Plusieurs événements pourraient être à l'origine de l'éboulement d'un pan de montagne qui s'est produit jeudi soir en Isère, selon Serge Taboulot, président de l'Institut des risques majeurs. Le retour à la normale dans le secteur et la réouverture de la route n'interviendront pas, d'après lui, avant plusieurs mois.
L'effondrement d'un pan de montagne sur les flancs du massif du Vercors, en Isère, a coupé la route départementale Grenoble-Valence sur la commune de La Rivière ce jeudi 25 juillet. Les recherches d'éventuelles victimes sont toujours en cours sur place mais "aucun disparu n'a été signalé" pour l'heure, indiquait la préfecture de l'Isère jeudi soir.
L'immense éboulement de "plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes" de roches s'est produit sur un pan de montagne exploité par une carrière. Des experts du service de Restauration des terrains de montagne (RTM) sont sur place pour évaluer les risques et tenter d'identifier les causes de cet éboulement.
Le président de l'Institut des risques majeurs (Irma), Serge Taboulot, émet plusieurs hypothèses sur l'origine géomorphologique de l'effondrement et prévient qu'un retour à la normale dans le secteur n'interviendra probablement pas avant plusieurs mois.
Quelles pourraient être les causes de l'éboulement qui s'est produit jeudi sur les flancs du massif du Vercors ?
Serge Taboulot : "Les investigations de terrain sont en cours et permettront de déterminer d'où l'éboulement est parti, comment il est parti et probablement pourquoi. Il y a trois hypothèses majeures et probablement des causes combinées, c'est-à-dire un mélange de ces trois causes voire deux des trois.
La première hypothèse - qui a été avancée dès jeudi soir par le maire de la commune - serait une fragilisation liée aux fortes pluies printanières. Les falaises du Vercors sont calcaires et karstiques, c'est-à-dire pleines de poches d'eau. Si elles se remplissent, cela 'lubrifie' les falaises. A force d'être lubrifiées, cela fragilise leur structure. C'est une explication plausible. Cela peut être la seule, mais cela m'étonnerait.
La deuxième hypothèse est une fragilisation par des travaux d'excavation, donc l'exploitation de la carrière. Peut-être que ces derniers temps, il y a eu une exploitation de la carrière qui a fait qu'un pan a été fragilisé sans que cela ne se voie en apparence. L'exploitation de carrières crée des vibrations qui sont fragilisantes par essence, puisque l'on réalise des tirs de mines afin d'exploiter les cailloux.
La dernière explication, c'est qu'il a pu y avoir des micro-séismes de faible intensité, à peine ressentis au niveau humain. Les pluies combinées à l'exploitation de la carrière et, peut-être, à des tremblements de terre de très petite intensité ont pu déclencher cet éboulement. Le terrain est favorable. On le saura assez vite, car les experts auront accès aux relevés de l'activité sismique.
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Peut-on parler d'un éboulement d'une ampleur inédite dans ce secteur ?
La caractéristique majeure de cet éboulement, c'est son volume monstrueux. Ce n'est pas la catastrophe du Granier du XIIIe siècle [le mont Granier, en Savoie, s'est écroulé en 1248, faisant près d'un millier de victimes, NDLR], mais cela représente tout de même un volume inimaginable.
Dans ces terrains préalpins, calcaires, le dernier événement dont on se souvient, c'est l'éboulement du Granier. Ce n'est pas le même phénomène puisque dans ce cas, on est pratiquement certains que ce sont des pluies orageuses qui sont à l'origine de l'éboulement. Le Granier partait presque en miette, ce qui est un classique de ces massifs calcaires.
Dans le Vercors, tout un pan est parti en même temps. Je n'ai pas la mémoire d'un événement de ce volume. C'est tout de même très impressionnant et c'est un événement rare.
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Le préfet de l'Isère a évoqué des "signes de déstabilisation" apparus peu de temps avant sur ce secteur. Cet événement pouvait-il être anticipé ?
Ce genre d'éboulement a toujours des précurseurs. On peut surveiller les secteurs à risque, en particulier en instrumentant de manière optique pour observer les déformations et anticiper de quelques heures, quelques jours au plus, un événement d'écroulement complet.
Les éboulements précurseurs de l'après-midi dont a parlé le préfet font penser à cela. À savoir qu'un événement de ce genre n'est jamais prévisible. Par contre, lorsque le site est instrumenté et qu'on peut le surveiller, on peut déceler des signes précurseurs de micro-éboulements. Cela permet d'évacuer un secteur, par exemple.
Je n'ai pas l'information, mais cela m'étonnerait qu'il y ait une instrumentation particulière de cette falaise devenue carrière. Si elle avait été surveillée, probablement, les premiers éboulements qui ont été observés auraient conduit à une évacuation immédiate de la zone. Ce n'était probablement pas un secteur particulièrement surveillé autrement que par l'exploitant du site qui, lui aussi, est responsable de la sécurité de ses ouvriers.
A quelle échéance peut-on espérer un retour à la normale dans ce secteur ?
Compte tenu des volumes en jeu, la phase de recherche d'éventuelles victimes va probablement durer quelques jours. En revanche, le retour à la normale va durer plusieurs semaines en étant optimiste, probablement des mois.
Il va se passer des mois avant qu'on ait des travaux. L'impact sera peut-être moindre qu'après l'éboulement en Maurienne [15 000 m3 de roches s'étaient détachés d'une falaise le 27 août 2023, coupant une route départementale et une voie ferroviaire, NDLR] mais il sera tout de même important puisqu'il s'agit d'une route structurante. Le retour à la normale sur ce site me paraît à des horizons très lointains, cela se compte très probablement en mois et c'est peut-être la seule chose dont on est assez certains à ce jour."