Génération Zombie : enquête sur le scandale des antidépresseurs, une journaliste grenobloise publie un livre choc

 "Génération Zombie", c'est le titre choc du livre "coup de poing" de la journaliste grenobloise Ariane Denoyel. Depuis 2013, elle enquête sur ce qu'elle nomme un "naufrage sanitaire" pour une "catastrophe de santé publique" : ces antidépresseurs prescrits à tour de bras aux Français.

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Deroxat, Zoloft ou Prozac, un Français sur 10 serait sous antidépresseurs, ces ISRS ou inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. Pourquoi sont-ils autant prescrits ? Quels sont leurs effets secondaires, sont-ils efficaces ? Et comment sont-ils testés, autorisés et lancés sur le marché ?


Plusieurs années de travail et un confinement plus tard, la journaliste grenobloise Ariane Denoyel publie un livre choc pour répondre à ces questions avec un titre qui sonne le rappel : "Génération Zombie".

C'est en 2013 que l'auteure commence à plancher sur le sujet. "Dans ma jeunesse, j'ai pris des antidépresseurs que l'on m'avait prescrit et vraiment, je trouvais que cela ne marchait pas et que cela me mettait dans un état bizarre, presque de dépersonnalisation."


Depuis, la journaliste a continué sa route, mais de temps en temps, comme en écho à son expérience, des patients venaient témoigner de leurs expériences notamment sur les effets secondaires, dévastateurs. Le livre débute d'ailleurs comme un coup-de-poing, en donnant la parole à David, un jeune homme de 23 ans qui depuis, s'est suicidé le 8 janvier 2020. David souffrait de terribles troubles, à la suite d'un traitement par antidépresseurs ISRS et avant de partir, a mené un véritable combat pour faire entendre la voix de ces victimes à la vie parfois dévastée. Et le terme de Zombie qu'on emploie parfois d'une manière presque désinvolte prend ici une toute autre force dans la bouche de ces patients en très grande souffrance. 


Une enquête et des guides  

Quand Ariane Denoyel prend son bâton de pèlerin et décide d'ouvrir la boîte de Pandore, elle peine à trouver des données, des chiffres pour étayer son enquête, mais elle s'obstine. Fort heureusement, dans ce travail de déconstruction du marketing de l'industrie pharmaceutique, elle n'est pas seule.

 Parmi les voix qui s'élèvent pour dénoncer l'emploi de ces psychotropes, deux personnalités du monde médical accompagnent et étayent son ouvrage : le psychiatre irlandais installé à Toronto David Healy, nuancé et courageux qui fait exploser le mythe du progrès : "la réalité est que les seuls médicaments ayant apporté un réel progrès thérapeutique dans les 30 dernières décennies sont les trithérapies pour le Sida, le Glivec pour certains Cancers et le Sovaldi pour l'Hépatite C; nous pourrions parfaitement boycotter l'ensemble des médicaments apparus sur le marché depuis trois decennies sans que notre santé n'en souffre le moins du monde".

Le professeur Gotzsche, médecin et chercheur danois, considéré comme l'un des meilleurs spécialistes indépendants des médicaments "grand et sec sexagénaire connu pour son franc-parler et ses formules à l'emporte-pièce" estime "que les médicaments sont la troisième cause de décès en Europe et aux Etats-Unis, après les maladies cardio-vasculaires et le cancer"...."Les populations se porteraient nettement mieux si on retirait les psychotropes du marché, car les médecins ne savent pas s'en servir."

En 2013, le professeur était venu expliquer sa position lors de la remise des prix de la revue Prescrire, une revue française reconnue pour son indépendance. La revue française, qui ne trouve pas forcément de candidat pour ses palmarès annuels. Ainsi, de 2008 à 2013 et de 2015 à 2020, la revue n'a trouvé aucun candidat sérieux pour sa "pilule d'or" un prix attribué au médicament le plus innovant de l'année.

Ariane Denoyel explique aussi que le médecin généraliste, premier prescripteur de ces médicaments, débordé le plus souvent, manque cruellement de temps pour se former et se tenir au courant de l'actualité médicale. "Sur les 270 000 médecins français, seuls 26 000 sont abonnés à la revue Prescrire.

Une réaction depuis la sortie du livre ? "Le service juridique de mon éditeur a bien sûr épluché l'ouvrage et quelques modifications sur certaines formules ont été effectuées". Mais la journaliste de rajouter : "bizarrement, aucune, le grand silence, pas un mot des compagnies qui produisent ces molécules. Si ce n'est le jour même de la parution du livre, une interview assez longue sur les effets des ISRS"."Il est loin le temps où les compagnies attaquaient en justice, aujourd'hui, elles sont beaucoup plus fines et redoutables dans leur communication".

"Et probablement aussi que les molécules et brevets de ces molécules ne rapportent plus rien depuis les années 2000, donc ces laboratoires sont probablement en train de nous inventer le prochain médicament miracle, peut-être autour des phénomènes inflammatoires".


En sortir c'est possible ? Sevrage mode d'emploi

"Une dépendance peut s'installer même si le traitement a été court", explique le professeur Healy.

Le sevrage, qui ne doit jamais être entamé sans soutien, provoque une liste impressionnante d'effets secondaires listés à la fin de l'ouvrage. Tous les patients ne ressentent pas ces symptômes fort heureusement.

Un outil d'accompagnement et d'aide aux médecins a été créé par le site Rxisk.org mais uniquement en anglais.

Le professeur Gotzsche met à disposition sur son site Deadlymedecines.dk des outils des conseils avec notamment 8 règles d'or du sevrage.

Un site néerlandais Taperingstrip.org, fondé par un ancien patient et un psychiatre, propose des kits de sevrage prédosés sur 28 jours. 

Dans une Tapering strip, le médicament est conditionné en rouleau ou bande de petites poches journalières. Chaque pochette est numérotée et contient une dose égale ou légèrement inférieure à celle de la pochette précédente.


Et après ?

"J'ai très envie de donner un visage à mes témoignages. J'aimerais tourner un doc pour aller à la rencontre de ces familles, une façon de poursuivre le travail", poursuit Ariane Denoyel. "Et puis un autre sujet me passionne désormais, celui des hallucinogènes, ces molécules constituent un vrai espoir pour aider les patients qui souffrent de dépression. Administrées à des doses très précises et minimes, elles semblent démontrer un vrai effet thérapeutique. Aux Etats-Unis, pas mal d'universités d'envergure planchent sur cette piste vraiment très intéressante. L'Angleterre aussi ainsi que la Suisse, mais en France, à ma connaissance pour l'instant, aucune équipe ne travaille dessus".


Génération Zombie : enquête d'Ariane Denoyel sur le scandale des antidépresseurs, aux éditions Fayard.

A voir aussi l'interview réalisée dans nos studios d'Ariane Denoyel par Jean-Christophe Solari

 

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