Un rapport alarmant de la contrôleuse générale des lieux de privations de liberté (CGLPL) a été publié vendredi 29 septembre au Journal Officiel. Il alerte sur les conditions de détention "indignes", la surpopulation et le manque de personnel au sein du centre pénitentiaire de Grenoble-Varces.
Vendredi 29 septembre est paru au Journal Officiel un rapport de la contrôleuse générale des lieux de privations de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, au sujet du centre pénitentiaire de Grenoble-Varces en Isère faisant suite à une visite "inopinée" du 3 au 12 juillet 2023.
Une visite motivée par la mise en place en 2020 d’un mécanisme local de régulation carcérale au sein de l’établissement censé limiter le taux d’occupation à 130 % "cité en exemple" par les autorités, mais qui s’avère être un "échec" selon la contrôleuse.
Une "surpopulation endémique"
"Ce mécanisme est loin d’avoir produit les effets escomptés", constate-t-elle. "Lors de la visite, le taux d’occupation du quartier maison d’arrêt des hommes atteignait 173 %. […] Le QMAH pâtit d’une surpopulation endémique". Un échec déploré par les signataires du protocole, qui attribue cette surpopulation à "la nature de la délinquance grenobloise et à l’importance rotation due aux nombreuses courtes peines". De quoi compliquer la tâche du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) déjà surchargé "du fait de la difficulté d’accompagner les condamnés à de courtes peines dans un vrai projet de réinsertion".
"Le caractère local et non contraignant du dispositif semble également avoir participé à son échec", écrit la contrôleuse. Car dès que le taux d’occupation baisse, la prison de Grenoble-Varces reçoit des détenus d’autres établissements engorgés.
Des conditions de détention indignes
De cette surpopulation carcérale découlent des "conditions de détentions indignes" selon la CGLPL qui décrit des cellules de 9 m² accueillant deux détenus, parfois trois.
Le dernier jour de la visite, quatre cellules en hébergeaient trois [détenus], privés de toute possibilité de mouvement du fait d'un matelas au sol.
Rapport du CGLPL
Le rapport pointe aussi la vétusté des cellules et des espaces collectifs, jugés "inadaptés" : "Les bâtiments ne sont ni isolés ni ventilés, ce qui entraîne l’apparition de moisissures sur les murs, déjà sales et détériorés". Certaines cellules présentent également des risques d’incendie et d’électrocution du fait de l’état des installations électriques. Des conditions jugées "incompatibles avec le respect de la dignité des personnes".
Des travaux inutiles ?
Depuis 2010, plus de 23 millions d’euros ont été injectés pour la rénovation du centre pénitentiaire, construite en 1972. Mais selon la contrôleuse, ces investissements "ne permettent pas d’améliorer" les conditions de détention. "Le CGLPL s’interroge donc sur le choix de tentatives de rénovation d’une structure vieille de 55 ans, plutôt que d’en construire une nouvelle". Par ailleurs, ces travaux peuvent provoquer des risques pour la sécurité des détenus et du personnel, comme lors de l’incendie du 3 juillet 2023 : "D’après les éléments portés à la connaissance des contrôleurs sur place, les travaux qui se déroulaient dans les ateliers auraient été à l’origine du feu et en auraient entraîné la progression du fait du décloisonnement réalisé pour rénover les canalisations", indique le rapport.
23 surveillants au lieu de 60
La CGLPL pointe également du doigt le manque de moyens humains pour assurer le fonctionnement de la prison et le bien-être physique et psychique des détenus. "Le centre pénitentiaire de Grenoble-Varces ne dispose pas des moyens humains nécessaires à la protection des personnes détenues et au respect de leur dignité".
Au sein de la prison de Varces, les surveillants ne comptent plus les heures supplémentaires : jusqu’à 50 heures en un mois pour l’un deux. "Dans ce contexte, aggravé par une équipe de direction fragilisée, un fort absentéisme est constaté sur l’établissement ce qui tend encore davantage la situation. Pendant une journée de la visite du CGLPL, le centre pénitentiaire a dû fonctionner avec 23 surveillants au lieu de 60, et ce n’était pas la première fois qu’une telle situation se présentait". De quoi provoquer un grand stress chez le personnel. "Pourtant, aucun dispositif de soutien ou d’accompagnement ne leur est accessible".
Éric Dupond-Moretti répond
Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a répondu le 28 septembre dernier à ce rapport quelque peu accablant. Sur la question de la surpopulation, il assure que "l’objectif de régulation carcérale demeure plus que jamais" tout en indiquant que le taux de surpopulation carcérale de la prison de Varces se situe "dans la moyenne du taux d’occupation interrégional".
Concernant les conditions de vie des détenus, le ministre assure qu’il n’y avait "aucun" matelas au sol en août et que "la capacité opérationnelle […] a été augmentée par l’ajout de 201 lits". Par ailleurs, écrit-il, "plusieurs scénarios sont étudiés" pour "augmenter la capacité d'accueil", pour des montants "estimés entre 70 et 120 millions d’euros".
Les travaux débuteront en 2025.
Éric Dupond-Moretti
Éric Dupond-Moretti reconnaît un sous-effectif, mais il assure qu’un "fonctionnement adapté qui garantit la protection des personnes détenues et le respect de leur dignité" a été mis en place. Il indique enfin que le taux d’absentéisme des surveillants est en hausse. Pour résoudre ce problème, il évoque une stratégie menée par la DISP, de lutte contre l’absentéisme par une systématisation des entretiens lors d’un retour d’absence. "Des contrôles médicaux sont réalisés quand un doute pèse sur la justification de l’absence", affirme-t-il. Enfin, le ministre compte sur l’efficacité de la campagne nationale de recrutement "Soyez au cœur de la Justice" pour promouvoir les métiers pénitentiaires et améliorer leur attractivité dans l’opinion.
Auprès de France 3 Alpes, la députée Modem de l’Isère et vice-présidente de l’Assemblée nationale, Elodie Jacquier-Laforge dit regretter les conditions de travail difficile des agents et souhaite la construction d’un nouvel établissement : "Ce sont des professionnels de très grande qualité. […] Cette prison date de 1972. Il faut la rénover et je soutiens avec plusieurs collègues de l’Isère et le bâtonnier de Grenoble, un nouvel établissement".