Plus de 2 300 euros. C'est ce que devra débourser, en moyenne, un étudiant pour cette rentrée universitaire 2022-2023 à Grenoble. Entre le logement, l’alimentation ou les transports, le coût de la vie étudiante va encore augmenter dans un contexte d'inflation généralisée. Une situation très problématique pour de nombreux étudiants.
Première visite de la journée pour Maxime. Originaire d’Annecy, il va intégrer dès septembre un IUT (Institut universitaire de technologie) en commerce international à Grenoble. Accompagné de sa mère, ce rendez-vous est une grande avancée, car trouver un appartement sur le territoire grenoblois n’est pas une partie de plaisir : "Ca fait plusieurs semaines que nous passons des heures par jour pour trouver la perle rare et ce n’est vraiment pas simple", souligne Céline Saunier, la mère de Maxime.
Situé dans le quartier Chorier-Berriat, à 7 minutes de l’école de Maxime, cet appartement de 18 m² coûte 416 euros par mois. Une "exception" selon Céline et Maxime : "Nous nous étions fixés une limite pour le loyer : maximum 500 euros par mois. Après de nombreuses recherches, on s’est rendu compte qu’il fallait forcément augmenter notre budget pour avoir quelque chose de moins vétuste et moins énergivore car les logements en dessous de 500 euros sont rares".
La rénovation énergétique est d'ailleurs l'une des préoccupations de Vahé Stepanian, directeur de Square Habitat sud Rhône-Alpes. "Sur les 1 400 logements que nous gérons, assure-t-il, un tiers est destiné aux étudiants. Nous travaillons avec les propriétaires pour rendre les logements plus économes en énergie et confortables. On ne veut pas louer de passoire énergétique."
Si, pour sa première année en étude supérieure, Maxime est aidé financièrement par ses parents, tous n’ont pas cette chance. Cette année, les loyers ont augmenté de 1 % sur l’agglomération grenobloise. Une hausse qui pèse sur le budget des étudiants.
"On parle d’étudiants qui sont à l’euro près"
L'année universitaire 2022-2023 s’annonce chargée en dépenses pour les étudiants. L'InterAsso Grenoble Alpes vient de publier une étude sur le coût de la rentrée et de la vie des étudiants sur le territoire grenoblois. Ils devront débourser en moyenne 2 312,35 euros pour le mois de septembre, soit une augmentation de plus de 2 % par rapport à l'année dernière.
En 2021, ils déboursaient 2 265,04 euros, soit 47,31 euros de moins. Si cette augmentation peut sembler limitée, Hugo Merchat, le vice-président d'InterAsso Université Grenoble Alpes souligne : "On parle d’étudiants qui sont à l’euro près. Grâce à cet indicateur, on peut dresser un bilan et aujourd’hui, il ne leur reste quasiment que 100 euros par mois. Un montant qu'ils doivent trouver quelque part au risque de mettre en péril leurs études ou leur santé". Car en plus des 2 312,35 euros de budget initial déboursés en septembre, dès octobre, s’ajouteront 1 140,78 euros de dépenses mensuelles.
D’où viennent ces chiffres ?
Pour effectuer cette étude, l’InterAsso Grenoble Alpes a repris et adapté la méthode utilisée par la Fédération des associations générales étudiantes (Fage). L’indicateur du coût de la rentrée s’appuie donc sur un étudiant de 20 ans, non-boursier, en licence, ne vivant plus au domicile familial et sans double inscription. Cet indicateur se décompose ensuite en deux catégories comprenant deux types de dépenses.
Les frais de la vie courante
- Loyer et charges
- Repas au restaurant universitaire (RU)
- Consommable (budget alimentation hors repas universitaires et équipements divers comme de l’informatique, des produits d’hygiène, etc.)
- Téléphonie et internet
- Loisirs
- Transport
Les frais spécifiques à la rentrée
- Frais d’inscription
- Cotisation à la contribution vie étudiante et de campus (CVEC)
- Complémentaire santé
- Assurance logement
- Frais d’agence
- Matériels pédagogiques
Le logement, l’une des plus lourdes dépenses des étudiants
Sur l’ensemble de ces frais, le premier poste de dépense pour un étudiant est le logement. Il représente exactement 43,4 % du budget mensuel. Le graphique ci-dessous décompose les frais mensuels moyens de la vie courante d'un étudiant de l'agglomération grenobloise.
En moyenne, un étudiant dépensera 495,25 euros pour un loyer. "Il y a plus de demande que d’offre à Grenoble. La zone est très tendue au niveau des logements, ce qui n’est pas à l’avantage des étudiants", explique Pierre Fernandes Da Costa, président d’InterAsso Grenoble Alpes.
Selon la FAGE, en 5 ans, les loyers ont augmenté de près de 10 %, notamment dans les résidences étudiantes "dans lesquelles une augmentation sur les charges jusqu’à 10 % a été appliquée pour certaines à la rentrée 2022".
Généraliser l’encadrement des loyers ?
Le 16 octobre 2018, la loi Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a été adoptée par le Sénat. Celle-ci a pour objectif de faciliter la construction de nouveaux logements mais surtout d’encadrer les loyers, ce qui permettrait de fixer, pour chaque type de bien, un loyer médian.
Certaines villes comme Paris, Lille, Montpellier, Bordeaux ou Lyon, ont pu l'appliquer, mais pas Grenoble. En septembre 2021, l’ancienne ministre chargée du logement Emmanuelle Wargon déclarait au Figaro : "Le marché locatif de l’agglomération grenobloise ne montre pas de signe de tension."
Une position à revoir selon l’InterAsso : "La décision qui a été prise sur l’encadrement des loyers à Grenoble a été refusée. On demande à l’Etat de revenir sur cette décision car aujourd’hui, l’inflation est galopante. Cela permettrait une harmonisation de l’immobilier sur le territoire grenoblois et apporterait de la sécurité aux étudiants", souligne Hugo Merchat, le vice-président d'InterAsso Université Grenoble Alpes.
L’inflation impacte aussi les étudiants
Toujours selon l’Interasso Grenoble Alpes, d’autres frais de rentrée ont considérablement augmenté, comme certaines mutuelles (+ 75 %) ou l’alimentation. Avec l’inflation, les courses du quotidien ont subi une hausse de 6 %. "Pour manger le midi, les menus étudiants sont passés de 5 à 8 euros. Donc heureusement que je gagne de l'argent à côté, ça me permet d’avoir une aide financière pour l’année", raconte Shaiek Sabah, étudiante en deuxième année de Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps).
L’AGORAé, un projet pour lutter contre la précarité
Pour aider les étudiants dans une situation financière difficile, des épiceries sociales et solidaires sont mises en place, comme l’AGORAé. Fonctionnant sur dossier, cette aide permet à certains étudiants de bénéficier de produits alimentaires, d’hygiène, d’entretien ou encore de fournitures scolaires. "A l’AGORAé les produits revendus coûtent seulement 10 % du prix pratiqué dans les commerces, c’est un bon coup de pouce", explique Léa Tougma, vice-présidente en charge de l’AGORAé.
Sur l’année 2021-2022, 500 bénéficiaires ont eu la chance d’être pris en charge à Grenoble, comme Manon*, venue de Colombie. Lors de son arrivée en France, il a fallu trouver des solutions très rapides pour faire des économies sur le long terme.
"En 2021, pour boucler les fins de mois, j’ai dû cumuler deux jobs, mais ça devenait trop compliqué. Je n’avais plus de temps pour moi et mes études, j’ai donc dû arrêter. J'ai quelques économies mais je restreins mes sorties et je ne dépense que ce qui est nécessaire", raconte Manon.
Dès son arrivée à Grenoble, quelques-unes de ses connaissances lui ont donné des conseils pour faire attention à ses dépenses. "Je n’avais pas de revenu constant, je suis donc allée aux Restos du cœur et c’est là que j’ai rencontré l’InterAsso qui m’a conseillé de m’inscrire à l’AGORAé. Sans eux, ce serait assez compliqué, car je n’ai personne pour m’aider financièrement". Cet espace d’échange et de solidarité rouvrira le 6 septembre.
* Nom d'emprunt