Une équipe de chercheurs grenoblois a mis en place un "poumon artificiel", afin de mieux connaitre les conséquences des pics de pollution sur la santé. Ils étudient non seulement la quantité de particules fines dans l'air, mais aussi la composition chimique des particules.
Chaque année, entre 150 et 160 décès prématurés sont liés aux particules fines à Grenoble. À l'échelle de la France, ce chiffre monte à 40 000 décès. Il ne s'agit que de la face visible de l'iceberg : le développement de problèmes de santé étant la grande inconnue statistique.
Invisible et sous-estimée, la pollution de l'air est une problématique majeure de santé publique mais ses conséquences sur le corps humain sont encore mal connues. À Grenoble, l'équipe de scientifiques Prédict'Air développe un meilleur système d'analyse en temps réel des particules avec un "poumon artificiel". Cet équipement breveté simule en temps réel l'inhalation des particules atmosphériques pour déterminer leur toxicité sur les poumons.
"C'est une boîte noire"
Actuellement, la qualité de l'air est déterminée par la quantité de particules fines à ne pas dépasser sur une période donnée. "Mais derrière cette quantité, c'est une boîte noire", explique Gaëlle Uzu, directrice de recherche à l'Insitut de recherche pour le développement (IRD), affectée à l'Institut des géosciences de l'environnement (IGE) de l'Université Grenoble Alpes. Seulement 20 % des molécules présentes dans l'air sont identifiables.
La chercheuse affirme que, contrairement aux idées reçues, une forte dose ne suffit pas à déterminer la toxicité. D'autres paramètres doivent être pris en compte, comme sa composition chimique : "La toxicité d'une particule provient de sa taille, sa quantité mais avant tout de sa composition chimique. Dans un mètre cube d'air, il y a au moins 10 000 molécules organiques différentes et actuellement il n'y a pas de système au point pour toutes les identifier."
Vers un changement de réglementation européenne
Doté d'un budget d'environ 2 millions d'euros, le projet Prédict'Air est soutenu par l'Université Grenoble Alpes, Atmo Auvergne-Rhône-Alpes et plusieurs collectivités locales. Unique en Europe, il a commencé en 2019 au sein de l'IGE. L'équipe est composée d'une petite dizaine de chercheurs et se donne pour ambition d'améliorer la manière de mesurer la qualité de l'air au niveau européen.
Pour y parvenir, les scientifiques travaillent avec l'indicateur du "potentiel oxydant". "C'est le seul indicateur qui fait le lien entre le niveau de pollution particulaire et l'effet sanitaire sur le corps humain", détaille Stéphane Socquet, directeur production à ATMO Auvergne-Rhône-Alpes. Ce "stress oxydatif" est à l'origine de nombreuses maladies cardiorespiratoires.
#FLASH I Peut-on contrôler l'air que l'on respire ? Qu'est ce qui pollue le plus, certaines cheminées ou le trafic routier ?
— Observatoire des Sciences de l'Univers de Grenoble (@OSUG_fr) February 4, 2022
Un flash spécial #QualitéAir avec Gaëlle Uzu, directrice de recherche @ird_fr à l'@IGE_Grenoble 👌
➕de vidéos: https://t.co/iltAGqO4qZ @GreenGrenoble22 pic.twitter.com/M2m7hRpeTx
Des prélèvements sur 27 sites en France
Des mesures et des prélèvements sont actuellement réalisés sur 27 sites en France. Ils sont ensuite analysés par l'équipe Prédict'Air au sein de l'IGE. Les premiers résultats sont concluants.
"Aujourd'hui, on est capable de faire des classements des villes avec un potentiel oxydant plus haut que d'autres. On se rend compte que certains milieux ruraux ont un potentiel oxydant moyen annuel 3 à 5 fois plus bas que les zones urbaines", avance Gaëlle Uzu.
Plus de crises cardiaques après les pics de pollution ?
Une autre hypothèse tend à se confirmer. Celle d'un "effet lag", une latence entre les pics de pollution et les effets indésirables sur la santé : "On remarque qu'à Grenoble, quand il y a un pic de pollution, on a plus de chance d'avoir un examen anormal trois jours après", expose le cardiologue Gilles Barone Rochette, professeur spécialiste des maladies coronaires au CHU Grenoble-Alpes.
Si elle se confirme, cette hypothèse peut constituer une avancée scientifique et médicale majeure. "On pourrait mieux anticiper les activités de l'hôpital et prévoir plus ou moins d'équipes selon la qualité de l'air", se prête à imaginer le professeur Gilles Barone Rochette.