Noémie Villard, 22 ans, est jugée devant les assises de Grenoble, accusée d'avoir causé la mort de son bébé âgé de 15 mois. La cour s'est intéressée ce lundi au virage radical d'une femme discrète vers l'Islam salafiste.
Les assises de Grenoble se sont ouvertes lundi 4 novembre pour deux semaines de procès avec un jeune couple sur le banc des accusés. Ils sont jugés pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, privation d'aliments ou de soins, violences volontaires et habituelles sur leur fille, morte à l'âge de 15 mois. Le couple vivait dans des conditions très précaires et s'était coupé de la société.
Lors du premier jour d'audience, la cour s'est intéressée à la personnalité de Noémie Villard, 22 ans, la maman de la petite Hafsa, battue à mort le 1er mars 2017. Née d'un père français et d'une mère algérienne, l'Iséroise s'est dite perdue entre ses deux cultures, d'autant plus après le divorce de ses parents. Elle reste vivre avec sa mère avec qui elle avait une relation fusionnelle : "Je ne pouvais rien faire sans elle".
A cette époque, elle se renferme et trouve un refuge dans la religion. Elle commence à lire par elle-même des ouvrages religieux, puis consulte internet. "Le terme salafiste, je ne le connais pas", affirme la jeune femme. Noémie Villard, décrite unanimement comme gentille, discrète, douce, attentionnée, suit alors des cours de langues étrangères appliquées à Grenoble.
"Pour la première fois, je faisais mes propres choix"
Elle se convertit, choisissant de porter le voile intégral. Une tenue dans laquelle elle se présente à l'audience, pour "paraître telle qu'elle est". "Pour la première fois, je faisais mes propres choix. Pour moi, je ne me fermais pas", a-t-elle dit devant la cour.
C'est dans ce contexte qu'un jour, elle rencontre un garçon, Sami, musulman pratiquant l'Islam salafiste. Noémie quitte l'université pour vivre son "rêve" de mariage et "avoir une famille parfaite, pas comme la mienne". Elle qui n'a jamais eu le moindre flirt a rencontré un homme, qu'elle a vu deux fois. Ils se choisissent. La fête en petit comité a lieu le 14 février 2015.
Pour tenter d'éviter cela, avec la peur d'un voyage en Syrie et alors que la France est marquée par les attentats de Paris de janvier 2015, sa famille l'a "séquestrée", selon les mots de la jeune femme, la privant de ses papiers d'identité.
Mais elle s'enfuit avec celui qu'elle décrit comme son "sauveur". C'est le début de sa vie avec Sami Bernoui, aujourd'hui âgé de 26 ans et père de ses deux enfants. D'une relation fusionnelle avec sa mère, elle passe à une relation fusionnelle avec son mari.
De leur union naîtra, en novembre 2015, la petite Hafsa. A l'âge de deux mois elle est retirée à ses parents pour suspicions de violence mais réintègre le domicile familial en octobre 2016. Cinq mois plus tard, l'enfant décède. Son père Sami Bernoui est retrouvé au pied de son immeuble à Grenoble, l'enfant inanimée dans les bras, réclamant l'aide des passants.
Des "dysfonctionnements"
Traumatisme crânien, griffures, déchirure à l'intestin grêle, syndrome du bébé secoué... La maltraitance semble ne faire aucun doute. Le père reconnaît d'ailleurs s'être parfois emporté contre le bébé. Mais pour son défenseur, il faut s'en tenir aux faits et se méfier des préjugés.
"Il ne faut pas aller au-delà de ce pourquoi il est renvoyé et doit être jugé, c'est-à-dire ne pas confondre ce procès qui concerne des violences faites à un enfant avec le procès de la religion musulmane, le procès du rigorisme salafiste", estime l'avocat du prévenu Me. Ronald Gallo.
Alors pourquoi ? Pourquoi Hafsa est elle morte 14 mois après que les médecins aient constaté la maltraitance ? Pourquoi a-t-elle été rendue à ses parents ? Et comment se fait-il que personne n'ait pu la protéger ? C'est la question que se pose l'association L'enfant bleu qui s'est constituée partie civile.
"Je ne sais pas s'il y a eu une faille, par contre il y a eu des dysfonctionnements, c'est certain. Il faut essayer de les analyser, de les comprendre pour construire dessus et faire en sorte que Hafsa ne soit pas morte pour rien et essayer de trouver des solutions pour que la protection de l'enfance soit efficace pour tous ces enfants maltraités", ajoute Me. Régis Deschamps qui représente l'association.
Tout au long de ce procès, la cour va entendre des experts, les parties civiles mais aussi de très nombreux témoins. Un expert psychiatre appelé à la barre ce lundi a décrit une mère qui a trouvé dans le salafisme "un carcan extérieur" et "rassurant" pour étayer son caractère immature et égocentrique. Et de quoi faire écran à sa "peur" de l'extérieur, qu'elle décrit elle-même. Le jugement n'est pas attendu avant le 15 novembre.