La carte des zones vertes et rouges établie par le gouvernement ressemble beaucoup à une méthode de déconfinement modélisée par des chercheurs dont l’un travaille au CNRS de Grenoble. Leurs travaux pourraient intéresser d’autres pays d’Europe. Et aider à sauver la saison touristique estivale.

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Eureka ! Rétrospectivement, ils auraient pu lancer le fameux cri du savant grec Archimède. Au début du confinement en France, au mois de mars, trois chercheurs européens pensent déjà à l’avenir. Comment sortir de là ? Pour creuser la question, ils vont croiser leurs compétences : Bary Pradelski, économiste chargé de recherche au pôle grenoblois du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) planche avec deux mathématiciens, Miquel Oliu-Barton, professeur à l’Université Paris-Dauphine, et Luc Attia, de l’Ecole Polytechnique.

Comme souvent dans la sphère scientifique, ils partent d’une idée simple : miser sur un découpage territorial, avec des zones avec et sans virus, pour revenir à une vie un peu plus normale. "Le zonage comme stratégie de sortie : une proposition", est le titre de la synthèse de leurs travaux, publiée en ligne sur le site du centre des études économiques et politiques (ESADE) de l’université Ramon Llull, en Espagne.  Elle est datée du 8 avril, quasiment un mois avant que le gouvernement ne dévoile sa carte de déconfinement, le 7 mai.
 

Connecter les « zones verte... by F3Alpes on Scribd


Baisers, câlins ou poignées de mains… la chaleur des contacts humains rejoint ici la froideur du raisonnement scientifique. Car les trois chercheurs vont concocter un modèle mathématique à partir d’une réalité tangible : tous ces gestes intimes, familiaux, amicaux ou sociaux qui tissent notre quotidien tout au long de notre vie. C’est ce qu’ils appellent le "réseau de proximité physique". Un réseau mis à mal par la pandémie.

Nul besoin d’avoir la bosse des maths pour comprendre leur démarche, mais une précision s’impose. Leurs travaux se réfèrent en partie à une ancienne théorie qui a fait parfois le bonheur des sciences sociales et qui connaît un regain d’intérêt à l’ère du tout-numérique et des réseaux sociaux. C’est la théorie des "six degrés de séparation", dite aussi des "six poignées de main". Elle établit que toute personne dans le monde peut être reliée à n’importe quelle autre avec, tout au plus, six contacts.
Ce modèle imaginé en 1929 par l’écrivain et philosophe hongrois Frigyes Karinthy, a été appliqué notamment à Facebook. Comme chaque personne inscrite est reliée en moyenne à 300 "amis", la distance de séparation a été évaluée à 4,7 degrés en 2011, puis à 3,5 degrés en 2016…

 

Une division des régions en "cellules" de 10.000 habitants

 
Pour nos trois chercheurs, le principe de ces savants calculs peut s’appliquer au fameux "réseau de proximité physique" en proie au coronavirus : "au vu du mode de transmission du Covid-19, nous nous intéressons au réseau de proximité physique où deux personnes sont connectées si elles sont susceptibles de partager un lien de proximité physique. (…) La déconnexion ou l’affaiblissement de ce vaste réseau est le principal objectif des mesures de distanciation sociale et de confinement."
Et pour éliminer les contacts ou réduire leur intensité, ces mesures d’éloignement… se mesurent : un mètre au moins pour la distance entre deux personnes, ou un kilomètre au plus du domicile pour une activité physique (pendant le confinement). Mais limiter les déplacements ne suffit pas : "dans une ville comme Paris qui fait dix kilomètres de diamètre, tout le monde est connecté par le réseau de proximité en moins de cinq étapes."  

D’où l’idée de l’équipe scientifique : "au lieu d’établir un rayon d’action pour limiter les mouvements de population, nous proposons que les gens se déplacent dans des zones déconnectées." Autrement dit, il s’agit de morceler le réseau de proximité physique pour casser les chaînes de transmission du virus. C’est le principe du cordon sanitaire appliqué depuis des siècles.

Rien de nouveau ? Si, car les trois têtes chercheuses préconisent de découper la France en petits territoires de taille adaptée pour identifier des "zones vertes", là où le virus est sous contrôle, sans nouveau cas d’infection, et de les regrouper progressivement.
Les "zones rouges" sont bien sûr celles où ces conditions ne sont pas réunies. La méthode s’appuie sur des simulations qui combinent des données économiques, sanitaires et sociales, le tout additionné de probabilités. Et elle est illustrée par une série de petits damiers figurant les territoires infectés ou non. Selon ce système, le processus d’extension des "zones vertes" pourrait permettre une sortie de crise sanitaire en deux à quatre mois, en France.
 

Un modèle pour le gouvernement ? 


Mais c’est un modèle théorique : il est tributaire de nombreux critères très pratiques, à commencer par le nombre de tests de dépistage réalisés. Et il s’appuie sur une division des régions en "cellules" de 10.000 habitants.

Le gouvernement s’est-il inspiré de ces travaux pour activer le déconfinement avec un zonage départemental bicolore ? Question encore sans réponse, tant auprès des autorités que des instances scientifiques. Quoi qu’il en soit, les auteurs persistent et signent : ils ont publié au début du mois de mai, sur le même site universitaire espagnol, une deuxième étude qui étend leur concept à l’Europe. Ils proposent de créer  un réseau de zones vertes entre les pays européens pour rétablir la mobilité des personnes et relancer les voyages touristiques, un réseau qui serait certifié par une haute autorité européenne.

Ils ont médiatisé cette nouvelle spéculation sous forme d’une tribune dans le quotidien Le Monde, le 9 mai, avec un titre plein d’espoir : Sauver la saison touristique européenne. Ils avaient déjà exposé leurs premiers travaux, le 27 avril, dans le  même journal, en prônant "une méthode de déconfinement efficace et sécurisée".

 

La carte du déconfinement

 



 
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