Les prises de parole se multiplient pour dénoncer le collage d'affiches sur le campus de Sciences Po Grenoble dimanche avec les noms de deux professeurs accusés d'islamophobie par un syndicat étudiant. "Garantir les libertés académiques est une exigence non négociable", affirme la direction.
La direction de Sciences Po Grenoble sort du silence, deux jours après l'affaire sur les accusations d'islamophobie. Dans un communiqué, elle "condamne avec la plus grande fermeté" les collages apposés dimanche 7 mars sur les murs de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble. Deux enseignants de l'école accusés d'islamophobie par l'Union syndicale de l'IEP de Grenoble (USIEPG) y étaient cités nommément, et des images de ces affiches ont été relayées sur les réseaux sociaux. Le syndicat étudiant dément toutefois être à l'origine du collage.
Cette action "met en danger l'ensemble de ses étudiants et personnels", estime la direction de Sciences Po Grenoble. Le parquet a ouvert une enquête pour "injure publique" et "dégradation" suite au signalement par la direction de ces collages. "Les menaces, les injures et les pressions n'ont pas leur place dans l'enseignement supérieur", a pour sa part souligné dimanche dans un communiqué la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Frédérique Vidal, condamnant ces faits.
Cette dernière va diligenter, parallèlement à l'enquête judiciaire, une mission de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) "afin d'établir les responsabilités de chacun et de contribuer à rétablir la sérénité au sein" de l'établissement. La direction de Sciences Po affirme qu'elle "mettra tout en œuvre pour faciliter le travail de cette mission". "Garantir les libertés académiques est une exigence non négociable", conclut-elle dans ce communiqué.
"On ne peut plus tolérer ce type de fait"
Le syndicat étudiant Unef Grenoble avait relayé des photos de ces collages sur les réseaux sociaux avant de les retirer moins de deux jours plus tard. "Nous avons entendu l’émoi suscité chez eux et au-delà et nous ne voulions pas ajouter de la confusion à notre refus du racisme contre les musulmans suite à la campagne générée par la droite et l'extrême-droite", explique-t-il dans un communiqué, sans retirer sa "condamnation aux propos islamophobes et à la discrimination face aux études pour appartenance syndicale".
Cette publication des affiches sur les réseaux sociaux, bien que supprimée, a mis "en danger très clairement" la vie de ces professeurs, selon la ministre chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa. "On est là dans des actes odieux après ce qui s'est passé avec la décapitation du professeur Samuel Paty qui, de la même manière, avait été jeté en pâture sur les réseaux sociaux. On ne peut plus tolérer ce type de fait", a-t-elle dénoncé sur BFM TV/RMC.
"On ne peut pas commencer à dire qu'on va faire la justice en écrivant le nom des gens sur les murs, surtout quand on sait que derrière il y a un risque de mort", a-t-elle ajouté. "Je lance un appel à la responsabilité notamment par rapport à l'Unef, l'Unef a une responsabilité : on ne peut pas relayer des appels à la haine et des choses aussi graves", a-t-elle conclu.
Polémique sur un cours sur l'islam
Au coeur de cette affaire, un cours sur l'islam en France au sein de l'IEP et la préparation d'une "Semaine de l'égalité" contre les discriminations. Dans un appel sur Facebook le 22 février, l'USIEPG avait demandé des témoignages d'étudiants sur d'éventuels "propos problématiques" qui y auraient été tenus, sans nommer l'enseignant. Le syndicat expliquait notamment qu'elle souhaitait faire "retirer" cet enseignement "des maquettes pédagogiques pour l'année prochaine si, lors de ce cours, des propos islamophobes y étaient dispensés comme scientifiques".
En réaction, le maître de conférence avait, dans un mail, demandé aux étudiants appartenant au syndicat "de quitter immédiatement (ses) cours et de ne jamais y remettre les pieds". Une injonction qui avait fait l'objet quelques jours plus tard d'une plainte pour "discrimination syndicale", classée sans suite depuis.
C'est "un appel à la délation" avec pour conséquence "une situation de danger grave et imminent", a renchéri l'avocat du professeur, Me Eric le Gulludec, interrogé par l'AFP. De son côté, l'Union syndicale assure que son appel ne relève que "d'une habitude de sondages menés régulièrement auprès des étudiants".