Après l'avoir visitée sans espérer l'acquérir, Guillaume Convert est devenu un beau jour le nouveau propriétaire de la Maison forte de Brotel. Ce chateau de pierres fut la résidence d'Edouard Herriot. Son nouveau propriétaire est venu compter son parcours formidable sur le plateau de France 3 Auvergne Rhône Alpes
Amoureux des vieilles pierres, Guillaume Convert est ce genre de personne formidable, prête à tous les sacrifices pour redonner vie à un lieu laissé à l’abandon. Dans son cas, il s’agit plus exactement de rendre vie à un château surnommé la « Maison forte de Brotel », et basé sur la commune de Saint-Baudille-De-La-tour, en Isère. Nichée au sommet d'un éperon rocheux, dominant le Val d'Amby et la seule voie d'accès au plateau, cette ancienne Maison Forte a été construite au XIIIème siècle pour la famille Laure. Elle est remaniée au XVème et XVIème siècle.
Cette magnifique demeure surnommée aujourd'hui "Nid d'Aigle", a été acquise par Edouard Herriot, maire de Lyon de 1905 à 1940, puis de 1945 à sa mort. Ce dernier y fut assigné à résidence en 1942 par le gouvernement Laval, il y restera jusqu'à la fin de sa vie. Guillaume l’a rachetée en 2015.
L'odeur des pierres
Né à Ceyzeriat, dans l’Ain, à l’Est de Bourg-en-Bresse, Guillaume a été élevé en grande partie par sa grand-mère, qui résidait dans une vieille maison datant du XVIème siècle. C’est sans doute de cette époque que date son intérêt pour les vieilles pierres, et surtout leur odeur. « C’est assez drôle car quand j’ai visité Brotel pour la première fois, j’ai retrouvé l’odeur de la maison de ma grand-mère. Les lieux n’étaient plus habités depuis longtemps. Donc il ne s’agissait pas d’une odeur de cuisine. C’était vraiment l’odeur des pierres. »
Ce jour lui est resté en mémoire. Il évoque facilement sa première visite dans ce château. « Paradoxalement, j’y ai ressenti une sensation de confort. L’impression de se retrouver dans un endroit qui nous est déjà familier. » Et pourtant rien ne s’y prêtait vraiment. « J’avais au-dessus de moi un toit de 300 tonnes qui menaçait de tomber. Et pourtant, je m’y sentais bien. Vraiment protégé. Rien à craindre là-dedans », se souvient-il.
Tourné vers le vivant
Enfant issu d’une famille de médecins, il hésitait à choisir sa vocation. « J’hésitais entre plein de choses. Tenté par la médecine, j’adorais aussi les bêtes, et j’étais tenté par des recherches philosophiques, psychologiques. Je me disais que faire curé de campagne, c’était pas mal non plus », sourit Guillaume, qui ajoute « il y avait tout de même cette attirance très forte pour la vie. Le monde du vivant est, pour moi, très important. »
Bon élève en lycée à Lyon, il a ensuite poursuivi des études dans une école vétérinaire de la région, à Marcy l’Etoile. « C’était une décision un peu bizarre. Une opportunité, à l’époque, de fermer le moins de portes possibles dans mon avenir professionnel. Avoir à choisir le plus tard possible. Et être vétérinaire peut mener à tout » explique notre interlocuteur.
Une vie en Centre Afrique
Puis il effectue son service militaire en République centrafricaine. Un passage qui a changé sa vie. « Quand on a vécu l’Afrique, soit on y reste, soit on y laisse quelque chose. On est absorbé par ce continent, cette terre rouge de Bangui. Cela a été une expérience incroyable, dans une ville déjà très instable, avec une grosse insécurité. Un univers très dur dans lequel je me suis adapté en une semaine. Le retour a été beaucoup plus compliqué. Il m’a fallu deux ans pour me réhabituer à un monde non-violent. » Et pourtant c’est un lot de bons souvenirs. « Dans ce monde difficile, j’ai rencontré des tas de gens qui gardaient la capacité de rire et de sourire. »
Il évoque des instants plus précis : « On partait armés jusqu’aux dents, dans des convois militaires. Chaque semaine, on se rendait dans un village différent. Il y avait là des veuves de soldats morts pour la France. L’armée continuait à leur verser une pension modeste. On leur donnait une liasse de billets. Elles se réunissaient dans la maison centrale du village, où une grande fête avait lieu. Tout était partagé avec tous les habitants. »
Expert en santé animale
Plus tard, il devient vétérinaire en Corse, puis dans un grand groupe international de santé animale, où il effectue des travaux en immunologie et en virologie. « Aujourd’hui, je participe à la mise en place de programmes de vaccination. Ces dernières années, j’ai notamment travaillé sur des problèmes de rage. C’est une maladie qui provoque toujours environ 60 000 morts par an dans le Monde, principalement en Afrique et en Asie. » Un combat qui n’est pas simple, selon Guillaume. « Même quand on a tous les outils, il n’est pas si facile de mobiliser l’opinion et les politiques, surtout pour des maladies qui vont affecter les populations les plus démunies, qui sont les plus négligées sur notre planète, aujourd’hui. »
Le vendeur a pris conscience de l’urgence de vendre. Il a accepté de le vendre au prix où je pouvais l’acheter.
Cela le fait rêver. Durant de nombreuses années, Guillaume Convert parcourt, régulièrement, les petites annonces de sites à vendre. « Un jour, j’ai vu sur Internet cette maison forte, en Isère. Le prix affiché m’empêchait d’y croire. Mais j’ai tout de même décidé d’appeler l’agent immobilier, de faire, grâce à lui une visite touristique. » Et ce fut le coup de foudre. « Ma chance, c’était que la toiture, en lauze, s’était dégradée récemment. Ce qui pèse 60 kilos par m2. Il y avait un vrai risque d’effondrement. Le vendeur a pris conscience de l’urgence de vendre. Il a accepté de le vendre au prix où je pouvais l’acheter. »
Une opportunité du destin, qui s’est enrichie d’une anecdote particulière, liée à des arbres noueux, qui se trouvaient autour de cette bâtisse. A nouveau, Guillaume a fait le lien avec la maison de sa grand-mère. « A Ceyzeriat, sur les murs, il y avait des dessins du peintre François Vernay. Il était connu pour ses natures mortes, que l’on trouve au Musée des beaux-Arts de Lyon. » Un artiste lyonnais du XIXème siècle, qu’il connait bien. « Ce qui amusait ce peintre, c’était de partir dans la nature et de la peindre. On est aux débuts de l’impressionnisme, vers 1870. Moi, j’étais fasciné par ses arbres très tortueux. En me baladant à côté de cette maison forte de Brotel, j’ai retrouvé ces paysages que je voyais chez ma grand-mère quand j’étais gamin. »
A Brotel, j’ai découvert une vie sociale absolument extraordinaire
Aujourd’hui, Guillaume est propriétaire de ce lieu si évocateur. Une sorte de châtelain. « J’ai toujours rêvé de vivre dans une maison en pierres, avec son histoire. Peu importe si c’est une vieille ferme ou un château. Mais un endroit qui a vu passer des gens, ça me touche vraiment. » Et c’est le cas de cette ancienne demeure d’Edouard Herriot. Ce dernier l’avait achetée en 1938, et il y est resté jusqu’à la fin de ses jours.
Pris de passion pour ce lieu qu’il restaure désormais, Guillaume Convert y assouvit entre autres son amour du patrimoine. Une acquisition qui a changé sa vie. « Avant d’acheter Brotel, j’étais très nomade. Avant, je voyais énormément. Je suis allé en Europe de l’Est, en Asie, au Moyen-Orient. Aujourd’hui, j’en ai moins envie que par le passé. Et puis, lorsque je vivais en ville, je connaissais peu de voisins. Et, à Brotel, j’ai découvert une vie sociale absolument extraordinaire. »
Il n’a pas tardé à le découvrir. « J’ai acheté la maison en novembre, et j’y ai planté des arbres fruitiers dès le deuxième jour. Et tout à coup, j’ai vu arriver une dame en voiture. C’était ma voisine, que je ne connaissais pas encore, qui m’apportait des œufs. Sans intention particulière, juste pour accueillir un nouvel habitant. C’est quand même génial, non ?»
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