Coronavirus : à Grenoble, les grimpeurs retrouvent les murs d'escalade avec des mesures sanitaires très strictes

Le jour J, enfin, pour les très nombreux grimpeurs d'escalade ! Les murs viennent de leur rouvrir leurs "flancs" après plus de 2 mois de confinement. Un vrai bonheur et un soulagement pour les responsables des salles et les pratiquants, mais des mesures sanitaires précises respectées... à la lettre.

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C'est indéniable, dès que l'on passe la porte de la salle de bloc, ce mercredi 3 juin 2020, on ressent dans l'atmosphère un air particulier, cet air de fête propre aux grandes retrouvailles... l'enthousiasme, le plaisir, l'impatience, le sourire de tous ceux qui ont attendu ce moment-là. 

Voilà deux longs mois et même un peu plus que le Labo Bloc, situé à deux pas de la gare de Grenoble, a dû comme partout, fermer précipitamment ses portes, au 15 mars, comme ses deux autres sites, l'Espace Vertical 2 de Saint-Martin d'Hères, et l'Espace Vertical 3  de Bouchayer-Viallet.

Au total, 17 salariés,-tous sites confondus- confinés, et mis au chômage partiel ( 84% de leurs salaires pris en charge par l'Etat, et les 16% restants par la société).

 

Une perte sèche de 350.000 euros pour les trois salles d'escalade


Cette période d'inactivité forcée a coûté une perte sèche de 350.000 euros pour l'ensemble du chiffre d'affaires des trois sites de l'agglo de Grenoble,-chacun avec sa spécialité- , estime Eric Pinaud, le responsable et gérant du Labo Bloc, mais le groupe, avec plus de 25 ans d'expérience a une trésorerie solide : "A partir du moment où la totalité des emplois était préservée,-nous avons sur ce plan, la chance d'être en France- nous n'avons pas eu par exemple à reporter l'échéance des loyers, nous avons pu financièrement tenir bon, nous avons fait le dos rond, en attendant l'évolution des événements (...) et puis ce n'est pas en général notre pic de fréquentation le plus important qui se situe surtout en automne et en hiver, quand le temps en extérieur et terrain libre est mauvais".

Mais il ajoute : "Ceci dit, il est clair qu'il ne faudrait pas qu'une seconde vague ou un reconfinement surviennent, ce serait alors certainement beaucoup plus compliqué".

 

 

"Un peu peur... qu'ils aient peur"

 

Pendant cette période de calfeutrage forcé, des équipes sont venues de temps à autre, sur les lieux : "On a fait surtout de l'entretien, des petites réparations, un peu tout ce que l'on a pas vraiment le temps de faire habituellement, en plein fonctionnement". Il a ensuite fallu, à l'approche du jour J, faire tout désinfecter, du sol au plafond, par une entreprise spécialisée.


Les abonnements des pratiquants ont été prolongés. La période de confinement a tout simplement été gommée. En revanche, Eric et son équipe avaient une petite inquiétude en sourdine, "un peu peur que les grimpeurs aient peur d'attraper le virus, qu'ils renoncent, qu'ils aient peur de se rendre dans un milieu clos, qu'ils aient la tentation de rester encore dans leur chez-eux, comme dans un refuge".

Les psychologues évoquent d'ailleurs ces derniers temps un sentiment méconnu, qu'ils ont baptisé "le syndrome de la cabane", en deux mots, la peur des autres et du déconfinement.

 

Des horaires élargis et des mesures sanitaires strictes


Inquiétude balayée illico car ils étaient nombreux dès aujourd'hui au rendez-vous, à piaffer d'impatience de retrouver leurs sensations.

La salle qui n'ouvre habituellement qu'à midi, a élargi ses plages horaires, de 10 heures du matin à 22h30 le soir : "une façon aussi de réguler le flux de la fréquentation, ce que nous avons toujours fait d'ailleurs en temps normal, par sécurité. Mais 4m2 d'espace par personne, c'est la règle, désormais on réduit encore plus le nombre de personnes. Ils sont pour l'instant une quarantaine dans la salle, on peut en recevoir encore une petite trentaine, pas plus. Habituellement, ils sont près de 150 simultanément."

Oui, mais aujourd'hui, Covid-19 oblige, il faut compter avec quelques autres nombreuses et impérieuses nouveautés : d'abord le plexiglas, à l'entrée, le parcours fléché, des classiques.

Sur le site internet de chaque site d'escalade, sur les affiches, la couleur est clairement annoncée : respecter les règles de distanciation. Pour permettre à tous de grimper, réduire aussi son temps de pratique. Interdit d'évoluer torse nu ou en brassière.

Les vestiaires et les douches ont été condamnés, tout comme les casiers. Il faut venir en tenue et avec son propre matériel. La salle a préféré ne pas en louer pendant la période post-confinement. Trop long, trop risqué, trop compliqué à systématiquement désinfecter.

La salle met en revanche à disposition le gel hydroalcoolique, aux 4 coins de l'espace. Obligatoire d'y passer avant chaque attaque de paroi ou de voie.

A l'accueil, également, ceux qui n'ont pas d'abonnement, et ne sont donc pas déjà identifiés, sont invités à noter leur nom et leur numéro de téléphone, en date de leur passage : "rien à voir avec une application stop Covid quelconque" , explique Guillaume à l'accueil, " mais ça nous donne la possibilité de prévenir- si par hasard on a vent, ou qu'on est informés de la situation d'une personne infectée- les pratiquants qu'elle aurait côtoyés".

Un formulaire que chacun remplit de bonne grâce, de la même façon que tous écoutent et respectent, pour l'instant, attentivement les nouvelles règles. 



La magnésie volatile ou en boules désormais interdite


A défaut d'en disposer, on en vend pour une somme modique au comptoir, une magnésie liquide, qui contient un dosage relativement élevé d'alcool, et permet de ne pas infecter les prises des parois.

Certains comme Larry, jeune chercheur au CEA de Grenoble en sont déjà équipés, lui qui pratique l'escalade depuis plus d'un an : "je voyage pas mal et dans bon nombre de salles, ailleurs, c'était déjà la règle, avant la crise, comme à Paris par exemple ; C'est plutôt une bonne chose". Le jeune homme a retrouvé son bureau, physiquement et non plus en télétravail, depuis la mi-mai, et avait particulièrement hâte de pouvoir retrouver les blocs "une pause indispensable pour son équilibre" .

Dans la "cordée" d'en face, Julien a pour l'instant gardé... son masque: "bah, je vais voir, je vais tenter, je me dis que ça protège peut-être mieux si le virus est dans l'air, mais bon, c'est pas obligatoire, et peut-être pas très pratique".

En effet, pas pratique du tout, et le jeune homme abandonnera vite dès l'attaque de sa première voie l'idée, et la mise en oeuvre : "le masque coupe le souffle et bloque la respiration".


Des pratiquants qui ont tout tenté pour "garder la forme" mais qui y vont...prudemment


La discipline attire surtout de jeunes pratiquants, entre 16 et 40 ans, même si des anciens, aussi, escaladent depuis très lontemps : "j'en ai vu grimper encore, à plus de 70 ans", insiste Clément, qui raconte au passage comment il s'est organisé, lui, pendant le confinement, en "installant une poutre dans le couloir pour faire des tractions".

D'autres ont fait du yoga ou du pilates, à domicile.

Kevin, 5 ans d'escalade, et tourneur fraiseur dans le civil a fait 30 kms de vélo par jour "en fait pour aller bosser, car ma voiture est tombée en rade, j'avais pas le choix, mais ça m'a fait du bien".

Eliott, 8 ans d'escalade, est allé courir. Bref, chacun sa méthode et son dérivatif d'adrénaline.

Tous ont fait des étirements, des assouplissements, travaillé les muscles, la souplesse et les articulations, mais les organismes forcément ont souffert de l'inactivité et du manque d'espace, et "quand on est sportif, c'est compliqué, très compliqué cette restriction de liberté de mouvement dans l'espace, et puis quand le goût de l'escalade vous prend, il ne vous lâche pas".

Alors tous aujourd'hui, garçons ou filles, ont pris soin de respecter les "fondamentaux" : s'échauffer, reprendre doucement mais sûrement, histoire de ne pas se blesser et de pouvoir retrouver leur rythme d'entraînement, de leur vie d'Avant, environ trois fois par semaine, en général, des séances entre une ou trois heures.

Quant au monde d'après Covid, ils n'ont plus guère envie d'y penser. Pour l'heure, ils grimpent, voltigent, dansent en paroi et reprennent leurs marques.

Car l'escalade est d'abord une école d'apprentissage, de patience, de concentration, de ruse avec les prises et l'espace, et d'attention. 

Certain-e-s ont toutefois avoué avoir fait fi de l'heure unique et du périmètre étriqué imposés pendant le confinement, pour aller seul-e-s, quelques moments en escapade, visiter leurs rochers préférés. Ils assurent que c'était sans danger de contaminer qui que ce soit, en pleine campagne, et on les croit, et on a promis de leur garantir l'anonymat. Ils ne sont pas malades, et après tout, il y a... prescription.

Ici, dans cette période de post-confinement si singulière, se préparent peut-être de jeunes pousses de champions. Le bloc devait faire partie des trois épreuves de la discipline de l'escalade qui devait cet été 2020 faire sa toute première entrée, reconnue officiellement aux Jeux Olympiques de Tokyo. 

Des Jeux reportés en 2021, pour cause... de pandémie mondiale de Coronavirus.

 

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