Classe sauvage à la maison, manifestations : ces parents qui se mobilisent face au manque d’enseignants

Confrontés au non-remplacement des enseignants absents, les parents d’élèves s’organisent en Isère. Au Touvet, une mère de famille a dû créer une "classe sauvage" dans son salon pour accueillir les enfants pendant l'absence de leur maîtresse. Tandis qu’à Chapareillan, les parents d’élèves ont manifesté pour alerter l’inspection académique.

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Dans le salon de Cathie, un grand tableau blanc a été installé à côté de la table à manger, transformée en bureau. Au Touvet, cette mère de famille a accepté d’accueillir toute la classe de son enfant, scolarisé en CE1, pendant l’arrêt-maladie de la maîtresse.

Pendant trois jours, les huit élèves ont appris les maths, le français et la géographie avec Marie-Pierre, professeure des écoles à la retraite. "Je connaissais le programme, car j’étais aussi directrice d’une école. Mais ça a été difficile de me replonger là-dedans" explique-t-elle.

Désobéissance civile

À l’heure de la pause, c’est le jardin qui fait office de cour de récréation. Cette "classe sauvage" a été organisée par Cathie Martinie, la maman d’élève. Accueillir les enfants chez elle lui paraissait être une meilleure alternative que de les répartir dans différentes classes de l’école. Une désobéissance civile qu’elle assume. "C’est assez grave de se dire que sur onze jours d’absence, il n’y en a que trois qui ont été remplacés de manière effective par des remplaçants proposés par l’inspection académique. Et c’était trois personnes différentes", regrette la mère de famille.

Pour autant, l’académie de Grenoble ne soutient pas l’expérience. "L’appellation de classe sauvage n'a aucune existence. Les enfants sont sous le coup d'une obligation de scolarité et il n'est pas possible qu’ils soient pris en charge ailleurs, sinon ils sont considérés comme absentéistes", précise l'institution dans un communiqué.

Au retour de la maîtresse ce vendredi, les écoliers ont finalement pu retourner en classe. Mais le non-remplacement à l’école du Touvet est loin d’être un cas isolé. "Avant les vacances de Pâques, dans un secteur allant de Crolles à Pontcharra, il y avait 17 classes sans enseignant, précise Cathie. L'obligation de scolarité, ça va dans les deux sens !"

"Des enseignants pour nos enfants"

À quelques kilomètres de là, l’école élémentaire de Chapareillan est aussi confrontée aux absences non-remplacées. Le 11 mai, une vingtaine de parents ont manifesté devant l’établissement. Sur la grille de l’entrée, ils ont accroché une grande banderole avec l’inscription "Des enseignants pour nos enfants".

"Depuis la rentrée de septembre dernier, on a une classe de CE2 qui en est à sa 7e semaine d’absence non remplacée de l’enseignant, dont 3 semaines d’affilée", dénonce Ingrid Boncompain, présidente de l’association des parents d’élèves de l’école.

L’éducation nationale étant tenue d’accueillir les enfants en cas d’absence imprévisible, les écoliers sont pris en charge, mais répartis dans d’autres classes. "Ils dispatchent les enfants, mais il n’y a aucune continuité pédagogique. On leur donne des choses à faire, mais personne ne vérifie leur travail et ça retombe sur les parents, poursuit Ingrid. Et lorsqu’il y a des remplaçants, ils changent tout le temps. Par exemple en début d’année, on a une classe qui a eu affaire à 5 remplaçants différents en seulement deux semaines. Je rappelle que ce sont des enfants de 6/7 ans qui se demandent chaque matin qui ils  vont avoir comme enseignant, s’il y en a un !"

L’association a envoyé deux courriers à l’inspection académique, et fait suivre 11 lettres de parents d’élèves. "La seule réponse reçue est un mail indiquant que nos difficultés sont prises en compte, mais qu’il n’y a pas assez de remplaçants. Que les priorités sont données aux classes CP et CM2, détaille la mère de famille. L’éducation nationale n’assure pas sa mission première qui est d’instruire nos enfants. Il y a une régression dans l’apprentissage, dans les connaissances, et une perte de vitesse. Les moyens ne sont pas là."

Cette dernière craint qu’à terme, les enseignants qui accueillent les élèves de leurs collègues absents refusent d’accepter cette charge de travail supplémentaire. "Pour les arrêts longs, l’absence n’est plus imprévisible. Donc les enseignants ne sont plus tenus d’accueillir les élèves. Pour l’instant, ils jouent le jeu, mais ils n’ont aucune indemnité supplémentaire. Donc si ça continue, ils pourraient arrêter".

Dans la vallée du Grésivaudan, la mobilisation s’organise dans plusieurs communes du secteur. Les associations du Touvet et de Chapareillan se sont déjà rapprochées pour organiser une action commune. Elles ont aussi été contactées par d’autres parents confrontés au non-remplacement des enseignants, comme à La Terrasse ou encore à Crêts-en-Belledonne.

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