En mars 2018, Kévin Lucas était contrôlé au volant d'un véhicule avec plusieurs personnes en situation irrégulière à son bord sur une route des Hautes-Alpes. En première instance, le tribunal de Gap l'avait condamné à 4 mois avec sursis.
Ce mercredi, ils étaient une petite centaine de militants, à l'appel du "Collectif de soutien aux 4+3+2", à être venu soutenir Kevin Lucas, un berger briançonnais de 32 ans. Il lui est reproché d'avoir transporté, en mars 2018, plusieurs personnes en situation irrégulière dans son véhicule et de les avoir aidé à franchir la frontière de Montgenèvre (Hautes-Alpes), entre l'Italie et la France. En janvier dernier, il avait été condamné par le tribunal de Gap à 4 mois de prison avec sursis pour refus de se soumettre à un contrôle de gendarmerie et aide à l'entrée irrégulière.
"On joue à rôles renversés. Ceux qui sont poursuivi sont ceux qui respectent le droit. Et ceux qui accusent sont ceux qui bafouent le droit", s'indigne Michel Rousseau, porte-parole de l'association "Tous migrants", présent ce mercredi devant la Cour d'appel de Grenoble. "Ces personnes [en situation irrégulière, ndlr], on les connaît : ce n'est pas la misère du monde. Nous, on a accueilli 10.000 personnes dans le Briançonnais. On s'est enrichi des échanges avec eux. Ce sont des gens qui sont forts, qui ont supporté énormement de souffrances, de misères. Ils font ainsi honneur à la France en faisant confiance à notre pays."
La question du "délit de solidarité"
À la barre, Kevin Lucas a répondu a donné sa version. Il reconnaît avoir transporté ces personnes, mais pas de les avoir aidé à franchir la frontière. Il assure qu'il n'y avait "pas de contrepartie" à son comportement, mais un but "humanitaire" pour éviter la "mise en danger de ces personnes en hiver". "Je voulais les ramener en sécurité à Briançon", a-t-il déclaré."On demande une relaxe pure et simple", explique Me Maeva Binimélis, la conseil du jeune homme, après environ deux heures d'audience. Elle s'appuie notamment sur la question prioritaire de constitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel le 6 juillet 2018 à propos du "délit de solidarité". Les Sages ont indiqué qu'interdire l'aide à la circulation d'un étranger en situation irrégulière, alors que cette aide "est motivée par un but humanitaire", était contraire à la Constitution et au principe de fraternité.
"Je suis intimement convaincue que mon client n'a commis aucune infraction", poursuit l'avocate. "Ca a été rappelé par le Conseil constitutionnel le 6 juillet 2018. Il serait regrettable de devoir saisir d'autres juridictions, notamment européenne, pour que ce soit à nouveau rappelé." De son côté, l'avocat général a requis la même peine qu'en première instance : 4 mois de prison avec sursis.
La décision de la Cour d'appel de Grenoble a été mise en délibéré au 23 octobre.