Le 28 octobre prochain, Dieudonné est annoncé au Summum de Grenoble. En pleine tournée pour son dernier spectacle intitulé "La guerre". Mais le maire Eric Piolle veut interdire cette représentation. Pour risques de troubles à l'ordre public. Dieudonné va-t-il en rester là ?
Ce 11 septembre, le maire de Grenoble, Eric Piolle, l'annonce dans un communiqué : "Je vais prendre un arrêté interdisant la tenue du dernier spectacle de Dieudonné".Le message ne peut pas être plus clair. Une douzaine de lignes seulement, où le maire invoque le "risque de troubles à l'ordre public".
Il indique avoir "été interpellé largement par un grand nombre de personnalités, par des structures et des mouvements politiques". Sous-entendu : des personnes et organisations capables de mobiliser beaucoup de monde pour manifester contre le spectacle.
Eric Piolle cite même comme exemple le meeting du Front National en mai dernier, qui "avait déclenché un tumulte soudain".
Le problème, juridiquement parlant, c'est que la notion de "risque de troubles à l'ordre public" n'est pas si facile à utiliser.
Dieudonné sait très bien se défendre. Plusieurs fois par le passé, ses avocats ont fait casser par la justice administrative des arrêtés municipaux, et même préfectoraux. Au nom de la liberté d'expression.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, confirmée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, une manifestation ne peut en effet être interdite que dans le cas de risques GRAVES de troubles, et quand l'appel aux forces de l'ordre ne peut suffire à empêcher ces troubles.
Dieudonné sait très bien se défendre
En 2009, à Grenoble justement, le Tribunal Administratif avait donné raison à Dieudonné face au Préfet de l'Isère. Voici comment :
« Considérant que le représentant de l’Etat ne peut prononcer une mesure aussi grave que l’interdiction d’un spectacle que si elle seule est de nature à prévenir un trouble à l’ordre public ; qu’en l’espèce, l’appel à se mobiliser pour s’opposer à ce spectacle, émanant du CRIF, de la LICRA et de SOS Racisme, ne caractérise pas en lui-même un risque de troubles sérieux ; qu’il ne ressort ni des pièces du dossier ni des précisions apportées au cours de l’audience que la tenue du spectacle présenterait pour l’ordre public des risques de troubles auxquels les autorités de police ne seraient pas à même de faire face par des mesures appropriées..."
En réalité, comme en témoigne ce qu'on pourrait désormais appeler la "jurisprudence Dieudonné", interdire un de ces spectacles s'avère un vrai casse-tête juridique. Et même un cas d'école pour les étudiants juristes !
Une atteinte à la dignité humaine ?
Eric Piolle aurait pu aussi s'appuyer sur l'atteinte à la dignité humaine, Dieudonné ayant déjà été condamné de nombreuses fois pour propos antisémites, notamment.
Mais ce deuxième argument n'est pas plus facile à mettre en oeuvre. Puisqu'il faudrait prouver que le spectacle de ce 28 octobre contiendra des propos attentatoires, à coup sûr.
Or comment peut-on prouver qu'un spectacle vivant, donc évolutif d'une représentation à l'autre, reprendra forcément des paroles délictuelles ?
Le seul moyen de le constater, c'est de le voir, et pour ce, de ne pas l'interdire ! Un vrai casse-tête, je vous le disais...