C’est une histoire à peine croyable. Pris de panique lors d’un contrôle de police ce lundi 28 août à Amiens dans la Somme, un Grenoblois de 20 ans a refusé d’obtempérer, croyant avoir affaire à de faux policiers. L’un des fonctionnaires a fait usage de son arme. L’élève ingénieur a été condamné à un an de prison avec sursis pour "violence aggravée".
"J’ai juste voulu sauver ma peau et ne pas faire de mal à qui que ce soit" assure Clément, un Grenoblois de vingt ans, condamné pour la première fois de sa vie par la justice, ce mercredi 30 août comme le relatent nos confrères du Courrier Picard, présents lors de l’audience qui se déroulait à Amiens, dans le département de la Somme. L’étudiant en deuxième année d’école d’ingénieur a été reconnu coupable et condamné pour "violence aggravée sur un fonctionnaire de police" et "refus d’obtempérer".
Un contrôle qui tourne mal
Un étudiant sans histoire. Jusque là. Si Clément se trouvait à Amiens, c’est parce qu’il rendait visite à sa petite amie qui venait d’emménager dans cette ville du nord de la France, "pour lui faire une surprise" confie-t-il à France 3 Alpes. Le lundi 28 août, le jeune homme est dans son véhicule, garé sur un parking situé dans le quartier Saint-Maurice à Amiens. "Mes fenêtres étaient ouvertes, le moteur était coupé et je discutais avec des amis sur Snapchat" explique Clément.
Il voit alors une voiture se garer juste derrière lui et aperçoit quatre hommes s’approcher. "Ils sont arrivés d’une façon agressive (…) Ils portaient des brassards mais je n’étais pas sûr que c’étaient des policiers" affirme Clément qui précise avoir fermé et verrouillé ses vitres, pris de panique. Une peur due en partie par sa propre histoire et celle de son frère, agressé il y a quelques années par de faux policiers, en Isère.
Mais ce lundi, à Amiens, il s'agissait bien de vrais policiers. Des fonctionnaires de la brigade anti criminalité (BAC) qui "avaient pour mission de tourner dans le quartier, où un jeune homme avait été tué la semaine précédente" justifie Maître Ghislain Fay, l’avocat de l’un d’entre eux, "ils ont vu un homme légèrement courbé dans une voiture garée sur un parking connu pour être un point de deal."
Poursuivi par la police, il appelle... le 17 !
Clément, lui, doute de leur identité. "Le jeune homme leur a demandé de lui prouver qu’ils étaient bien policiers. L’un d’entre eux pose son brassard sur le pare-brise, un autre lui montre sa radio" explique l’avocat.
"Ils menaçaient de briser mes vitres" se souvient l’étudiant en deuxième année d’école d’ingénieur à Grenoble. Face à "l’agressivité" de ces hommes, il panique.
Je me suis dit qu’il fallait que je sauve ma peau.
Clémentà France 3 Alpes
Clément enclenche la marche arrière, recule, percute la voiture banalisée des policiers et prend la fuite. Quand il fait marche arrière, "deux policiers se retrouvent entre un mur et l’arrière du véhicule" affirme Me Ghislain Fay. L’un des policiers fait usage de son arme et tire sur la voiture de Clément, côté passager. "Son objectif était de faire réagir le conducteur pour qu'il évite de les écraser", explique l'avocat.
"Cela a amplifié mon état de panique, j’ai cru que j’allais perdre la vie, que c’était fini" réagit Clément.
Le jeune Grenoblois prend la fuite. Une course-poursuite s'engage alors dans les rues d'Amiens. Alors qu'il est au volant, Clément prend son téléphone et appelle le 17. Il explique alors au commissariat qu’il est poursuivi par de faux policiers. Au bout du fil, on lui annonce qu’il s’agit bel et bien d’une voiture de police et qu’il doit s’arrêter. Clément s’exécute immédiatement.
"On m’a sorti de force de mon véhicule, mis la tête contre le sol et menotté" relate le jeune homme qui évoque des insultes de la part des forces de l’ordre, des propos démentis par l’avocat contacté qui confirme cependant que "les policiers l’ont interpellé avec virilité".
Clément est ensuite conduit au commissariat où il passera 48 heures en garde à vue. Sa voiture sera également fouillée.
En garde à vue puis condamné
"J’étais très mal, on me posait beaucoup de questions sur ma vie" au cours des 48 heures de garde à vue, explique l’étudiant, "on me mettait la pression, on me répétait que j’étais un criminel."
J’avais l’impression d’être dans un autre monde.
Clémentà France 3 Alpes
"C’est un garçon qui a un profil très particulier" concède l’avocat du policier, "inconnu des services de police, pas de stupéfiants, pas d’alcool". Pourtant, "Clément a vécu des choses extrêmement violentes" regrette Nathalie, la mère de Clément, actuellement à Amiens aux côtés de son fils.
Ce mercredi 30 août, Clément a été jugé en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel d’Amiens, en l’absence des quatre policiers concernés. "La procureure remettait en cause le fait que j'ai eu peur et voulait que j’avoue qu’il s’agissait de violences volontaires" explique Clément, confronté pour la première fois à la justice.
Je reconnais le refus d’obtempérer mais je ne voulais pas leur faire de mal.
Clémentà France 3 Alpes
"Le fait que le policier ait tiré ne semble poser de problème à personne" se désole Nathalie, sa mère. De son côté, l’avocat du policier à l’origine du tir affirme que son client "a eu très peur et est très marqué, sa vocation est de protéger".
A l'audience, la procureure a requis 10 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. "Comment un étudiant brillant comme Clément peut-il avoir un mandat de dépôt ?" interroge Maître Ilie Mihaela Delia, son avocate.
L’Isérois a finalement été condamné à un an de prison avec sursis, 2 000 euros d’amende dont la moitié avec sursis. Il doit également indemniser les deux policiers qui ont porté plainte contre lui.
Clément et sa famille envisage de faire appel de cette décision et de porter plainte contre les quatre policiers pour "violences morales et physiques".