Le Métrocâble, projet de téléphérique urbain du nord-ouest de la métropole de Grenoble, a reçu un avis négatif de la commission d'enquête publique qui pointe de nombreuses défaillances dans le dossier. Les commissaires concluent notamment à une fréquentation incertaine pour un projet présentant peu de bénéfices pour l'environnement.
Nouveau coup de tonnerre sur le projet de transport par câble de la métropole de Grenoble. La commission d'enquête publique a émis un avis défavorable sur le Métrocâble, téléphérique urbain qui pourrait relier Fontaine à Saint-Martin-le-Vinoux.
En résumé, les commissaires enquêteurs estiment que le projet est "peu consensuel", son tracé "inutilement complexe" et le budget d’investissement est "trop élevé". Si bien qu'il présente "plus d’inconvénients que d’avantages".
Quels sont les éléments pointés du doigt ? Les arguments du maître d'ouvrage ? Et quelles seront les prochaines étapes ? France 3 Alpes fait le point sur le projet après ce nouveau revers.
Opposition "résolue, structurée, organisée"
De nombreuses oppositions ont émergé autour du projet de transport par câble, jugé inutile ou trop coûteux. "Depuis 2021, on se mobilise pour alerter la population sur ce Métrocâble, sur ce que cela va changer. La concertation n'a pas été bien faite et c'est très bien relevé par la commission d'enquête", pointe un opposant du collectif Stop Métrocâble.
Les commissaires enquêteurs ont souligné les contestations autour du projet, aussi bien citoyennes que politiques. Porté par Grenoble-Alpes Métropole, le Métrocâble est soutenu par les communes de Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux, situées sur le parcours.
Mais quatre autres communes, sur le tracé ou limitrophes, s'y opposent ou ont émis des avis réservés. Par ailleurs, ni le Département de l'Isère ni la Région Auvergne-Rhône-Alpes n'a émis d'avis dans le cadre de l'enquête. Un "dissensus politique" qui s'étend aussi bien sur le territoire métropolitain que sur la zone concernée.
"Comment un projet si peu consensuel, présenté comme structurant pour les transports en commun du secteur nord-ouest de l’agglomération, a-t-il pu arriver en l’état jusqu'au stade de l’enquête publique ?", interroge le rapport, alors qu'un "grand nombre" de contributions ont été déposées - plus de 1 900.
Avec "l'inutilité" de la concertation préalable exprimée dans certains avis, ce qui a pu faire émerger une opposition "résolue, structurée, organisée" au projet. "Si cette concertation avait pu être faite plus tôt et mieux, peut-être qu'on aurait pu réorienter et pas arriver en bout de course avec un projet très structurant mais qui ne répond plus à l'objectif de politique publique", estime Marie Coiffard, secrétaire du parti Les écologistes-EELV à la Métropole de Grenoble.
Un tracé "sinueux" qui fait flamber les coûts
Le Métrocâble, dont le budget d'investissement est estimé par la Métropole de Grenoble à 65 millions d'euros, présente l'avantage de franchir le Drac, les voies ferrées ou encore l'autoroute par les airs. Mais les nombreux obstacles qui se dressent entre les gares de départ et d'arrivée produisent un tracé "sinueux" et "inutilement complexe" avec quatre changements de direction pour six stations. Ce qui n'est pas sans peser sur l'enveloppe globale.
"Le budget présenté néglige ou sous-évalue des dépenses importantes qui font partie intégrante du projet", écrivent les commissaires enquêteurs, citant l’enfouissement et la réhausse des lignes à très haute tension et le déplacement de la station de La Poya, terminus du tram A.
En prenant en compte ces augmentations de coûts, le bilan du projet deviendrait "largement négatif". Un résultat qui "ne fait que traduire, sous une forme monétarisée, que le projet présente plus d’inconvénients que d’avantages", nécessitant "un investissement élevé en regard d’un gain de temps de transport très hypothétique".
Les solutions alternatives au Métrocâble, tel que le bus à haut niveau de service envisagé pour desservir le même secteur, ont par ailleurs fait l'objet d'une étude "incomplète et superficielle", selon la commission d'enquête.
"Cette focalisation sur le Métrocâble est problématique et a laissé de côté d'autres projets : le développement des transports vers le grand sud vizillois, le déploiement d'un bus à haut niveau de service... D'autres projets auraient peut-être suscité plus d'engouement", commente Marie Coiffard.
Fréquentation incertaine
Le flou demeure quant à la fréquentation du Métrocâble compte tenu, notamment, de l'abandon partiel d'un projet immobilier de taille. Quelque 2 600 logements devaient voir le jour sur un terrain de 95 hectares entre Fontaine et Sassenage. Mais le projet, baptisé Portes du Vercors, a été en grande partie retoqué, passant à 970 logements, et uniquement à Fontaine.
Or, ce projet de construction et celui du câble sont "intimement liés". En témoigne le tracé du téléphérique urbain, conçu pour desservir les milliers de logements imaginés à l'origine. Et l'évolution du projet immobilier "n'a pas été prise en compte dans le dossier" du Métrocâble, malgré son impact sur les prévisions de fréquentation.
L'étude socio-économique sur laquelle s'appuie le maître d'ouvrage pour estimer le nombre de voyageurs est elle "trop ancienne", selon les commissaires enquêteurs. Le président de la Métropole de Grenoble, Christophe Ferrari, a réagi par voie en communiqué en estimant que les procédures administratives encadrant ces projets "tournent à l’envers ou en tout cas pas rond."
"L’exigence démocratique et environnementale, l’exigence de bonne gestion des deniers publics, nécessiteraient à mon sens que ce type d’avis arrivent beaucoup plus tôt dans la vie d’un projet", déclare l'élu, arguant que "plusieurs millions d’euros ont d’ores et déjà été dépensés" pour le Métrocâble.
Sa fréquentation a été estimée à 4 600 voyages par jour à la mise en service en 2025, dont un report de seulement 150 usagers de la voiture vers le câble. "Avec un si faible report modal, le projet de câble ne participera que très peu au désengorgement de la circulation, à l’amélioration de la qualité de l’air et à la diminution des émissions de gaz à effet de serre", tranche la commission d'enquête.
Peu de bénéfice pour l'environnement
Présenté comme un mode de transport vertueux pour l'environnement par le porteur du projet, l'impact du Métrocâble ne serait que faiblement positif, selon l'enquête publique. Le gain de CO2, dû "à 95 % à la restructuration du réseau de bus induite par la mise en service du câble", serait "en grande partie annulé" par la consommation énergétique de ce mode de transport.
Le projet ne peut donc pas être "qualifié de décarboné", d'après les commissaires enquêteurs. Malgré ces conclusions, Christophe Ferrari loue un projet nécessaire "face à l’urgence climatique, face aux enjeux sanitaires de la pollution de l’air, face au renchérissement du prix de l’énergie et des carburants, face à la nécessité de fournir des solutions de transport alternatives à la voiture."
L'avis de la commission d'enquête étant consultatif, l'avenir du Métrocâble pourrait dépendre du préfet de l'Isère à qui il revient de trancher sur la déclaration d'utilité publique, étape nécessaire à la poursuite du projet, si la Métropole souhaite continuer à le porter. Les opposants ont d'ores et déjà annoncé qu'ils formuleront des recours administratifs si cette nouvelle étape venait à être franchie. "Ça va juste faire perdre du temps à tout le monde", regrette un militant.
"On ne facilitera pas le report vers les transports en commun sans développer l’offre publique de transport, sans projet structurant, sans constance politique. Chacun devra ainsi prendre la mesure de sa responsabilité, notamment sur ce projet et dans l’avis qui a été rendu par la commission d’enquête, un avis qui est clairement un mauvais coup pour le territoire et ses habitants", conclut le président de la Métropole, sans indiquer les suites qui allaient être données au Métrocâble.