Alors que l’été s’annonce tendu dans de nombreux services, les personnels hospitaliers ont prévu de manifester le mardi 7 juin devant les urgences du CHU de Grenoble, point névralgique de la crise des hôpitaux en Isère. Ils exigent la mise en place d’un moratoire sur la fermeture des lits.
Ils sont de plus en plus nombreux à expliquer que leurs conditions de travail heurtent quotidiennement leur éthique. Pénurie de personnel, afflux de patients lié à des fermetures de lits, un peu partout, les personnels hospitaliers se disent à bout. Un malaise qui se cristallise aux urgences.
Démissions en série
Au CHU Grenoble Alpes, un médecin qui préfère garder l’anonymat décrit une situation critique : "Nous sommes 29 temps pleins pour 52 postes nécessaires aux urgences et au Samu. Il est courant d’accueillir une centaine de patients la nuit avec seulement 3 médecins de garde. Dans ces conditions, beaucoup d’entre nous préfèrent quitter l’hôpital. Rien qu’au mois de mai, 15 de nos collègues ont démissionné".
J’ai vu des personnes mourir dans les couloirs avant même que nous ayons pu les prendre en charge.
un médecin démissionnaire
Ceux qui partent justement, osent raconter le pire. "J’ai vu des personnes, souvent âgées, mourir dans les couloirs avant même que nous ayons pu les prendre en charge. La situation est totalement indigne d’un pays civilisé du 21e siècle. Ce n’est pas pour nous que nous nous battons. Ce n'est plus un problème financier, c'est un problème d'humanité. Cet été, des personnes vont perdre leurs proches car certaines prises en charge ne pourront être assurées par exemple pour un AVC" affirme ce médecin parti vers d'autres fonctions.
La peur de l'erreur
Et la situation est tout aussi inquiétante dans les autres centres hospitaliers du département. À peine inauguré, celui de Voiron doit par exemple fermer ses urgences les nuits du vendredi au dimanche faute de soignants en nombre suffisant. C'est l'hôpital de Bourgoin-Jallieu, en tension lui aussi, qui doit assumer la charge d'activité supplémentaire. Idem à La Mure qui en mai a du afficher porte close une journée ou encore à Vienne où l'hôpital Lucien Hussel est également confronté au manque de personnel médical.
Certains patients restent bloqués aux urgences plus de 5 jours, sans aucune intimité ni suivi adapté
Ambre, jeune infirmière au CHU de Grenoble
"Les urgences du CHU de Grenoble sont devenues le point névralgique de tous ces dysfonctionnements" résume Ambre, jeune infirmière qui "pour souffler" vient de prendre une disponibilité d’un an. "Imaginez-vous, explique-t-elle, comme dans de nombreux services, il n’y a pas assez de lits pour accueillir les patients, certains restent parfois bloqués aux urgences plus de cinq jours, sans aucune intimité ni suivi adapté à leurs cas. Nous avons une capacité de 55 places mais nous accueillons le double de personnes de jour comme de nuit. Tout cela crée parmi les infirmières et les aides-soignantes une angoisse permanente, une peur constante de l’erreur".
Vers des réquisitions ?
Compte-tenu de la difficulté chronique à établir le planning des personnels, cet été, certains de ses soignants s’attendent à être réquisitionnés. "Je ne vois pas comment cela peut se passer autrement confie l’un d’entre eux. C’est malheureux, cela va encore en pousser davantage vers la sortie", regrette-t-il.
Partir, s’installer en libéral ou tout bonnement changer de métier, ils sont ainsi chaque année de plus en plus nombreux à tourner le dos à l'hôpital. Après la crise sanitaire, le Ségur de la santé n'aura donc pas donné le nouveau souffle attendu par ces professions. Le malaise semble même encore un peu plus grand chaque jour.