Braquage mortel d’un fourgon blindé : les témoignages à l’épreuve du temps, 22 ans après les faits

Le procès de Saïd Tayakout se poursuit devant les Assises du Rhône. Le quinquagénaire est suspecté d’avoir participé au braquage d’un fourgon blindé à Grenoble, au cours duquel un convoyeur de fonds a été tué. Le deuxième jour d’audience a été consacré en partie aux témoins ayant assisté à l’assaut. Mais 22 ans après les faits, ils ont eu du mal à répondre à toutes les questions de la Cour.

"Je ne me souviens plus", "je n’ai pas de certitudes", "je ne sais plus". Au palais de justice de Lyon, les témoins appelés à la barre ont dû fouiller dans leur mémoire pour essayer de reconstituer la scène, souvent traumatisante, à laquelle ils ont assisté le 27 avril 2000.

Ce jour-là, en milieu de matinée, un fourgon blindé circule cours de la Libération et transporte des fonds pour la Banque de France lorsqu’il est pris d’assaut par un commando. Les braqueurs utilisent une Renault 25 pour immobiliser le fourgon, avant d’utiliser une arme de guerre et des explosifs pour accéder au butin. L’explosion cause la mort d’un des trois convoyeurs de fonds, un père de famille âgé de 42 ans.

J’ai entendu des coups de feu, des explosions. Je me suis mise à terre au milieu des voitures le temps que ça se calme.

Lucile, témoin de l'assaut du fourgon blindé

Lucile se trouvait à "une dizaine de mètres" du fourgon lorsqu’il a été attaqué. Étudiante à l’époque, elle circulait à vélo lorsqu’elle a croisé la voiture des assaillants. "Leur voiture était mal stationnée, au milieu de la route, donc j’ai slalomé pour passer et je me suis retrouvée face à des personnes qui ont ouvert leur portière à toute vitesse, raconte-t-elle à la Cour. Ces personnes étaient masquées avec des perruques. J’ai entendu des coups de feu, des explosions. Je me suis mise à terre au milieu des voitures le temps que ça se calme".

Après l’assaut, les assaillants ont pris la fuite à bord de leur Renault 25 jusqu’à la rue des Violettes, où ils ont transféré leur butin dans une voiture relais. Un deuxième témoin, qui réparait sa voiture dans la rue à ce moment-là, a vu "deux hommes cagoulés, armes à la main" descendre de la R25. À quoi ressemblaient les sacs d’argent ? Combien de personnes se trouvaient dans la voiture relais qui a permis aux auteurs du braquage de prendre la fuite ? "Je ne me rappelle plus" se désole le témoin à la barre, s’excusant auprès du président d’avoir oublié certains détails. "Il est normal que les souvenirs s’estompent" rassure Me Ripert, l’avocat de l’accusé.

Deux autres témoins, également présents rue des Violettes au moment des faits, sont appelés pour faire leur déposition devant la Cour. Une femme d’une quarantaine d’années et un septuagénaire retraité. Tous deux affirment avoir vu les deux assaillants tenter de mettre le feu à la Renault 25. "Ils étaient masqués, en bleu de travail et ils déchargeaient des sacs, enfin des choses. Je ne sais plus, c’était il y a plus de vingt ans, relate la témoin. L’un d’eux avait un petit bidon, qu’il voulait allumer avec une mèche". "C’était un bidon ou une bouteille ?" demande le président de la Cour. "Il me semble que c’était plutôt un cocktail molotov" précise la quadragénaire.

Je note la fragilité des témoignages et la difficulté de faire confiance à ce qui se dit.

Me Bernard Ripert, avocat de la défense

Lors de chaque déposition, Antoine Molinar-Min, le président de la Cour, relit les dépositions effectuées par les témoins peu après le braquage. "Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit à l’époque ? Est-ce que vous vous rappelez de tout ?" demande-t-il à chacun. Face à lui, les témoins eux-mêmes admettent que leurs souvenirs sont confus. "À l’époque, vous aviez dit à la police que vous aviez vu deux assaillants et aujourd’hui, vous vous souvenez de trois personnes" interroge le président. "Je n’ai que des sensations, mais pas de certitudes" reconnaît Lucile.

"Je note la fragilité des témoignages et la difficulté de faire confiance à ce qui se dit, prévient l’avocat de la défense, Me Bernard Ripert, qui s’engouffre dans la brèche. Il n’est pas possible, dans le principe de l’oralité des débats, de juger Mr Tayakout. Les faits sont trop anciens, donc il n’y a aucun débat judiciaire possible dans un tel contexte".

Compréhensif avec les témoins, Antoine Molinar-Min essaye malgré tout de stimuler leur mémoire. "Quelle était la couleur de la voiture ? Quel type de perruque portaient-ils ?" tente-t-il, en essayant de les replonger deux décennies plus tôt.

À ce moment-là, alors que le braquage du fourgon vient tout juste de se produire, aucun témoin de la rue des Violettes ne sait qui sont ces personnes cagoulées. "J’ai vu que la bouteille commençait à prendre feu dans la voiture, j’ai cru que c’était juste des voyous, alors je l’ai saisie et je l’ai sortie de la voiture" raconte le retraité, dernier témoin de la scène appelé à la barre ce lundi.

Grâce à sa présence d’esprit, la voiture utilisée pendant le braquage ne brûle pas. Les enquêteurs y retrouveront une trace de sang, qui sera attribuée 18 ans plus tard à Saïd Tayakout par le rapport d’expertise d’un laboratoire.

Après ces témoignages hésitants, les débats s’orientent ce mardi, troisième jour d’audience, vers des faits beaucoup plus concrets. Toute la journée, la Cour va revenir sur les analyses ADN qui ont permis de relancer l’enquête et de conduire Saïd Tayakout sur le banc des accusés. Le verdict sera rendu mercredi soir. 

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