Samedi 10 juillet, un jeune homme de 29 ans est mort après avoir chuté d’une voie d’escalade dans le massif de Belledonne. Il pratiquait l’escalade en solo, c’est-à-dire sans être assuré. Les secouristes s’inquiètent de la démocratisation de cette pratique dangereuse sur internet.
Samedi noir en montagne. En une seule journée, deux jeunes hommes ont perdu la vie dans les massifs de l’Isère. L’un, âgé de 22 ans, a chuté d’une barre rocheuse alors qu’il randonnait en Chartreuse.
L’autre, âgé de 29 ans, est mort dans le massif de Belledonne, près de Chamrousse. Il s’était engagé dans la Voie Gaspard, une voie d’escalade cotée assez difficile, lorsqu’il a chuté d’une centaine de mètres. Des témoins, alertés par le bruit, ont prévenu les secouristes en milieu d’après-midi.
A leur arrivée sur place, le jeune homme était déjà mort. Sans papiers d’identité, il a mis plusieurs heures à être identifié. C’est finalement l’exploitation de son téléphone portable qui a permis aux sauveteurs de prévenir ses parents, originaire du Nord, vers 1h du matin.
La pratique du solo, ça ne pardonne pas
En exploitant le téléphone de la victime, le brigadier Damien Fillon, secouriste en montagne CRS Alpes et guide de haute montagne, a établi que le jeune homme voulait monter cette voie en solitaire. En escalade, la pratique du "free solo" consiste à grimper seul, sans être assuré.
"Normalement on doit être encordé pour cette voie, précise le secouriste. Mais pour une raison indéterminée, il a décidé de monter en solitaire comme on peut le voir dans de nombreuses vidéos sur la toile".
Une pratique démocratisée par les réseaux sociaux
Damien Fillon pointe du doigt cette pratique, certes marginale, mais qui fait de plus en plus d’adeptes : "On voit qu’il y a une tendance sur internet avec les trails de l’extrême. On voit de plus en plus de gens monter au sommet du Mont-Blanc en baskets et short. Avec cette émancipation du trail, de manière générale, on a aussi plus de gens qui font des voies d’escalade en solitaire. Sauf que la pratique du solo, ça ne pardonne pas".
Cette pratique a été rendu célèbre par des alpinistes de l’extrême comme Alex Honnold, réputé pour ses ascensions en solo intégral. En 2016, il est parvenu à se hisser au sommet d’El Capitan, un paroi de 900 mètres en granit, à priori impossible à grimper sans corde.
Cet exploit a été suivi dans le film Free Solo, qui a remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 2019.
D’autres sportifs de l’extrême comme Kilian Jornet ou Alain Robert, surnommé le French Spiderman, ont démocratisé cette pratique en la rendant visible aux yeux de tous sur internet.
Alain Robert, qui a découvert l’escalade sur les falaises du Vercors, est notamment connu pour ses ascensions d’immeubles à mains nues.
Mais ce que ces vidéos en ligne ne montrent pas, c’est que ces pratiques nécessitent des heures d’entraînement. "Le solo est très dangereux, on n’a pas le droit à l’erreur et cela demande une grande connaissance des risques, ajoute le brigadier Damien Fillon. Il n’y a aucune marge d’erreur possible et il faut une grande expérience de l’alpinisme".
Pour éviter de nouveaux drames, le secouriste encourage les amateurs d’escalade à s’engager avec le matériel adéquat, casque, corde et baudrier, à faire des sorties assurées et à bien préparer et communiquer leur itinéraire.
"On récupère de plus en plus de trailers dans des endroits très raides, où nous, secouristes, ne serions jamais allés sans être encordés, conclut-il. Alors oui, quand on voit les vidéos de ces grimpeurs, ça fait rêver. Mais il ne faut pas oublier que même chez les professionnels du free solo, la plupart du temps, ça se termine très mal".