À Grenoble, la CGT des travailleurs sans-papiers s'inquiète de la remise en question d'accords que la préfecture de l'Isère entretenait jusqu'ici avec la centrale syndicale. Ces accords permettaient de régulariser au cas par cas la situation de salariés étrangers confrontés à une nouvelle réglementation.
Mohamed Nrabet vit "un calvaire au quotidien". De nationalité marocaine, l'homme de 54 ans vit en France depuis vingt-cinq ans. Agent de nettoyage polyvalent, il renouvelle chaque année son titre de séjour auprès de la préfecture de l'Isère. Mais en décembre 2023, lorsqu'il se présente auprès des services de l'État pour mettre ses papiers à jour, l'agent qui le reçoit exige une "autorisation de travail".
"On m'a dit : 'Soit vous avez cette approbation et on vous délivre le récépissé, soit vous ne l'avez pas et on ne peut rien vous donner'", explique Mohamed. En cause, une nouvelle directive de l'État, qui exige des travailleurs étrangers ce document. Problème : son employeur estime que son contrat de travail est suffisant et refuse d'entamer les démarches pour demander cette autorisation de travail. L'homme de 54 ans vit dès lors dans la précarité. Sans travail et donc sans revenu.
Incertitude et précarité
Installée à Grenoble, la CGT des travailleurs sans papiers accompagne ces hommes et ces femmes dans leurs démarches de régularisation. Depuis plusieurs mois, leurs demandes auprès de la préfecture de l'Isère sont restées lettre morte. Laissant Mohammed Nrabet et bien d'autres travailleurs dans l'incertitude.
"J'étais stupéfait, se souvient le quinquagénaire. Depuis 2015, je suis régularisé sans autorisation de travail, sans aucune contrainte, aucun problème, aucune difficulté. Je suis toujours à jour avec les services de l'État français. Normalement, quelqu'un qui a de l'ancienneté, on ne peut pas lui mettre des bâtons dans les roues. La préfecture devrait faire un geste."
Titulaire d'un DEA en études anglophones, obtenu en 1999 à l'université Grenoble Alpes (anciennement Stendhal Grenoble-III), Mohammed Nrabet a longtemps espéré obtenir un poste de traducteur. Toutes ses candidatures se sont soldées par un refus ou une absence de réponse. "Malgré les diplômes que j'ai obtenus, ce n'était pas possible de travailler dans les autres administrations."
"Je ne suis jamais resté les bras croisés"
Il s'est alors tourné vers "le secteur du nettoyage". "Je ne suis jamais resté les bras croisés. J'ai travaillé en tant qu'agent de propreté polyvalent." Même "pendant l'état d'urgence sanitaire". En juillet 2022, l'homme accepte un poste d'agent de service hospitalier. Lors d'un rendez-vous avec la préfecture, le 30 août de la même année, il dépose une demande de carte de résident, d'une durée de dix ans, en vertu d'un accord bilatéral franco-marocain, signé en 1987.
Il obtient finalement un titre d'un an. "Ça m'a mis en colère." La préfecture promet de vérifier s'il s'agit d'une erreur. En décembre 2023, sans nouvelles du service public, Mohammed Nrabet découvre qu'il n'est plus régularisé. "Depuis quatre mois, je n'ai pas de revenu, je galère, je subis des souffrances quotidiennes. Sans autorisation de travail, je ne peux pas travailler."
L'homme a bien tenté de discuter de son cas avec la préfecture. En vain. "Ils m'ont dit : 'C'est la réglementation'. Un homme à 54 ans, on ne peut pas lui mettre des complications, on doit pouvoir le laisser vivre normalement et dignement sur le territoire."
Contactée, la préfecture de l'Isère n'a pas souhaité s'exprimer.