Nicolas W., étudiant en médecine passé par Tours, puis Limoges et maintenant Toulouse, est poursuivi en appel pour des agressions sexuelles sur deux anciennes camarades d'études. Il a été jugé en appel ce 3 décembre à Orléans. Le délibéré est attendu pour le 14 janvier.
"L'enjeu de ce procès, c'est de savoir si vous pouvez ou non être médecin." Alain Jakubowicz, l'avocat de la défense, a posé en peu de mot la question de fond du procès en appel de Nicolas W., entendu ce 3 décembre devant la cour d'appel d'Orléans. Pour les parties civiles, comme pour les manifestants du Collectif féministe 45 regroupés dehors quelques dizaines de minutes avant l'audience, la réponse est évidemment non.
Non, selon elles, le jeune homme de 27 ans, qui a agressé sexuellement une camarade de classe en 2013, quand il en avait quinze, qui a été reconnu coupable en première instance pour des agressions sexuelles sur deux étudiantes entre 2017 et 2020 alors qu'elles étaient endormies, ne devrait pas avoir accès au corps de qui que ce soit.
Le tribunal correctionnel de Tours, lui, avait jugé que oui : en le condamnant à une peine entièrement assortie de sursis, il ouvrait la porte à un effacement rapide du bulletin n°2 de son casier judiciaire. Seule une personne avec un casier judiciaire vierge peut-être inscrit à l'Ordre des médecins. Or, en cas de peine de prison ferme, l'intéressé doit attendre cinq ans après la fin de sa peine pour espérer l'effacement automatique de son casier. C'est pourquoi le parquet a fait appel, requérant ce 3 décembre une peine de cinq ans de prison dont trois fermes contre Nicolas W.
"Il y a quatre ans, j'ai été violée"
Cet étudiant en médecine, âgé de 27 ans, avait déjà été condamné en première instance à quatre ans de prison avec sursis pour des agressions sexuelles sur deux anciennes camarades. Sous l'œil d'une salle d'audience pleine, où il ne reste plus une seule place assise, les magistrats rappellent les faits. En tout, six femmes avaient témoigné. Cinq ont porté plainte. Deux d'entre elles ont été classées. Sur les trois restantes, l'une renvoie aux faits de 2013, pour lesquels il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis.
Restent deux parties civiles, présentes pour témoigner lors de ce procès en appel. Dans les deux cas, le tribunal relève un "mode opératoire" similaire. Lors de fêtes très arrosées, le jeune homme a reconnu avoir profité de l'inconscience des deux jeunes femmes pour abuser d'elles.
"Il y a quatre ans, j'ai été violée", raconte l'une des deux jeunes femmes, dont la voix, comme un élastique tendu depuis trop longtemps, menace à tout moment de se briser. "J'étais en sécurité, chez moi. Qu'est-ce qu'il pouvait m'arriver ?" Ce soir-là, après une fête qui se termine chez elle, tous ses camarades repartent. Tous sauf Nicolas W., qui prétend que la jeune femme, déjà proche de l'inconscience, l'a autorisé à rester passer la nuit. Partie se coucher toute habillée, celle-ci se réveille nue, et découvre avec horreur le jeune homme au-dessus d'elle, le sexe entre les cuisses de la jeune femme, et parvient à le repousser.
Les avocats de la défense et des parties civiles ont eu l'occasion, lors du procès, de questionner l'intention ou la capacité du prévenu à aller jusqu'au bout de sa tentative. Toujours est-il que Marc Morin, l'avocat des parties civiles, explique avoir choisi la correctionalisation pour éviter que l'affaire ne traîne indéfiniment en cours criminelle départementale. Le viol, ou la tentative de viol, ont donc été officiellement évacués du dossier, quelle que soit la réalité des faits décrits par la victime. Quoi qu'il arrive devant cette cour, Nicolas W. ne sera pas un criminel.
Un "petit con" qui a bien changé selon son avocat
Sa voix, à lui, se veut posée, sereine. Elle se fait distante, et se teinte même d'arrogance lorsqu'il répond à l'avocat général et à l'avocat des parties civiles. "Je comprends" la gravité des faits, assure-t-il, "mais j'ai le droit de poursuivre mes rêves". En l'occurrence, celui, pour ce fils de médecin tourangeau, décrit comme "bien-né", de devenir radiologue.
Le jeune homme de 2013 et le "gamin désagréable", explique-t-il, sont morts et enterrés : il a désormais entamé un parcours de soin et souhaite poursuivre ses études, qui devrait le mener à soutenir sa thèse d'ici cinq à six ans. Devant la salle d'audience et ses propres victimes, il évoque son "combat" pour poursuivre sa formation à Toulouse, malgré la mobilisation des syndicats du CHU.
Son avocat, Alain Jakubowicz, va jusqu'à parler de "petit con" pour évoquer la personnalité de son client. Enfant timide, garçon complexé, "fils à maman" baigné dans les privilèges et passé par l'enseignement privé catholique, il aurait découvert un autre monde en fac de médecine. Un monde où le fantasme de la toute-puissance, l'alcool aidant, l'a conduit à commettre des actes graves. Des actes qu'il a mis longtemps à assumer, puisqu'il avait réussi à dresser un voile de mensonges entre sa version des faits et celle des victimes, jusqu'en février 2024, rappelle Me Morin.
Mais tout cela, c'est derrière lui. Aujourd'hui, Nicolas W. ne boit plus. Il vit en couple, il voit une psychiatre tous les mois, et si l'ARS Occitanie a suspendu son année de stage en radiologie en attendant la fin des poursuites, il affirme être un homme changé.
Rédemption et rêves brisés
Les deux femmes venues témoigner aussi ont changé, mais elles ne l'ont pas choisi. J., celle qui racontait la tentative de viol, rêvait quant à elle de devenir médecin urgentiste. Pendant un mois et demi, après son agression, elle a dormi sur un matelas dans la chambre de ses parents, car elle ne se sentait pas capable de rentrer chez elle. Les conséquences de l'agression, la perte de sommeil, les crises d'angoisse, lui ont fait perdre "toutes les chances d'accéder à une bonne place dans le classement" de la faculté, et donc à une place comme médecin urgentiste.
Alors, faut-il autoriser ou interdire à un homme d'être médecin s'il se révèle agresseur sexuel ? Nicolas W. est-il, comme l'affirment les parties civiles, toujours dangereux ? La réponse de la cour d'appel d'Orléans à cette question sera rendue le 14 janvier 2025.