Amoureux des mots depuis son enfance, le champion de l'orthographe Guillaume Terrien a posé ses dicos à Grenoble depuis des années. Vainqueur des Dicos d'or, c'est aujourd'hui un organisateur de dictée, inspirant pour les élèves, qui vante les mérites de la lecture dans "Vous êtes formidables".
« Les gens ne venaient plus. Ils disaient qu’ils connaissaient déjà le gagnant » reconnaît, hilare, Guillaume Terrien, en évoquant son éviction du Concours international d’orthographe suisse, après l’avoir remporté quatre fois de suite.
On le surnomme « le dictionnaire humain », depuis qu’il a remporté les Dicos d’or, en janvier 2005. Célèbre concours français, considéré comme l’équivalent du championnat du monde d’orthographe, créé et animé par Bernard Pivot de 1985 à 2005. Guillaume y a réussi la performance de réaliser trois « sans-faute » consécutifs.
Bon élève... en mathématiques
Paradoxalement, enfant, il était plutôt doué en maths. A dire vrai, c’était surtout un élève qui aimait se dépasser. « Je n’étais jamais satisfait, si je n’avais pas la note maximale. Donc j’étais plutôt bon dans toutes les matières. » Mais, bien avant de devenir féru de français, c'est donc vers les maths que ses études vont se diriger.
L’un n’empêchant pas l’autre... « Je considère que l’étude de la grammaire comme de l’orthographe ont un aspect scientifique. D’ailleurs on parle de sciences du langage dans les études supérieures. Ce n’est pas un hasard. » Décortiquer la langue, l’expliquer, l’analyser en profondeur semble avoir littéralement séduit cette jeune "tête de matheux", comme on dit. « Contrairement à la littérature, qui, finalement, correspond davantage à un art des lettres… » ajoute-t-il.
Il a seulement 8 ans lorsque ses parents lui offrent un dictionnaire. Et cultivent la rigueur de sa jeunesse. « Ce n’était pas militaire, mais ils veillaient à mes heures d’études, m’évitaient la télé tous les jours. » De quoi lui susciter des vocations ? Il en rit « Avec mes deux frères, on voulait juste devenir éboueurs, conduire ensemble un camion de poubelles… »
L'esprit de compétition
Aujourd’hui, ce passionné de la langue française, né dans le Maine-et-Loire, réside à Grenoble, où il s’est installé il y a une vingtaine d’années pour ses études de mathématiques, donc, et aussi d’informatique. « J’y ai passé des concours, vécu mon stage de fin d’étude dans une entreprise grenobloise, et j’ai constitué mon réseau professionnel et amical. Les montagnes alentours ont achevé de me convaincre d’y rester. »
Depuis son enfance, Guillaume a toujours été attiré par les mots. « Petit, je savais à peine lire et je demandais à mes parents comment se prononçait telle enseigne dans la rue… J’ai toujours cherché, aussi, des mots que je ne connaissais pas, notamment avec mon fameux dictionnaire. » Mais l’élément déclencheur entre en scène lorsqu’il est au collège. « En classe de troisième, j’ai participé, en tant que scolaire, à la dictée de Bernard Pivot. Mon professeur nous a fait participer à une dictée qualificative pour le concours. C’est là que tout s’est enchaîné ».
Guillaume termine alors premier de son collège, se rend aux étapes départementales, puis régionales. « Je suis un compétiteur. Cette année-là, j’ai trouvé bien plus fort que moi en régional. Ça m’a encouragé à m’améliorer, et me réinscrire l’année suivante. » Dans son domaine, il a su passer de bon à excellent. Aujourd’hui, il connaît environ 60 000 mots, rien qu’en lisant les dictionnaires.
Du capitaine Haddock au chaenichthys...
Une recette parfaite à transmettre à tous les parents pour faire un tel génie de leur progéniture ? « Pas forcément. La première étape, c’est de lire abondamment. Des lectures éclectiques, très variées, qui va du roman à la bd. Si vous lisez Tintin, vous apprenez beaucoup de vocabulaire avec le capitaine Haddock. Et vous apprenez plein de choses…» explique-t-il.
Ajoutez une bonne dose de une curiosité : « Il faut aller chercher les mots. Ouvrez le dictionnaire, papier ou numérique, à chaque fois que vous avez un doute. Ayez cette curiosité de ne pas laisser les mots de côté. » conseille-t-il en bon formateur. A cette démarche s’associe, sans doute, une bonne mémoire.
Et aussi quelques techniques. Plus exactement, des moyens mnémotechniques, comme, par exemple, faire appel aux mots d’une même famille. « Par exemple, justement, ce mot qu’est « mnémotechnique » est souvent mal orthographié. Et pourtant, il est rattaché à l’amnésie. Il suffit de s’en souvenir pour ne plus se tromper » résume-t-il.
Pendant la période de confinement, Guillaume Terrien n’a pas vraiment souffert de l’isolement. Il a travaillé. Fidèle à sa passion, Il a proposé sur internet des vidéos de dictée. « J’ai fait ça à la maison, dans mon canapé, avec le chat sur les genoux. » sourit-il.
Guillaume fait davantage partie, aujourd’hui, des organisateurs de dictée que des candidats. Mais il garde intact son amour des mots, et, notamment, pour son mot préféré « chaenichthys », qui est une sorte de poisson. N’hésitez pas à aller le découvrir, lui-aussi, dans un dictionnaire.
Et vous, quel est votre mot favori?