DÉCRYPTAGE. Législatives 2024 : quels rapports de force lors du second tour en Isère ? L'analyse d'un politologue

Ce dimanche 7 juillet, les Isérois seront appelés une nouvelle fois aux urnes pour élire leurs députés. Au lendemain du 1er tour des législatives anticipées, le RN semble en bonne position pour rafler plusieurs circonscriptions dans le département alors que le barrage face à l'extrême droite s'organise. Le point avec le politologue Florent Gougou.

A l'issue de ces élections législatives, c'est assurément un nouveau paysage politique qui va se dessiner en Isère. Loin de la vague de la majorité présidentielle de 2017, loin de la résistance NUPES et d'Ensemble de 2022, l'Isère continue de se fracturer.

Déjà lors des élections européennes du 9 juin, le nord du département semblait acquis au Rassemblement national et à son alliance avec Les Républicains portée par Éric Ciotti. Au lendemain du 1er tour des législatives anticipées, les conclusions sont là et les projections disaient vrai. Les électeurs ont plébiscité cette union d'extrême droite de la 6e à la 10e circonscription.

"On ne devrait pas avoir un bouleversement du paysage politique, mais une poussée forte du Rassemblement national en nombre de sièges, comme à l'échelle nationale. Il y aura un impact en Isère avec deux ou trois nouveaux sièges", explique Florent Gougou, politologue. "On se retrouve dans la suite de la dynamique engagée en 2022 avec le retour de la gauche là où elle était la plus forte. [...] En revanche, la majorité présidentielle pourrait être rayée de la carte."

Dans le sud de l'Isère, les résultats des européennes laissaient présager une domination de l'union de la gauche. Une tendance confirmée au soir du 1er tour des législatives. De la 1ère à la 5e circonscription de l'Isère, le Nouveau Front populaire est en position de force. Mais dans le détail, certaines circonscriptions pourraient basculer et déjouer les pronostics, notamment en fonction des désistements en cas de triangulaire.

1ère circonscription : Olivier Véran mal embarqué

C'est une triangulaire qui attend les Isérois de la 1ère circonscription, regroupant le centre-ville de Grenoble, Corenc, Meylan, La Tronche jusqu'à Bernin. Ce dimanche soir, le député sortant de la majorité présidentielle Olivier Véran (33,62 %) a été devancé par le jeune insoumis Hugo Prévost (40,19 %).

L'ancien ministre de la Santé devra aussi se défaire du troisième prétendant à ce siège issu de l'alliance entre Les Républicains et le Rassemblement national, Alexandre Lacroix (18,34 %).

"La configuration du second tour va ressembler fondamentalement à celle du premier tour. Les sept points de l'électorat Les Républicains (6,98 % réalisés par Nathalie Béranger au 1er tour, NDLR), ce n'est pas certain qu'ils vont sauver Olivier Véran. Pour gagner, il va devoir faire venir plus d'électeurs pour le sauver, des électeurs qui se sont abstenus au premier tour. Il faut aussi se rappeler qu'il a été ministre pendant très longtemps donc il incarne parfaitement ce qu'a fait le gouvernement. Et les gens ne veulent pas forcément le sauver", analyse Florent Gougou, politologue.

2e circonscription : Cyrielle Chatelain confirme

Autre députée sortante, Cyrielle Chatelain, la candidate investie sous l'étiquette Nouveau Front populaire peut aborder ce second tour avec davantage de confiance. Installée dans le siège de la 2e circonscription depuis 2022, la présidente du groupe écologiste à l'Assemblée est arrivée largement en tête de ce scrutin (42,17 %).

"Les résultats du 1er tour indiquent qu'elle n'est pas du tout en danger", interprète le politologue Florent Gougou. D'autant que Louve Carrière (Ensemble) a annoncé son désistement.

C'est donc un face-à face qui s'annonce entre Cyrielle Chatelain et Edouard Robert (30,50 %). Le candidat du Rassemblement national s'est invité au second tour après avoir enregistré une hausse d'environ 12 points par rapport aux élections de 2022.

3e circonscription : pas vraiment de suspense

Dans la 3e circonscription, on pouvait attendre les résultats avec quelques interrogations et doutes sur la confiance des votants envers la députée sortante. Récemment inquiétée par la justice dans une affaire de rétrocession d'une partie de salaire d'un ancien conseiller d'Eric Piolle, l'ancienne première adjointe du maire (EELV) de Grenoble a finalement reçu le soutien de ses électeurs.

Avec 42,84 %, l'insoumise investie par le Nouveau Front populaire est en ballotage très favorable pour le second tour où elle affrontera Christel Dupré (22,74 %) du Rassemblement National et l'ancienne députée de la majorité présidentielle Emilie Chalas (20,01 %) qui a choisi de retirer sa candidature.

"Il n'y a pas trop de doutes sur l'issue de ce scrutin", affirme Florent Gougou.

4e circonscription : Marie-Noëlle Battistel résiste

Dans la 4e circonscription du département de l'Isère, la députée sortante Marie-Noëlle Battistel semble toujours convaincre. Élue depuis 2010 dans ce territoire s'étendant de l'Oisans au Vercors en passant par la Matheysine et le Trièves, la candidate socialiste (42,52 %) se retrouve en ballotage très favorable : "Pour Marie-Noëlle Battistel, il n'y a pas d'inquiétude", confie le politologue.

Pour la première fois de l'histoire de cette circonscription, l'extrême droite sera au rendez-vous du deuxième tour de ces législatives avec sa représentante de l'alliance Les Républicains-Rassemblement national Anne-Marie Malandrino (32,12 %).

5e circonscription : Jérémie Iordanoff conforté 

Une autre triangulaire se dessinait ce dimanche soir en Isère, dans la 5ème circonscription allant de la Chartreuse, Belledone au Grésivaudan. Représentés à l'Assemblée nationale depuis 2022 par l'écologiste Jérémie Iordanoff, les habitants de ce territoire ont de nouveau plébiscité le candidat du Nouveau Front populaire (36,42 %).

Le député sortant est talonné d'environ six points par la candidate issue de l'alliance LR-RN Frédérique Schreiber (30,80 %). Également qualifié pour le second tour, le candidat Ensemble Jean-Charles Colas-Roy (20,53 %) a lui annoncé son retrait au profit de Jérémie Iordanoff.

"Les rapports de force du 1er tour lui sont favorables a fortiori. Depuis que Jean-Charles Colas-Roy s'est désisté, il ne devrait pas y avoir de difficulté pour conserver son siège", livre Florent Gougou.

6e circonscription : Alexis Jolly près du but

Dans le nord du département, les résultats du premier tour ne présagent pas du tout le même sort aux candidats du Nouveau Front populaire. Alexis Jolly, candidat du Rassemblement national et député sortant de la 6e circonscription n'était pas loin de sa réélection (47,55 %) ce dimanche soir. Il augmente son score de 2022 d'environ 18 points.

"Cela montre que les députés sortants du RN ont été encore plus dynamiques que le RN au niveau national. [...] Il est peut-être un peu déçu de ne pas avoir été élu à l'issue du premier tour", déclare Florent Gougou.

Mais le conseiller régional d'opposition devra bel et bien défendre son siège le 7 juillet contre la candidate insoumise de l'union de la gauche Yaqine Di Spigno (20,85 %). 

7e circonscription : Yannick Neuder en danger

C'était l'une des circonscriptions à suivre de près dans le département. Le député LR sortant Yannick Neuder (27,56 %) est parvenu à se hisser au second tour de ces législatives anticipées. Mais il a subi de plein fouet la montée en puissance du Rassemblement national dans le nord de l'Isère.

"Si le RN ne gagne pas ce genre de siège, il n'aura pas de majorité absolue !"

Florent Gougou, politologue

Représenté par Benoît Auguste, le RN s'est largement imposé (42,10 %) lors de ce 1er tour et peut prétendre à un nouveau siège isérois à l'Assemblée nationale. "C'est dans ce genre de configuration que va se jouer la majorité absolue que pourrait avoir le Rassemblement national. [...] Cela va dépendre beaucoup du comportement des autres électeurs pour élire Yannick Neuder face au RN, que ce soit de la gauche comme de la majorité présidentielle", analyse Florent Gougou.

Qualifiée pour le second tour, la candidate de l'union de la gauche Dominique Dichard (19,8 %) a annoncé son désistement du scrutin pour faire barrage à l'extrême droite et au candidat RN Benoît Auguste.

8e circonscription : l'alliance LR/RN largement en tête

Dans le territoire du pays viennois, le Rassemblement national avait déjà bien failli renverser la table lors des précédentes législatives. La députée Renaissance, élue depuis 2017, Caroline Abadie avait sauvé son siège avec 2500 voix d'avance sur Benoît Auguste, candidat RN sur la 8e en 2022.

Mais pour ces législatives 2024, le verdict va être différent. Parachutée dans cette circonscription, la Grenobloise Hanane Mansouri, représentante de l'alliance Les Républicains avec le Rassemblement national s'est envolée (39,92 %) au premier tour.

"Les candidats de l'alliance portée par Eric Ciotti ont été plus dynamiques que les candidats RN lors des élections européennes", affirme le politologue Florent Gougou. L'ancienne présidente des Jeunes Républicains de l'Isère a relégué l'écologiste du Nouveau Front populaire Cécile Michel (24,50 %) à plus de quinze points.

La députée sortante Caroline Abadie (20,49 %) est elle aussi en ballotage pour le second tour. Mais la candidate Renaissance a décidé de ne pas se représenter le 7 juillet. "Si elle ne s'était pas désisté, les jeux étaient faits. Là, cela rend possible la défaite du RN", indique Florent Gougou. Reste à savoir dans quelle proportion ses électeurs se reporteront sur le Nouveau Front populaire.

9e circonscription : le RN en ballotage favorable

Cette montée en puissance du Rassemblement national se confirme dans la 9e circonscription de l'Isère. Dans ce territoire très rural mais aussi périurbain, la candidate RN Cécile Bène (34,04 %) est arrivée en tête ce dimanche augmentant ainsi son score de 2022 d'environ 15 points.

Elle sera opposée à l'insoumise Sandrine Nosbé (27,99 %) investie par le Nouveau Front Populaire qui devance de 500 voix la députée sortante de la majorité présidentielle Élodie Jacquier-Laforge (27,26 %), qualifiée également au second tour. "Une victoire du RN n'est sérieusement envisageable que dans le cas d'une triangulaire. En revanche, dans le cas d'un duel, cela laisse un peu de chance au second candidat", explique le politologue.

Arrivée en troisième position, Élodie Jacquier-Laforge ne s'est pas encore prononcée sur le devenir de sa candidature au second tour. "Ce n'est pas la même chose de se retirer à 27,26 % qu'avec seulement 20 % comme le font de nombreux sortants", précise Florent Gougou. Le choix de la députée sortante pourrait être décisif. 

10e circonscription : le RN loin devant

Dans la pointe nord du département, dans la 10e circonscription, le Rassemblement national gagne énormément de terrain. Son candidat Thierry Perez (42,83 %) a largement remporté ce 1er tour des législatives devant l'insoumise Joël Richol (25,43 %) et la députée sortante de la majorite présidentielle Marjolaine Meynier-Millefert (22,19 %).

"La 10e circonscription ressemble à la configuration de la 8e circonscription. Les rapports de force électoraux sont assez proches. Elles ont été remportées de quelques points par la majorité présidentielle sur le RN en 2022", analyse le politologue.

Face au risque de bascule pour l'extrême droite, la candidate Ensemble Marjolaine Meynier-Millefert a décidé de renoncer au second tour des élections.