident et on ne peut pas tout anticiper, donc on essaye de trouver la solution la plus rapide et la plus efficace", justifie-t-il.

Certains salariés de l'association auraient par ailleurs profité d'"avantages indus" : revente d'une voiture de l'association "pour la modique somme de 100 euros" au fils de l'administratrice, "captation" de téléphones portables haut de gamme, multiples "dépenses injustifiées" en grandes surfaces jusqu'à plus de 300 euros...

Trois salariés suspendus

Sans compter le versement de primes et l'augmentation de la rémunération de trois salariés permanents, liés aux dirigeants, allant de 14 % à 42 % jusqu'à la dissolution de l'association en 2021. "Quelques semaines auparavant, ils ont pratiqué d'énormes augmentations de leur salaire. On a dû reprendre les personnels au niveau de rémunération auquel ils étaient, ce qui est fait pour les protéger. Mais on a été mis au pied du mur et cela ne nous a pas fait plaisir, parce que les charges de personnel pèsent encore lourd", assure la maire d'Echirolles.

Les anciens salariés de l'association ont été repris dans la nouvelle structure, le Tracé, un établissement public administratif créé en 2021 qui gère aussi les deux autres musées de la commune. Trois salariés mis en cause dans le rapport ont été suspendus à titre conservatoire du Tracé et vont faire l'objet de "procédures disciplinaires préalables à licenciement", indique l'édile. Contactée par France 3 Alpes, l'ancienne administratrice de l'association, actuellement suspendue, n'a pas souhaité faire de commentaire dans l'immédiat.

"Les choses ne fonctionnaient peut-être pas tout à fait de manière conforme, je veux bien en convenir, mais elles existaient pour le bien commun. Des centaines d'enfants étaient accueillis et recevaient un apprentissage de la lecture de l'image, même de l'esprit critique. Ces choses-là m'importaient, poursuivre et maintenir ce projet pour qu'il continue à exister", estime Diego Zaccaria, regrettant "qu'on (le) salisse et qu'on salisse toute (sa) famille".

Des comptes peu surveillés ?

Les regards sont également tournés vers le commissaire aux comptes de l'association, chargé de certifier ses comptes annuels, qui n'a jamais alerté sur la situation financière. La chambre des comptes décrit un "contrôle lacunaire" de la situation financière et souligne "l'ampleur des irrégularités non décelées".

Sur la période étudiée par la juridiction, les fonds propres du Centre du graphisme n'ont été dans le vert qu'en 2016, plongeant dans le rouge jusqu'à atteindre - 7 600 euros lors de sa dissolution en 2021. "Je ne comprends pas comment (le commissaire aux comptes) a pu certifier des comptes comme ça. Le rapport est affligeant. Il y a des pages entières de paiements non justifiés. Il n'a pas pu passer à côté", dénonce Amandine Demore. "On n'a jamais été alerté sur quoi que ce soit. Comment est-ce possible ?"

Reconnaissant certaines erreurs ou dysfonctionnements, Diego Zaccaria regrette la tournure des événements. "Je me demande s'il n'y a pas une tentative de détourner le regard de la part de la Ville en accusant les gens qui ont travaillé pendant 30 ans pour la Ville d'Echirolles, réalisant 190 expositions, une manifestation de notoriété nationale, et en faisant retomber la responsabilité sur ces personnes et en les traitant de tous les noms. Je suis extrêmement choqué par cette attitude", conclut l'ancien agent municipal. Une enquête a été ouverte par le parquet de Grenoble pour faire la lumière sur ces irrégularités présumées.

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