Le tribunal correctionnel de Grenoble a rouvert ce lundi 14 janvier les débats dans le dossier de la fromagerie L'Étoile du Vercors, propriété du groupe Lactalis. Le dossier est renvoyé le au 11 mars prochain.
Cette décision fait suite à un jugement du tribunal administratif en date du 28 décembre 2018. Celui-ci annule un arrêté préfectoral de 2016 mettant en demeure la société Étoile du Vercors de se conformer avec la réglementation en matière de traitement de ses effluents dans un délai de six mois.
La justice administrative accorde finalement un délai plus long de neuf mois à la société, à compter du jugement de décembre.
Installée à Saint-Just-de-Claix (Isère), la fromagerie est poursuivie devant la juridiction pénale, avec son ancien et son actuel dirigeants, pour "jet ou abandon de déchets dans les eaux superficielles" et "exploitation d'une installation nuisible à l'eau ou au milieu aquatique non conforme à une mise en demeure", ainsi que pour "exploitation d'une installation classée sans respecter les mesures prescrites par arrêté pour la protection de l'environnement".
C'est la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature) qui, d'abord, avait saisi la justice en 2017.
Lors de l'audience pénale, le 12 novembre, le procureur adjoint de Grenoble Laurent Becuywe avait déploré l'impuissance de la justice face à un grand groupe. "Lactalis a gagné" en jouant la montre, avait-il lancé, tout en requérant notamment l'amende maximale de 500.000 euros et l'arrêt des opérations de rejet.
"Entre les 800.000 euros et le million d'euros qui ont été économisés" depuis sa mise en demeure par la préfecture de l'Isère en 2016, "même si vous condamnez l'entreprise à l'amende maximale, ceux-là sont largement financés", avait estimé le procureur.
Regrettant un "sentiment d'impunité", le procureur avait ajouté : "On savait déjà que Lactalis avait la capacité d'empoisonner le lait en poudre, on sait maintenant qu'il peut empoisonner l'eau, qu'il le sait et continue."
Pour la défense, Me Arnault Buisson-Fizellier avait estimé que le procureur "(n'était) pas en mesure de prouver la pollution".
L'Etoile du Vercors, créée en 1942 et rachetée par Lactalis en 2011, dit transformer entre 46.000 et 58.000 litres de lait par jour en moyenne, jusqu'à 100.000 litres en période de pointe. Elle emploie 147 salariés, et travaille avec 70 producteurs de lait.
Entreprise de fabrication, d'affinage et de commercialisation de fromages (Saint-Marcellin, Saint-Félicien, fromages de chèvre), elle rejette depuis sa création ses eaux usées industrielles non traitées directement dans l'Isère.
Cela représente l'équivalent des eaux usées d'une ville de 8.000 à 10.000 habitants au quotidien, mais en "très gras" selon Sylvain Traynard, de la DDT Isère (Direction départementale des territoires), et avec des "produits de désinfection".
En 2000, l'entreprise avait demandé son raccordement à la station d'épuration de la communauté de communes en construction, avant de souhaiter en 2014 construire sa propre station.
Ce que lui avait refusé à quatre reprises la commune. Une position "incompréhensible et inadmissible", selon Lactalis.
Reportage Anna Koroloff et Franck Ceroni