Une dizaine de travailleurs sans-papiers ont manifesté devant la préfecture de l'Isère, à Grenoble, mercredi. Ils dénoncent le "blocage" de leurs demandes de régularisation, bien qu'ils disposent des documents nécessaires.
Des sans-papiers condamnés à dormir dans la rue, à vivre dans la clandestinité, faute de titre de séjour. Plusieurs dizaines d'entre eux ont manifesté devant la préfecture de Grenoble mercredi 23 septembre, soutenus par le syndicat CGT Isère, pour dénoncer le "blocage" de leurs demandes de régularisation. Ces travailleurs disposent de fiches de salaire, de contrats de travail, de promesses d'embauche, mais leurs dossiers restent lettre morte.
Parmi les manifestants, Paul, Nigérian de 38 ans, a traversé la Libye, la Méditerranée pour venir demander l'asile en France. Il a quitté sa famille, très pauvre, et fui son pays pour échapper aux gangs. "J'ai refusé (d'être enrôlé, NDLR), mais ils ont utilisé la force. Ils m'ont battu, ils m'ont blessé à la tête. Quand ils te frappent, ils te donnent un papier à signer et tu signes. Tu ne peux plus échapper à la mafia, raconte-t-il. Si tu veux partir, ils te cherchent, ils vont chez toi et s'ils ne te trouvent pas, ils tuent quelqu'un de ta famille."
Depuis plus d'un an, à Grenoble, Paul a travaillé dans la restauration, le bâtiment. A deux reprises, il affirme ne pas avoir été payé pour son travail. Comme d'autres travailleurs sans-papiers, il a été exploité par des employeurs peu scrupuleux. Il va attaquer l'un d'eux devant les prud'hommes. "J'envoie l'argent à ma famille, ma mère est très vieille et j'ai une petite fille qui va à l'école, poursuit-il. C'est moi qui paye (...) Je suis venu en France pour travailler, je ne suis pas venu pour m'asseoir et mendier, non. Je suis venu pour travailler avec ma volonté, mon énergie, je ne suis pas paresseux, je suis solide."
"On n'arrive pas à faire confiance"
En Isère, d'autres patrons souhaitent au contraire embaucher. Originaire de Gambie, un autre sans-papiers travaille dans une supérette de la capitale des Alpes depuis 2018. Mais son titre de séjour n'a pas été renouvelé par la préfecture. "Il continue de travailler encore aujourd'hui. Son patron est prêt à l'embaucher mais il faut qu'il puisse, par la préfecture, retrouver un titre de séjour et là-dessus, ça bloque", explique son parrain, Bruno Greslou.
Impossible, ajoute-t-il, de prendre rendez-vous depuis la crise du Covid-19. De son côté, la préfecture conteste ce "blocage", ajoutant qu'elle n'a pas reçu de demande récente de la CGT. "Avec cette politique, on n'arrive pas à faire confiance et déposer des dossiers", estime Ayache Benhalis, secrétaire général de la CGT travailleurs sans-papiers Isère.
"Sans oublier qu'il y aura toujours des réponses ou un temps de traitement qui dépasse les 2 ou 3 ans. On a peur", ajoute-t-il, peur de voir des sans-papiers reconduits à la frontière. Pourtant, le syndicat dit avoir constitué une dizaine de dossiers qui répondent aux critères de régularisation fixés par le gouvernement Valls en 2012.