À Sciences-Po Grenoble, les accusations d'islamophobie envers des enseignants divisent le campus

Un syndicat étudiant de Sciences-Po Grenoble accuse des enseignants d'avoir tenu des propos islamophobes. Face à eux, des professeurs et d'autres étudiants dénoncent des accusations sans fondement. Un maître de conférence visé par les accusations est terrorisé par la situation. 

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C'est une bataille verbale que certains craignent de voir déraper en violences physiques, quelques mois après l'assassinat du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty. Sur le campus de Sciences-Po Grenoble, un syndicat étudiant, l'Union syndicale de l'IEP de Grenoble (USIEPG), a allumé une mèche en accusant un enseignant d'avoir tenu des propos islamophobes et en menant son "enquête" sur les cours d'un second enseignant. 

Selon le syndicat étudiant USIEPG, qui reprend des propos diffusés par le collectif "Sciences Po Grenoble en lutte", un professeur d'allemand aurait prononcé des mots discriminants lors de la préparation d'une journée intitulée "Racisme, islamophobie, antisémitisme" dans le cadre de la semaine de l'égalité qui se tenait du 30 novembre au 6 décembre 2020 sur le campus. 

"Une journée consacrée au thème "Racisme, islamophobie et antisémitisme" reste une très mauvaise idée (...) Elle serait une insulte aux victimes réelles (et non imaginaires!) du racisme et de l'antisémitisme" aurait affirmé le professeur d'allemand dans un échange de mails, dont une capture d'écran a été publiée sur la page Facebook de l'USIEPG. Ce sont ces propos que l'USIEPG jugent discriminants. 

Un cours sur l'Islam en France

Mais c'est un autre enseignant, spécialiste en sciences politiques, qui est maintenant au centre de l'affaire. Ce maître de conférence dirige le cours "Islam et musulmans dans la France contemporaine" au sein de Sciences-Po Grenoble. En désaccord avec les accusations d'islamophobie faites à son collègue, il a vu l'USIEPG lancer un appel à témoignages concernant son cours pour savoir si des propos islamophobes y avaient été tenus. En colère, ce professeur spécialiste de l'Islam a alors envoyé un mail à une centaine d'étudiants en demandant aux membres de l'USIEPG de ne plus assister à son cours "Islam et musulmans dans la France contemporaine", ainsi qu'à ses autres cours dispensés dans l'établissement. 

Dans ce mail, que nous avons pu lire, ce professeur écrit notamment : "Pour des raisons que je ne peux pas expliquer par mail, je demande à tous les étudiants qui appartiennent au syndicat dit "Union syndicale" de quitter immédiatement mes cours et de ne jamais y remettre les pieds"

"Il n'y a jamais eu d'islamophobie dans ses cours"

Au sein du campus de Sciences-Po, des étudiants non syndiqués regrettent "la démarche agressive" de l'USIEPG. "Il y a des étudiants de moins en moins tolérants. Ce professeur a une éthique. Il peut ouvrir le débat sans jamais tomber dans l'agressivité. Il n'y a jamais eu d'islamophobie dans ses cours. D'ailleurs, l'USIEPG ne cite jamais de propos précis. Ce sont des accusations globales", témoigne Pierrick Serpinet, étudiant en Master 1 qui a suivi à plusieurs reprises des cours de l'enseignant visé. "Il y a une pression sociale très forte qui est imposée par ce syndicat au sein du campus", ajoute Pierrick Serpinet. 

Arnaud Lacheret, professeur de science politique à l’Arabian Gulf University, est un ancien étudiant de l'IEP de Grenoble et un ami du professeur incriminé, dont il apprécie l'enseignement. Il pointe du doigt une idéologie de la "cancel culture", qui vise à effacer tout débat politique. "C'est vraiment une idéologie que l'on peut voir sur les campus américains, et ça bouscule les universités françaises qui ne sont pas habituées à ça", dit-il.

"On a affaire à un professeur très classique"

Sur le fond de l'affaire, cet universitaire de haut niveau estime que les cours de son homologue grenoblois ne sont absolument pas discriminants envers la religion musulmane. "On a affaire à un professeur très classique. Il est plus terrorisé qu'autre chose. Il se retrouve en pleine dérive de syndicats étudiants. Ils ont voulu faire la peau d'un professeur qui a 20 ans de métier", poursuit Arnaud Lacheret. 

De son côté, le syndicat USIEPG affirme avoir déposé une plainte après avoir eu connaissance du mail envoyé par l'enseignant aux élèves. "On ne l'a jamais attaqué pour le contenu de ses cours. On a déposé plainte pour discrimination syndicale. Il faut savoir que c'est un professeur provocateur. Je l'ai eu en cours, il assume de dire des choses à la limite de l'acceptable", juge Thomas Mandroux, membre de l'USIEPG.

"Il est terrorisé"

Pourtant, l'USIEPG a bien exigé dans un message posté sur sa page Facebook le 22 février que le cours "Islam et musulmans dans la France contemporaine" soit retiré du programme de Science Po Grenoble. "Étant donné les problèmes d’islamophobie de certains professeurs de l’IEP, l’Union Syndicale souhaite retirer ce cours des maquettes pédagogiques pour l’année prochaine si lors de ce cours des propos islamophobes y étaient dispensés comme scientifique", note l'USIEPG. 

Contacté, le professeur incriminé par le syndicat étudiant nous a indiqué qu'il ne voulait pas s'exprimer sur cette affaire, car il réfléchit avec son avocat à engager une procédure judiciaire. Il nous a cependant avoué craindre pour sa sécurité. "Il est terrorisé à l’idée de se faire tuer", avertit Arnaud Lacheret. "Il y a des gens extérieurs à l'IEP qui sont venus à son cours. Une fois, l'un d'entre-eux est venu demander où il habitait", glisse l'étudiant Pierrick Serpinet, lui aussi très inquiet pour la sécurité de son professeur. 

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Mise à jour samedi 6 mars à 19h :  Le procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant, a ordonné une enquête pour "injure publique" suite au signalement par la direction de Sciences-Po Grenoble d'affiches apposées sur les murs de l'IEP et "visant nommément deux professeurs de l'établissement". Par ailleurs, le procureur a pris la décision de classer sans suite pour "infraction insuffisament caractérisée" la plainte pour discrimination syndicale du représentant de l'Union syndicale de l'IEP de Grenoble envers l'un des professeurs cités dans cet article. 

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