Agriculteurs en colère. "On a eu de beaux discours, maintenant on veut du concret" : la pression monte avant le Salon de l'Agriculture

À quelques jours de l'ouverture du Salon de l'Agriculture ce 24 février, et avant la nouvelle conférence de presse du Premier ministre Gabriel Attal, les agriculteurs d'Isère, Savoie et Haute-Savoie attendent de pied ferme les annonces du gouvernement. Au programme, des actions vers les consommateurs, à l'échelle locale et à Paris.

"Ça va être un Salon difficile, les agriculteurs attendent d'autres réponses de l’État et de l’Europe. À mon avis, le président Macron ne peut pas venir sur le Salon comme les autres années", affirme Jérôme Crozat, président de la FDSEA Isère. Le Salon international de l'Agriculture, qui ouvre ses portes ce 24 février, se déroulera cette année dans un contexte très particulier, alors que le mouvement de contestation des agriculteurs a repris cette semaine dans l'Ouest et dans le Sud de la France.

En attente de mesures concrètes

"On est conscients qu'on ne va pas repartir avec un chèque de 5 000 ou 10 000 euros par exploitation", reprend Jérôme Crozat. "Mais on veut repartir avec un bon prix de vente pour nos produits. (...) Le président va peut-être prendre conscience qu’il faut des mesures d'impact fortes."

L'enjeu, c'est plutôt de maintenir la pression, sur le Président et les ministres.

Guillaume Léger

Président des JA 74

Des mesures concrètes, c'est aussi ce qu'attendent les Jeunes agriculteurs de Haute-Savoie. "L'enjeu, c'est plutôt de maintenir la pression, sur le Président et les ministres. Nous attendons une traduction opérationnelle du chantier de simplification. Nous avons fait 120 propositions, à plusieurs échelles", détaille Guillaume Léger, président des JA 74. "Le but, c'est que l'administration fasse remonter. La vérité, c'est comment les services des ministères vont traiter les sujets. Les prises de parole des ministres, c’est une chose ; ce sont leurs services qui font la pluie et le beau temps, et les ministres sont suspendus à leur bon vouloir."

Mais les politiques ne seront pas les seuls attendus au tournant. "On a beaucoup parlé de prix et de rémunérations, on ne peut pas avoir des éleveurs et des grandes et moyennes surfaces dans le même salon et faire comme si de rien n’était. On n'a pas d’actions arrêtées encore mais c’est sûr qu'il y aura des actions symboliques", se projette Guillaume Léger.

Les représentants de syndicats interrogés se disent en tout cas prêts à travailler avec les élus. Selon Jérôme Crozat, président de la FDSEA de l'Isère, des réunions sur la production animale et végétale, d'habitude organisées dans le département, auront cette année lieu à Paris, avec les députés et sénateurs du département.

Thierry Boiron, président de la Coordination rurale 38, affirme qu'il "faut faire des propositions concrètes, politiquement acceptables. On ne doit pas se contenter de gueuler, sinon on n’arrivera à rien et les syndicats en prendront plein la tronche." Il ajoute : "Le gouvernement nous a tendu la main vers plus de simplification, moi je vais travailler là-dessus avec nos députés qui sauront le traduire dans la loi."

Un nouveau texte d'orientation présenté cette semaine

Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles devrait également être annoncé dans les prochains jours. Selon Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le texte devrait contenir des mesures sur "les questions de la formation et de la transmission, des volets relatifs à la souveraineté et à la simplification, qui devraient largement répondre à vos attentes."

Le texte proposera notamment des mesures pour faciliter le renouvellement des générations. Les Jeunes Agriculteurs de Haute-Savoie ont par exemple proposé de généraliser le principe de "l'année blanche, qui permet la première année d'être présent en tant qu'associé dans un GAEC, mais sans engager de frais financiers. C'est important, quand 50% de ces installations n'aboutissent pas. Mais je suis sceptique sur la vraie volonté des ministères de créer quelque chose."

Pour désamorcer les tensions, le Premier ministre Gabriel Attal prévoit d'ailleurs une conférence de presse sur les mesures agricoles ce 21 février. 

Il faut poursuivre les grosses actions qu’on a faites et continuer de faire monter la pression.

Bernard Mogenet

Président de la FDSEA des 2 Savoie

"Nous avons eu des annonces séduisantes du Premier ministre, nous sommes largement en attente de précisions et d’aller plus loin", tient à rappeler Bernard Mogenet, président de la FDSEA des 2 Savoie. "On a eu une bonne écoute de nos préfets dans nos départements, on a pu faire remonter nos attentes. On a eu de beaux discours, de belles paroles, mais nous on veut du concret."

La Confédération paysanne, elle aussi, attend de voir. Selon son porte-parole Thierry Bonnamour, "le projet de départ accentuait le modèle industriel de l'agriculture, où les paysans sont remplacés par des salariés. (...) Pour le moment, il n'y a pas de logique de régulation pour l'accès à la terre, et accompagner à l'installation un public non issu du milieu agricole."

Des actions locales et à Paris

La Coordination rurale n'appelle à aucune action au niveau local. Gilles Chatelain, président de la Coordination rurale Savoie, explique que des actions "coup-de-poing" sur le site-même du Salon, seraient programmées pour "maintenir la pression." Mais également, "toutes les régions de France sont invitées à monter à Paris avec leurs produits régionaux le vendredi fin d’après-midi et soirée, pour faire des séances de dégustation. On veut garder la sympathie des consommateurs." 

Thierry Boiron, président de la Coordination rurale de l'Isère, s'attend lui à de nouvelles manifestations après le Salon de l'Agriculture. "On a eu les premières manifestations parce que les céréaliers clôturent leur année en décembre. Les éleveurs clôturent leur bilan au mois de mars, donc ça va péter."

La Confédération paysanne prévoit de son côté "d'ouvrir les portes d'une ferme locale plutôt que celles d'un Salon parisien", selon les mots de Thierry Bonnamour. "Un salon à la ferme" est par exemple prévu ce dimanche 25 février à la pépinière La Devinière à Détrier en Savoie. Le porte-parole du syndicat pour la région Auvergne-Rhône-Alpes estime qu'il "ne faut pas s'éparpiller. Faire autant de mobilisation pour récupérer deux ou trois simplifications administratives, ce n’est pas ça qui nous intéresse pour l’instant. Ce que demandent les paysans, c’est un revenu."

Pour Guillaume Léger, président des Jeunes Agriculteurs Haute-Savoie, il s'agit d'être présent sur les deux volets, à l'échelle locale et nationale. "On veut profiter du chassé-croisé du week-end pour faire quelque chose de plus positif que des blocages. Pendant les blocages, on a voulu sensibiliser les politiques et dans un deuxième temps, on doit sensibiliser les consommateurs."

Dans le même registre, la FDSEA et les Jeunes agriculteurs de l'Isère s'apprêtent cette semaine à mener des actions de sensibilisation à la provenance des produits dans certains supermarchés du département. Ce jeudi, une action du même type est prévue dans quatre zones de Savoie et Haute-Savoie. "Ça se fait en parallèle du Salon, qui s'adresse au grand public. Nous voulons faire comprendre aux consommateurs pourquoi le monde agricole traverse une telle crise de reconnaissance", précise Bernard Mogenet, président de la FDSEA des 2 Savoie.

2 000 agriculteurs venus de toute la France, à l'appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, devraient se rassembler vendredi à Paris, à la veille de l'ouverture du Salon. "Il faut montrer aux agriculteurs qu’on a compris leur détresse, que l'État change de modèle. L'attente est toujours aussi forte, on espère ne pas être déçus. On ne sera pas dupes non plus à la veille des élections européennes", conclut Bernard Mogenet.

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