Dimanche 15 novembre, André Béranger, figure du quartier de La Villeneuve, à Grenoble, s'est donné la mort. La veille, nombreux étaient ses voisins et amis à saluer une dernière fois cet ancien instituteur militant.
Samedi dernier, tous les habitants s'étaient donnés le mot : rendez-vous au 30, galerie de l'Arlequin, à Grenoble, pour un dernier hommage à André Béranger. De sa fenêtre, cette figure du quartier salue encore une fois ses amis. Atteint d'une maladie dégénérative, le Grenoblois s'est donné la mort dimanche, en toute conscience. Un dernier geste militant, pour dénoncer, comme il l'a écrit, "une législation sur la fin de vie rétrograde".
"On a eu la chance de pouvoir lui rendre un hommage de son vivant. S’il y avait autant de monde, c’est parce que c'est vraiment une personne qui n’a jamais changé. Il est resté droit par rapport à ses idées, tout le temps, et il est resté fort toute sa vie. Je pense qu’il a affronté la mort avec cette même force", salue Virgile Gavillet, un ancien élève d'André Béranger.
"Faire autre chose qu’une école bien normée"
Instituteur puis directeur de l'école des Charmes, André Béranger était un adepte de la pédagogie Freinet, qui invite les élèves à inventer et à apprendre par eux-mêmes. "J’ai tout de suite été emballé par l’idée d’arriver à un endroit où il y aurait toute une équipe d’enseignants volontaires pour changer le système éducatif, faire autre chose qu’une école bien normée", expliquait-il à une équipe de France 3, qui l'avait rencontré en 2005.Depuis quarante-cinq ans dans le quartier, il a été de tous les combats. Pour le droit au logement, la régularisation des sans-papiers, il s'opposait dernièrement à la démolition des logements sociaux dans le cadre de la rénovation urbaine. Avec d'autres, il avait organisé un référendum d'initiative citoyenne.
"Ses combats sur la rénovation urbaine sont essentiels, assure l'un de ses amis, Alain Manac'h. Comment est-ce qu’on redonne les clefs du camion aux gens, ceux qui habitent dans les quartiers populaires ? Et comment on leur apprend à conduire le camion ? Comment apprennent-ils à conduire le camion ? C’est ça qu’on ne fait jamais. A la place, on envoie des démolisseurs, quelques fois, on envoie des flics. Mais la clef du camion, on la garde."
"C’est vraiment important de vivre mélangé"
André Béranger, c'est une vie d'engagement pour son quartier et ses habitants. Ce que confirme Christelle Aouali, une voisine et amie de l'instituteur. "Je retiendrai que c’est un homme de cœur, un homme chaleureux. Très courageux. Car même s’il était malade, il était toujours là", souligne la jeune femme.Malgré la crise sociale, la dégradation progressive du quartier, la fin de l'utopie urbanistique, les désillusions ou les déménagements des copains, André n'a jamais quitté La Villeneuve. "On ne peut pas faire changer les choses si on vit pas dans cet endroit, assurait-il. Il me semble que c’est vraiment important de vivre mélangé. C’est au travers de ce mélange et de la solidarité qu’on a avec tous qu’on peut penser construire un autre monde avec les gens."