C'était il y a 80 ans. La Gestapo raflait 18 enfants à Voiron en Isère, avant de les déporter vers le camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau. Un seul d'entre eux survivra. Ce mardi 9 avril, l'heure était au souvenir et au recueillement, une cérémonie d'hommage à la rafle de la Martellière était organisée sur les hauteurs de la ville, en présence de lycéens.
"Ici même, il y a 80 ans, 18 enfants, des jeunes juifs, ont vu leur monde, leur vie s’écrouler", c’est par ces mots que Virgile, lycéen à Voiron commence son hommage.
Ce texte a été écrit par les élèves du lycée Ferdinand Buisson à Voiron au retour de leur voyage mémoriel en Pologne dans les camps d’Auschwitz-Birkenau.
Commémorer une rafle longtemps oubliée
Dans la nuit du 23 au 24 mars 1944, 18 enfants juifs sont déportés dans des camps de concentration en Pologne. Ce mardi 9 avril après-midi, près de 200 personnes étaient réunies sur les hauteurs de Voiron pour commémorer la rafle de la Martellière, pour ne plus oublier.
Car si cette rafle fait aujourd’hui partie de la mémoire locale de la ville de Voiron, cela n’a pas toujours été le cas. Elle n’est connue de tous que depuis 1997, 53 ans après les faits, lorsque Delphine Deroo, une étudiante grenobloise, découvre la liste des 18 personnes déportées.
Pendant plusieurs mois, des associations accompagnées par la mairie de Voiron ont mené leur enquête pour retracer ce qu’il s’est passé cette nuit-là, elles retrouvent le seul survivant Erwin Uhr, présent lors de la commémoration du 24 mars 1997.
"On pensait qu’ils étaient tous morts et peu de temps avant la commémoration, on a appris que l’un d’eux avait survécu, je l’ai appelé en lui disant que nous prévoyions d’organiser la commémoration de la rafle. Il a été très surpris, il m’a dit : 'Pourquoi maintenant, si longtemps après ?' Et je lui ai donc dit : 'Mais on ne savait pas, cette rafle était ignorée à Voiron, elle n’était pas cachée'", confie Nathalie Coblentz, directrice du service de communication à la mairie de Voiron en 1997.
Erwin Urh se rend à la commération, lui qui n'était jamais revenu à Voiron : "Ma vengeance, aujourd’hui, est d’avoir bâti une famille, j’ai deux enfants, ça, c’est une vengeance," avait alors confié le survivant. Il n’a jamais revu son petit-frère, Carolus Urh, déporté et tué dans les camps de concentration.
Continuer le devoir de mémoire
Aujourd’hui, à Voiron, de ces enfants raflés, il reste juste une plaque accrochée sur la façade d'une maison.
Mais pour ne plus oublier, la rafle est aujourd'hui étudiée par les lycéens de la ville, dont certains ont l'âge des enfants déportés : "On se sent concernés, on se dit qu’on a de la chance d’être né à notre époque. On garde en tête que c’est nous qui aurions pu être déportés donc c’est important de commémorer ces jeunes qui sont nés au mauvais moment, au mauvais endroit, " nous confie Noah Fraudeau, un lycéen présent à la commémoration.
Mel Gasdeblay, lycéen lui aussi, ne peut s'empêcher de comparer avec le contexte actuel, "Aujourd’hui, on remarque qu’il y a des guerres au Moyen-Orient et en Ukraine. On se rend compte qu’au final, il suffit d’un petit geste pour que ça tourne dans le mauvais sens des choses et ça peut entraîner une conséquence sur l’humanité."
Monique Kornblum Bouaziz, elle, avait 9 ans en 1944. Elle a échappé de justesse à la rafle, son visage s’éclaire quand elle rencontre tous les jeunes rassemblés aujourd’hui pour cette commémoration : "Déjà, autrefois, j’avais trouvé ça formidable que les jeunes remplacent les vieux et là, c’est encore plus frappant, c’est une morale extraordinaire, ça me donne espoir, car ce qui se passe en ce moment, c’est malheureux donc ça donne un peu de lumière."
En mars dernier, le jour même de l'anniversaire de la rafle, les lycéens de Voiron sont allés fouler la terre des camps d’Auschwitz-Birkenau, là où les enfants de la Martellière ont laissé leur dernière trace.