Cancer du sein : un laboratoire de Grenoble fait une découverte importante dans le développement des métastases

À Grenoble en Isère, un laboratoire de recherches vient de faire une découverte importante dans la prise en charge des cancers du sein agressifs. Une protéine, SMYD2, est en effet responsable du développement des métastases dans le corps humain. Après quatre ans de travail, cette découverte pourrait servir à identifier des traitements contre cette maladie. Explications avec Nicolas Reynoird, chercheur au CNRS.

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Après quatre ans de travail, l'Institut pour l'avancée des biosciences (IAB), laboratoire de recherches grenoblois, est arrivé à une découverte inédite : celle des propriétés d'une protéine responsable du développement des métastases chez les personnes atteintes d'un cancer du sein. Explications avec Nicolas Reynoird, chercheur au CNRS et membre de l'IAB.

France 3 Alpes : Qu'est-ce que la protéine SMYD2, dont vous avez réussi à identifier les propriétés ?

Nicolas Reynoird, chercheur au CNRS : Au laboratoire, on travaille sur les signalisations intracellulaires, tous les mécanismes qui se passent dans les cellules et qui sont dérégulés dans le cas des cancers. On s’est rendu compte que l'enzyme SMYD2 était présente en très grande quantité dans les cancers du sein, sans qu’on sache réellement ce qu’elle faisait. SMYD2 est peu présente dans le sein en temps normal, donc ça suppose que le cancer en bénéficie. On se disait qu'en bloquant SMYD2, on allait réduire la croissance de la tumeur principale. Et bien, ça n'a pas été le cas du tout, on a été surpris.

France 3 Alpes : Qu'avez-vous donc découvert en empêchant l'action de SMYD2 ?

Nicolas Reynoird : Nous avons pour cela travaillé avec des chercheurs américains, des spécialistes des modèles-souris. Il s'agit de souris génétiquement modifiées pour mimer le développement d'un cancer du sein chez l'être humain. 

Après l'identification de SMYD2, on va venir bloquer l’action de cette enzyme chez certains de ces modèles-souris. On a alors pu constater une perte presque complète des métastases et il n'y avait quasiment plus de colonisation des autres organes, comme les poumons ou le cerveau. Ce sont très souvent ces métastases qui rendent le traitement quasi impossible et causent la mort des patients et pas forcément la tumeur primaire.

Ces souris avaient un meilleur taux de survie, avec une durée de vie rallongée de 20 à 25 % après l'étape initiale de développement des cancers. De plus, les inhibiteurs qui vont bloquer SMYD2 n’ont pas d’effets secondaires, ils ne vont pas affecter le fonctionnement normal des cellules non-cancéreuses.

France 3 Alpes : Quel est le mécanisme de SMYD2 ?

Nicolas Reynoird : Les cellules cancéreuses vont utiliser un mécanisme très particulier pour coloniser le corps. À l'intérieur de la cellule, SMYD2 va stimuler une autre protéine, responsable de l'adhérence et de la migration des cellules.

Celles-ci vont pouvoir créer des sortes de ventouses et s'accrocher à d'autres cellules. Une troisième sorte de protéines, appelée FMNL, va détecter ce changement et va créer des protrusions, comme une bosse à l'avant de la cellule, au niveau de sa membrane. Cette bosse sert de point de départ à la cellule, qui va alors pouvoir avancer. Les cellules cancéreuses acquièrent une capacité à avancer qu'elles n'ont pas normalement. Elles vont alors sortir du cancer principal pour coloniser le corps.

France 3 Alpes : Que va permettre votre découverte ?

Nicolas Reynoird : L'intérêt n’est pas de guérir le cancer du sein mais d’empêcher l'apparition des métastases, qui est l’étape la plus agressive. Cela peut laisser plus de temps à l'équipe clinique pour trouver un meilleur traitement de la tumeur principale.

Il y a encore très peu d'équipes qui sont capables d'identifier les substrats, les protéines-cibles qui seront modifiées par SMYD2. On va voir quel sera l'impact exact sur la sensibilité au traitement, et viser d'autres acteurs qui peuvent être d'autres cibles thérapeutiques, par exemple d'autres enzymes qui pourraient avoir des effets similaires sur la migration des cellules. On pourra peut-être développer des inhibiteurs pour d'autres cancers.

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