A l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation, le 16 octobre, Grenoble école de management (GEM) dévoile les résultats d’une étude inédite auprès des habitants de la région grenobloise, portant sur leurs habitudes de consommation et leurs pratiques alimentaires.
Après les effets du confinement ou, plus récemment, le ressenti de la canicule en milieu urbain, les chercheurs de Grenoble école de management (GEM) ont mené une nouvelle étude, consacrée cette fois aux habitudes de consommation et pratiques alimentaires dans l'agglomération.
Elle a été réalisée au printemps 2022 auprès de 677 habitants de la métropole grenobloise.
Pourquoi l'alimentation ? "Parce qu'il s'agit d'un enjeu majeur au sein de la société, que c'est un sujet de tensions, que ce thème met en jeu des facteurs multiples, économiques, psychologiques, environnementaux", répond Vincent Jourdain, chercheur à GEM et co-auteur de l’étude. "Il faut aussi avoir à l'esprit, précise-t-il, qu'après les transports et le logement, le secteur de l'alimentation est le troisième producteur de gaz à effet de serre"
Car au-delà de l'assiette, les réponses en disent plus long qu'un simple repas, même si Vincent Jourdain précise : "C'est une photographie, partielle, à un instant T, et nous reconduirons notre enquête l'an prochain pour évaluer d'éventuels changements ou orientations. Nous ne sommes pas en mesure de dire, par exemple, en ce moment, quel est l'impact de la crise économique sur les pratiques alimentaires".
Alors, que révèle l'assiette des foyers de la métropole de Grenoble au printemps 2022 ? "Les résultats de cette enquête correspondent peu ou prou aux chiffres établis à l’échelle nationale par une enquête de l’Institut national de la consommation (INC) commandée par Zero Waste France en 2020."
Presque sept heures passées en cuisine
- En moyenne, les habitants de la région grenobloise déclarent passer 6h45 par semaine à cuisiner, qu'ils soient des hommes et des femmes.
- 21 % d'entre eux optent pour la livraison de repas à domicile de façon sporadique (une à deux fois par mois), 21 % de façon exceptionnelle (une à deux fois par an) et seulement 2 % affirment y recourir une fois par semaine tandis que 55 % déclarent ne jamais y recourir.
Les commerces de proximité et les grandes surfaces en face-à-face
- Parmi les commerces les plus fréquentés, une spécificité française, la boulangerie arrive en tête avec plus de 60 % des personnes interrogées. Les grandes surfaces et les marchés sont respectivement fréquentés par 66,7 % et 55,7 % des habitants.
- Arrivent ensuite les magasins bio (36,9 %), les magasins de vrac (14,6 %) et les commerces de proximité (24 % pour les primeurs, 31,5 % pour les boucheries et 8,7 % pour les poissonneries).
- La consommation de proximité est relativement plébiscitée, puisque 26,6 % des habitants de l'agglomération déclarent se fournir directement chez les producteurs et 15,9 % passer par des structures dites de circuits courts.
Les femmes mangent moins de produits d'origine animale que les hommes
A la question "combien de fois mangez-vous de type de produits d'origine animale dans une semaine classique ?", voici les réponses : 6,1 fois produits laitiers, 2,1 fois des œufs, 1,4 fois de la viande rouge, 1,8 fois viande blanche, 1,8 viande porcine, 1,2 fois du poisson.
Selon l'étude, les femmes déclarent manger moins de produits d'origine animale que les hommes. Les résultats indiquent que 78,3 % des habitants questionnés n’ont pas de régime alimentaire spécifique alors que 21,7 % ne mangent pas du tout de viande ou pas toutes les viandes - 10,7 % ne mangent pas de viande rouge, 3,9 % sont végétariens, 3,2 % ne mangent pas de viande rouge ni porcine, 3,5 % sont pescitariens, 0,4 % végétaliens.
Viande ou pas viande ?
Autre enseignement, 67,7 % sont d’accord ou tout à fait d’accord avec le fait que "la viande fait partie de régime naturel des êtres humains" ou 60,1 % sont d’accord ou tout à fait d’accord avec le fait que "la consommation de viande est essentielle à la croissance des enfants".
"Il ressort de cette étude que, pour une grande majorité, consommer de la viande est un plaisir, comme de la cuisiner lorsqu’ils reçoivent des amis ou déclarent en consommer lorsqu’ils vont au restaurant. Nous avons pu observer parmi les réponses que le critère de qualité, comme l’origine française, est fortement partagé. Parmi les répondants, 91 % déclarent à ce sujet privilégier la qualité sur la quantité alors que, dans le même temps, 68,8 % estiment que le prix de la viande est trop élevé en France", explique Vincent Jourdain.
Alimentation et réchauffement climatique : un dilemme ?
L’enquête s’est particulièrement intéressée aux activités de production alimentaire et à leur impact sur les émissions de gaz à effets de serre. Les résultats sont sans appel. Une très grande majorité des personnes interrogées pensent que l’élevage de bovins (92,1 %), la transformation des aliments (90,6 %), l’élevage porcin et de volaille (86 %) et la production céréalière (75,9 %) ont une part importante à très importante.
Alors, les citoyens de la métropole sont-ils prêts à adopter un régime moins carné ? Quelque 33,3 % des personnes sondées déclarent qu'elles le feraient si elles "savaient que c’était bénéfique pour leur santé", 23,6 % "s’il existait beaucoup plus d’alternatives de produits protéinés", 16,9 % si elles "savaient cuisiner différemment", et seulement 3 % déclarent qu'elles réduiraient leur consommation de viande "si ce n’était pas mal perçu par leurs proches". Et 17,2 % des sondés déclarent qu’ils ne réduiraient pas leur consommation de viande.
"C'est l'un des paradoxes de la situation que révèle cette étude. Les gens ont beau avoir une certaine connaissance des effets de certains domaines de l'alimentation sur le climat, ils ne sont pas pour autant prêts à changer leurs habitudes, leurs pratiques alimentaires. D'autant que de très nombreux facteurs entrent en jeu : l'âge, la génération, le milieu social, le revenu… Le choix alimentaire n'est pas seulement individuel. Pour preuve, par exemple, le pourcentage de personnes qui déclarent cuisiner de la viande quand il y a des invités, ou ceux qui réduiraient volontiers leur consommation, si ce n'était pas mal perçu par les proches (…) Ce sont des indicateurs qui nous ont marqués", analyse le chercheur de GEM, en concluant : "C'est une thématique bien plus complexe que l'on ne croît".
Cette étude a été réalisée dans le cadre du Baromètre des transitions avec le soutien de l’Ademe et Grenoble-Alpes métropole. Pour en savoir plus : https://recherche.grenoble-em.com/projets-finances-en-cours.