Effet de la chaleur, des UV : les études concluant que l'arrivée des beaux jours pourrait freiner l'épidémie de Covid-19 se multiplient. Il faut toutefois rester prudent et ne pas s'attendre à un effet miracle, selon plusieurs scientifiques.
L'été commence à poindre dans une France qui se déconfine doucement depuis le lundi 11 mai. Davantage de soleil, des températures plus douces... La recette est efficace contre certains virus saisonniers comme celui de la grippe. Peut-il en être autant avec le nouveau coronavirus, à l'origine de l'épidémie de Covid-19 ? "Il ne faut pas trop compter là-dessus", tranche Jean-Paul Stahl, professeur de maladies infectieuses au CHU Grenoble-Alpes.
A mesure que la pandémie progresse, les études sur le Sars-Cov-2, le nom scientifique du coronavirus causant la maladie Covid-19, se multiplient. Plusieurs ont séparément constaté une corrélation entre la vitesse de propagation du virus et les conditions climatiques, la latitude voire l'exposition aux UV des pays, avec une épidémie plus lente dans les climats plus chauds et humides... Mais des voix s'élèvent pour inciter à la "prudence", en raison du manque de recul et de la qualité des données.
C'est le cas d'une expérience controversée, réalisée par un laboratoire de haute sécurité du gouvernement américain et vantée par Donald Trump fin avril. D'après l'unique tableau présenté, le Sars-Cov-2 perd la moitié de ses particules en moins de deux minutes lorsqu'il se trouve sous un Soleil estival, dans l'air ou sur des surfaces, selon une simulation faite dans une boîte reproduisant les rayons solaires. Mais l'étude n'a pas été publiée, laissant planer l'incertitude sur les méthodes utilisées par ses auteurs et leurs résultats, en l'absence de l'évaluation d'un comité de lecture.
Plus récemment, c'est une étude brésilienne qui fait parler d'elle. Les chercheurs écrivent que chaque augmentation d'1 degré Celsius, de 16,8 à 25,8 degrés, diminuerait la transmission du Sars-Cov-2 de 4% par degré dans les villes au climat subtropical. Selon cette dernière, les températures estivales pourraient donc freiner l'épidémie. Une "fumisterie", selon le Pr Stahl, affirmant que l'étude "ne repose sur rien de scientifique".
Saisonnalité ?
"Il faut oublier cette idée selon laquelle la chaleur ferait évaporer le virus", renchérit-il. Et ces deux dernières études "ne reproduisent en rien les conditions que l'on rencontre dans la vraie vie". D'abord parce que le nouveau coronavirus se transmet principalement par voie respiratoire. Un mode de transmission sur lequel la chaleur ne peut avoir qu'un effet "très limité", reprend l'infectiologue. Car les gouttelettes de salive, projetées lorsqu'une personne tousse ou qu'elle éternue, ont tendance à retomber plus rapidement au sol sous l'effet de la chaleur. Mais "ce n'est pas suffisant pour marquer un coup d'arrêt à l'épidémie", ajoute-t-il.
Aucun lien entre température, latitude et #Covid19. Nous devons être prêt pour combattre ce virus le temps que nous disposions d’un traitement ou d’un vaccin. L’hypothèse de la saisonnalité, la meilleure, ne doit pas nous faire baisser la garde. https://t.co/WAPnnHPCno
— deray gilbert (@GilbertDeray) May 11, 2020
"Avoir simplement comme idée que le fait qu'il fasse beau et chaud va freiner le virus est probablement un petit peu trop optimiste", a estimé le professeur de virologie au CHU de Lyon Bruno Lina sur franceinfo, faisant référence aux propos du Pr Didier Raoult sur la saisonnalité du virus. Le Covid-19 "deviendra très probablement un virus saisonnier" mais, pour le moment, "même si le temps peut jouer en notre faveur, ce n'est pas suffisant."
Ainsi que le note le Pr Stahl, "la saisonnalité d'un phénomène se caractérise par sa répétition dans le temps, pour le Covid-19, on manque encore de recul". Quelle que soit la météo ou la saison, il reste donc essentiel d'appliquer les gestes barrières : se tenir à distance des autres, se laver régulièrement les mains et tousser dans son coude. "Quand on se trouve dans un endroit confiné, il est recommandé de porter un masque pour protéger les autres", conclut le professeur de maladies infectieuses, insistant sur l'importance des mesures sanitaires et refutant tout effet miracle de l'été contre le Covid-19.