Le blocage continue sur l’autoroute A7. Les agriculteurs ne décolèrent pas à hauteur de Chanas, à la limite de la Drôme et de l'Isère. Ils organisent maintenant des barrages sur les routes secondaires. S'ils n'ont pas tous les mêmes revendications, ils partagent le même malaise quant à l'avenir de la profession.
Démarré jeudi dernier en Occitanie par un blocage d'autoroute qui continue, le mouvement des agriculteurs, soutenu par la FNSEA, le premier syndicat de la profession, s'étend dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
À la limite de l’Isère et de l'Ardèche, sur le pont de Serrières, point stratégique pour bloquer l’A7, des centaines de cultivateurs et d'éleveurs se sont rassemblés, rejoint par mercredi 24 janvier par des routiers pour une deuxième journée de blocage.
#Manifestation des agriculteurs en Isère.
— Préfet de l'Isère 🇨🇵🇪🇺 (@Prefet38) January 23, 2024
➡️Pour les usagers isérois qui empruntent le pont de Serrieres pour rejoindre Annonay, nous vous invitons à privilégier le télétravail ou à emprunter un autre itinéraire.
➡️De fortes perturbations sont attendues ce mercredi 24 janvier. https://t.co/yDCJdNK52w
Jachère, pesticides, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole... Les cultivateurs et éleveurs français n'ont pas tous les mêmes demandes mais partagent un même malaise sur leur avenir, écartelés entre leur désir de produire, d'exporter et la nécessité d'intégrer des contraintes environnementales pour réduire leur impact sur la biodiversité et le climat.
De plus en plus de contraintes
Jean-Philippe Atruc, jeune arboriculteur de 37 ans, produit des fruits et des légumes depuis 12 ans. Au fil du temps, il a vu des contraintes peser sur son métier avec notamment l'interdiction de certains pesticides.
"La suppression des produits phytosanitaires nous pose problème, confie l'arboriculteur, on n’est pas contre faire plus d’environnement, on n’est pas contre essayer de travailler plus avec la nature - même si je pense qu’on le fait déjà énormément - mais on a besoin d’être accompagné, confie le trentenaire. On ne peut pas nous supprimer des molécules et ne pas nous aider à les remplacer par des méthodes alternatives qui soient plus écologiques. Les exploitations agricoles, ce sont souvent des petites entreprises, des petites structures, souvent familiales, et on n’a pas forcément un pôle recherche et développement. On essaye d’en faire un peu de notre côté, mais on a besoin que l’Etat nous aide à trouver des solutions."
Vivre dignement
Les agriculteurs veulent également trouver des solutions pour équilibrer et partager les hausses des charges liées à l’inflation. Nicolas Buard, 35 ans, n’arrive plus à joindre les deux bouts. Ce producteur, à la tête d’une exploitation familiale, demande à vivre dignement. "On parle de 30 % d’inflation. Moi, aujourd’hui, je vends des pêches 30 % ou 40 % de moins que l’an dernier", déplore l'arboriculteur.
"Les agriculteurs ne sont pas des multinationales"
"On a des agriculteurs qui touchent 400 euros par mois alors même qu’ils travaillent 80 heures par semaine, c'est inacceptable, regrette Thierry Sénéclauze, agriculteur. Personne dans la société n’accepterait d’être payé une somme pareille pour autant d’heures. Les agriculteurs ne sont pas des multinationales, on n’a pas de secrétariat, ils font tout eux-mêmes. Ils ont déjà toutes les machines à maîtriser, les écrans à maîtriser et en plus de ça, il faut que ce soit des administratifs. Ce n’est pas qu’ils n’ont pas de compétence, mais ils n’ont ni les revenus ni le budget nécessaire pour faire tout ça. En plus, ils sont tous convaincus que ça n’apporte strictement rien à l’écologie."
Au-delà de ces revendications, les agriculteurs craignent pour les générations futures. Laurent Nivon part à la retraite dans quelques mois. À 60 ans, l’agriculteur s’inquiète de l’attrait pour le métier. "À qui cela va-t-il donner envie, aujourd’hui ? J’approche de la retraite et je me bats pour retrouver quelqu’un", assure-t-il.
"Aujourd’hui, les professionnels de manière générale sont usés. L’agriculture se sent pendue, en faillite", ajoute quant à lui Thierry Sénéclauze.
La Commission européenne réunira jeudi organisations agricoles, secteur agro-alimentaire, ONG et experts pour tenter de calmer le jeu et de convaincre de l'intérêt de réconcilier transition écologique et agriculture.