"On n'est plus en prison quand on est le nez dans les bouquins", 20 détenus de la prison de Grenoble-Varces diplômés par l'Education nationale

On se souvient du tollé qu'avait provoqué en août dernier une partie de karting à la prison de Fresnes... Au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces, c'est une remise de diplômes aux détenus qui faisait l'objet d'une cérémonie ce mercredi 19 octobre.

C'était ce mercredi 19 octobre un jour différent, un peu particulier à la maison d’arrêt de Grenoble-Varces. Un jour de cérémonie de remise de diplômes en l’honneur des détenus.

Ils sont 20 cette année à avoir décroché un CAP (certificat d‘aptitude professionnelle), un CFG (certificat de formation générale) ou encore d’un DELF (diplôme d’études en langue française). La plupart d'entre eux sont des jeunes sans qualification ou avec un bas de niveau de qualification, en situation d’illettrisme ou ne maîtrisant pas la langue française, mais pas seulement. 

On est plus en prison quand on est le nez dans les bouquins

Eric, détenu à Varces

Eric a 55 ans. Il décroche aujourd'hui un diplôme d'anglais. Il est condamné à une longue peine. La sortie n'est vraiment pas pour demain. Il n'empêche, ce diplôme lui fait du bien :" le bon à rien a réussi sourit-il, ça flatte mon ego, je ne sais pas ce que j'en ferai, mais moi qui voyage beaucoup, ça me servira toujours.(...) en détention, on a des hauts et des bas, il ne faut pas se laisser aller à l'oisiveté, sinon vous vous recroquevillez et la dépression guette, il faut avoir un but. Moi j'ai quitté l'école trop tôt, on s'en rend compte après, j'aime apprendre, je me suis replongé dans tout ce que j'aimais avant, l'histoire, la géographie, à vrai dire j'ai passé plus de diplômes en prison que dehors".

L'avenir ? Eric a encore de longues années à purger, mais il rêve de travailler au grand air, s'occuper de plantes aromatiques, médicinales et d'espaces verts. Il compte bien poursuivre son apprentissage dans ce domaine.

C'est aussi un jour de fierté, pour Alessio, dont c'est le premier séjour en prison en France : "En Italie, je n'ai jamais eu de diplôme. Pour moi ça veut dire beaucoup, ça prouve que dans la vie c'est difficile, mais pas impossible, en plus je l'ai eu avec beaucoup de points, ça me motive à faire autre chose, à sortir d'ici, ça me donne confiance en moi, et en mes potentialités, et puis ça m'a aidé de travailler, d'utiliser mon temps libre, de faire marcher mon cerveau".

Condamné à près de deux ans de prison, il ne sait pas encore ce qu'il fera à sa sortie : "je ne suis pas encore décidé, je réfléchis, peut-être traducteur, en tout cas je ne ferai plus rien d'illégal " assure-t-il.

Très souvent, ils ont été en échec dans leur parcours initial, et ça les incite à poursuivre. C'est un pas vers la réinsertion sociale

Patrick Malle, directeur de la maison d'arrêt de Grenoble-Varces

Pour le directeur de l'établissement Patrick Malle, "c'est important de communiquer, de le faire savoir, on a des détenus qui font des efforts pour s'inscrire, notamment en formation professionnelle, c'est important pour toute l'équipe éducative d'enseignants et pour les détenus qui doivent être valorisés pour leur travail. Très souvent, ils ont été en échec dans leur parcours initial, et ça les incite à poursuivre".

Tous les détenus sont mis au courant à leur arrivée, de cette possibilité de suivre, ou de reprendre des cours ou une formation. Tous n'obtiennent pas un diplôme, mais peuvent assister à des heures de cours.

Alors est-ce compliqué de trouver des enseignants en milieu carcéral ? "Certains intervenants ne restent qu'un an, quand ils ne se sentent pas vraiment à l'aise, mais nous avons quatre classes pleines en permanence à l'année, et les membres de l'équipe pédagogique en général s'engagent parce qu'ils ont une motivation particulière. Cela pourrait sembler moins évident de trouver des personnes pour instruire en prison, plutôt qu' à l'extérieur, mais c'est moins compliqué qu'on ne pourrait le penser." assure Patrick Malle.

"Oui, on a même plus de candidats pour ces missions que de besoins. Ce sont souvent des enseignants du 1er degré, qui ont déjà une habitude des publics un peu particuliers" renchérit Hélène Insel, Rectrice de l'Académie de Grenoble, qui a remis ce mercredi, en mains propres, aux détenus leur certificat.

Difficile d'avoir des retombées précises et chiffrées des parcours des détenus qui sont sortis de la maison d'arrêt de Varces, mais il y a une certitude conclut-elle : "quand on est en prison et qu'on arrive à se mobiliser pour acquérir des compétences, c'est qu'on arrive à se projeter vers une suite positive, ça permet de provoquer cette suite positive et de donner des chances de réinsertion professionnelle plus grandes. Cela leur permet de se projeter, mais pendant la détention c'est aussi une "évasion" d'apprendre".

Chaque année une centaine de personnes incarcérées à Grenoble-Varces suivent un apprentissage spécialisé, avec à la clé, un diplôme à vie, un premier pas vers la réinsertion sociale.

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