L'ex-femme de Ludovic Bertin a retracé ce mardi dix années de relation aux côtés de l'accusé qui comparaît devant la cour d'assises de l'Isère pour le meurtre de Victorine Dartois. Elle a évoqué de nombreux épisodes de violences physiques avant de frôler le malaise en revoyant son visage.
Un amour de jeunesse mué en violences répétées. Samia* a retracé les dix années de relation qui l'ont unie à Ludovic Bertin. Une amourette née entre deux adolescents de 16 ans. "On disait qu’on se marierait un jour. C'était notre rêve d'enfant", se rappelle-t-elle mardi 3 décembre. Mais lorsque la noce approche, le rêve d'enfant est déjà loin.
Affirmant que l'accusé l'avait trompée la veille, Samia refuse de signer les papiers. "Il me mettait des coups de poing sur les jambes. Il est allé chercher un torchon dans la cuisine, il me l'a mis sur le visage et il a versé de l’eau dessus jusqu’à ce que je signe ce papier. Et j’ai signé", décrit difficilement Samia, entendue en visioconférence depuis le tribunal judiciaire de Vienne (Isère).
"Dans la salle, j’avais peur de tomber dans les pommes, de croiser le regard [de Ludovic Bertin, NDLR]. J’essaye d’oublier son visage. Je n’aurais pas réussi à m’exprimer", justifie, nerveuse, la jeune femme de 29 ans, longs cheveux noirs, pendentif doré en forme de cœur autour du cou.
Samia dresse la liste de nombreux épisodes de violences dont elle affirme avoir été victime dès l'instant où ils ont emménagé ensemble, à l'âge de 18 ans. "A peine trois mois plus tard, c’était la cata, résume-t-elle. Il a commencé à me taper et ça ne s’est jamais arrêté. Ça a continué pendant 10 ans. J’étais humiliée, il me rabaissait tout le temps. J’étais amoureuse, je pensais qu’il allait changer, mais ça recommençait."
"J'ai baissé les bras"
Parmi les épisodes de violences marquants, Samia évoque un soir de 2014 lors duquel elle surprend Ludovic Bertin en train de consulter un site pornographique. Une dispute éclate. "Il m’a rouée de coups. J’ai essayé de m’enfuir et il m'a tapée avec un balai, il m’a aspergée d’eau. Je courais à quatre pattes, il m’a mis un coup de poing dans les dents. Je n’arrivais plus à respirer tellement je pleurais", expose la jeune femme.
Découvrant Samia le visage "en sang", son frère s'en est pris à Ludovic Bertin, lui infligeant sept coups de couteau. Samia décide alors de partir habiter chez sa mère. Elle dépose plainte contre Ludovic Bertin avant de la retirer, puis retourne vivre aux côtés de son conjoint. La famille de la jeune femme coupe tout contact avec elle, n'approuvant pas cette relation.
"Ça a continué de pire en pire. Il savait que je n’avais plus personne à qui en parler, plus personne pour me protéger. Je suis restée et j’ai subi pendant tout ce temps, jusqu’au moment où j’ai décidé d’avoir une raison de vivre, donc j’ai voulu avoir un enfant", poursuit l'ex-femme de l'accusé. "Dès l’instant où (mon fils) a été dans mon ventre, j’ai connu le vrai amour et j’ai su que c’était de la peur que j’avais envers (Ludovic Bertin), pas de l’amour."
Il m’a détruite de l’intérieur. Je me bats et je survis pour mon enfant, mais je suis morte à l’intérieur. Tout était basé sur du mensonge.
SamiaEx-femme de Ludovic Bertin
L'enfant naît en 2019 et le couple se disloque. Le jeune homme enchaîne les sorties en boîte de nuit et s'absente de plus en plus souvent du domicile. "La veille de mon accouchement, il était en train de me tromper, évoque Samia. Il s’est trompé de personne et m’a envoyé une photo de lui avec les fesses d’une fille à 3 heures du matin. Je me suis mise hors de moi. Il s’est mis des coups de couteau dans la jambe pour me supplier de ne pas le quitter. Ça m’a traumatisée et c’est ce qui a déclenché mon accouchement."
Malgré tout, Samia et Ludovic Bertin poursuivent leur relation. "J’ai baissé les bras. Il ne rentrait pas souvent, je ne le calculais plus. Je m’en fichais", balaye la jeune femme. Jusqu'au soir du 13 octobre 2020, quand deux gendarmes en civil frappent à sa porte alors que le couple est au bord de la rupture. "Ils m’ont dit qu’il s’était fait arrêter pour meurtre. (...) Je n’y ai pas cru jusqu'à ce qu'on m'emmène à la gendarmerie et qu’on me dise qu’il a avoué [le meurtre de Victorine Dartois, NDLR]. Ce n’était pas possible", dit-elle, incrédule.
Au fil de l'instruction, Samia découvre l'autre visage de son ex-mari. "Il m’a détruite de l’intérieur. Je me bats et je survis pour mon enfant, mais je suis morte à l’intérieur. Tout était basé sur du mensonge", sanglote-t-elle. "J’ai eu beaucoup de mal à comprendre que c’était lui." Mais lorsque Vicky* dépose plainte pour viol à l'encontre de Ludovic Bertin, la jeune femme dit "ouvrir les yeux".
Des "mensonges", pour l'accusé
"J’ai compris que c’était lui, que c’était ça. Mais je ne l’ai jamais défendu, je ne l’ai jamais protégé dans cette histoire", assure-t-elle. Car ces violences, Samia s'en est ouverte tardivement lors de l'instruction. "Je me disais que j’étais encore en vie, donc je n’avais pas le droit de me placer en victime. J’avais honte, je n’en avais jamais parlé. J’avais très peur", justifie-t-elle.
Mais lorsque la caméra de la salle d'audience se braque vers l'avocat de Ludovic Bertin, Me Arnaud Adélise, laissant apparaître l'accusé à l'arrière-plan, Samia hurle. "Elle avait dit qu'elle ne voulait pas le voir", crie sa sœur Dounia en se précipitant à ses côtés. La présidente suspend l'audience de longues minutes.
Pour moi, son témoignage a été dit sous l’influence de sa sœur Dounia, vu qu’elle était là.
Ludovic BertinAccusé du meurtre de Victorine Dartois
"Je ne me suis pas sentie bien quand j’ai vu son visage. Je ne veux pas le voir, je vais faire des cauchemars. Je n'ai pas contrôlé mes émotions", balbutie Samia à la reprise des débats, sous le regard dubitatif de l'avocat de la défense. "Pour moi, la sœur était présente dans la salle au moment de la déposition", estime Me Adélise, alors que la présidente avait ordonné à Dounia de sortir de la pièce avant d'entendre la témoin. La cour écarte finalement cette hypothèse.
"Vu l’hostilité, hors de question que je pose des questions", conclut le défenseur avant de se rasseoir, laissant la présidente interroger Ludovic Bertin. "Pour moi, son témoignage a été dit sous l’influence de sa sœur Dounia, vu qu’elle était là", répond-il, qualifiant son récit sur les violences de "mensonges", dans un écho de stupeur dans la salle.
Dans ses premières déclarations, l'accusé avait parlé de violences réciproques dans le couple. "Je n’étais pas un tyran qui la battait", s'était-il défendu. Ludovic Bertin prendra à nouveau la parole ce mercredi matin pour s'expliquer sur le meurtre de Victorine Dartois dont il est accusé. Un meurtre qu'il a reconnu dès le début de l'enquête, démentant toutefois la tentative de viol sur la jeune femme pour laquelle il est également jugé.
* Prénoms d'emprunt.