Sur les dix derniers mois dans les Alpes du Nord, près de 615 entreprises du BTP ont mis la clé sous la porte, à cause d'un manque de chantiers. Un constat alarmant pour les professionnels du secteur qui souhaitent alerter l’État.
Le secteur du BTP est en crise dans la région. Depuis plusieurs mois, les entreprises ne cessent, une à une, de baisser le rideau. Pour exemple en Isère, 300 d'entre elles ont mis la clé sous la porte depuis janvier 2024, selon les chiffres de la Cerc (l'observatoire régional de la filière construction, NDLR). En cause : les crises économiques et sociales successives.
Des petits chantiers moins rentables
Pour Cédric Linais, artisan dans le BTP en Isère, c’est l’un de ses plus gros chantiers de l’année. Un projet à plusieurs milliers d’euros. Mais ce type de rénovation se fait de plus en plus rare. "Des gros projets de rénovation, nous en avons beaucoup moins aujourd’hui. On a surtout des petites interventions pour de l’isolation, de l’enduit... Mais des gros projets où l’on part du sol au plafond, on n’en a quasiment plus. Avant, on en avait environ un par an", confie l'artisan.
Cette rareté est due à différents phénomènes. Les professionnels du BTP pointent du doigt notamment la succession des crises économiques et sociales de ces dernières années : "L’État n’a plus les moyens de faire la construction, car ce sont des matériaux qui nécessitent énormément d’énergie. C’est du ciment pour faire le béton, de l’acier et du verre. Ce sont trois matériaux cuits à 1 300 degrés. Et pour ça, il faut apporter des quantités phénoménales d’énergie et le coût de l’énergie augmente. L’accès à l’énergie est de plus en plus compliqué", conclut Laurent Marmonier, le co-président de la CAPEB 38 (syndicat patronal de l'artisanat du bâtiment, NDLR).
Près de 2 000 salariés ont perdu leur emploi en à peine un an
À cela s'ajoute, le manque d'autorisations de construction et de rénovation accordées par les autorités locales iséroises. En un an, la délivrance de permis de construire a baissé de près de 10 % selon Bertrand Converso, président de la fédération du BTP de l'Isère.
Conséquence, en un an rien qu’en Isère 677 salariés du BTP ont perdu leur emploi. Dans les pays de Savoie, ils sont près de 1 150. Les entreprises touchées sont principalement les petites qui comptent deux à trois salariés et qui peinent à trouver des repreneurs.
Mais ce constat fait craindre un effet en chaîne dans tous les secteurs du BTP, les acteurs du logement compris, ce qui pourrait bien fragiliser l'ensemble de la filière : "Les entreprises rencontrent des difficultés financières. Elles peuvent pratiquer des prix dans l'unique but de rentrer des chiffres, quitte à renier leur marge. Mais c’est reculer pour mieux sauter. Donc il faut qu’on arrive à avoir un marché sain où tout le monde gagne sa vie. Il faut que ces entreprises soient rentables et qu’elles aient suffisamment de chantiers pour pouvoir continuer à vivre économiquement", dit Vincent Delaunois, l’ancien président de FNAIM 38 et directeur d’agence immobilière.
Les professionnels du bâtiment espèrent que l'accès au crédit sera facilité d'ici la fin de l'année 2026 pour entrevoir une reprise des chantiers progressive.