VIDÉO. "On a un sentiment d’urgence écologique" : rencontre avec ces paysans qui veulent inventer un nouveau modèle agricole

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De plus en plus pointée du doigt par les consommateurs et confrontée aux catastrophes climatiques, l’agriculture française est à la croisée des chemins. Dans cette profession en quête de sens, de nombreux paysans tentent d’imaginer l’agriculture du monde d’après, basée sur le respect de la biodiversité et de l’humain. Pour l’émission Enquête de Régions, France 3 Alpes est allée à leur rencontre. ©F3Alpes

De plus en plus pointée du doigt par les consommateurs et confrontée aux catastrophes climatiques, l’agriculture française est à la croisée des chemins. Dans cette profession en quête de sens, de nombreux paysans tentent d’imaginer l’agriculture de demain, basée sur le respect de la biodiversité et de l’humain. Pour l’émission "Enquête de Régions", France 3 Alpes est allé à la rencontre de ces défenseurs de l'agroécologie.

Sous un ciel lourd chargé de nuages sombres, Mélanie et Jean-Marie s’affairent dans leur serre, à Creys-Mépieu, dans le Nord-Isère. En cette fin du mois de mars, ils préparent leurs semis. "T’avais pas dit que tu mettais moins d’aromatiques cette année ?", demande la jeune femme. "Oh, juste un petit peu", répond son conjoint en enfouissant des graines minuscules dans le terreau noir.

Elle était cadre dans une entreprise, lui rénovait des toitures. Mais il y a sept ans, le couple a tout remis en question : logement en ville, mode de consommation. Jusqu’au travail. "Moi je travaillais beaucoup avec des produits chimiques, je respirais des vapeurs, je touchais du bitume. Je trouvais ça insensé, raconte Jean-Marie. Et en cherchant des choses plus bénéfiques pour ma santé, en regardant ce qu’il y avait dans mon assiette et où c’était fabriqué, je suis tombé là-dedans. Et c’est un monde assez fou, qui redonne du sens à tout ça".

Ce monde fou, c’est celui du travail de la terre. Un univers vivant, dont ils parviennent à capter l’énergie naturelle pour faire pousser 40 espèces de légumes bio. Et ce, même en plein hiver grâce à l’utilisation d’une épaisse couche de broyat de bois sur laquelle ils déposent leurs semis. "Ces éléments sont frais, mis en tas et ils vont fermenter, explique le maraîcher en montrant du doigt les végétaux broyés. La fermentation va dégager de la chaleur et ça va nous permettre d’élever nos plants ici sans utiliser de table électrique. C’est de l’énergie naturelle". Le thermomètre planté dans la couche chaude indique plus de 40 degrés.

Pour cultiver leurs 5 000 m² de terre, Jean-Marie et Mélanie appliquent les principes de l’agroécologie. Ils ne labourent pas. Et limitent au maximum l’utilisation d’engrais, de machines, d’irrigation et de carburants, pour laisser la nature se réguler. "On n'a rien inventé, on a juste repris des essais menés aux siècles d’avant. Et même des techniques des Aztèques et des Mayas. On ne fait qu’expérimenter encore", glisse Jean-Marie en ramassant des épinards.

"Il y a vraiment urgence à changer de modèle"

Pour ces paysans, l’agroécologie est à la fois une science, une pratique, mais aussi une philosophie de vie, radicalement opposée à l’agriculture intensive. "Plus ça va, plus on a un sentiment d’urgence écologique. On voit des problèmes de ressource, des problèmes de santé à grande échelle. Donc il y a vraiment urgence à changer de modèle", prévient Mélanie.

Ce modèle alternatif fait face à un modèle productiviste, qui domine en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au fil des décennies, les outils manuels et la traction animale ont disparu des champs grâce à la magie de la mécanisation et de la chimie. Au nom de la souveraineté alimentaire, les agriculteurs sont encouragés à cultiver des champs toujours plus grands et à s’endetter avec des machines toujours plus chères. Mais aujourd’hui, ce modèle productiviste semble atteindre ses limites.

Comme Mélanie et Jean-Marie, de plus en plus de paysans tentent de développer un nouveau modèle, pour réconcilier agriculture, humanité et écologie. Quitte à avancer à contre-courant.

Je me considère être un pur produit de l’agriculture intensive

Christophe Pontet, éleveur de vaches laitières

Dans la Loire, Christophe produit des yaourts et livre dans un rayon de 10 kilomètres autour de chez lui. Fils d’agriculteurs, il se considère comme "un pur produit de l’agriculture intensive", mais il a tout plaqué après avoir passé vingt ans à élever des porcs dans un élevage hors-sol.

Dans la Drôme, le centre des Amanins fait office de laboratoire agroécologique. Fondé en 2003 par Pierre Rabhi, il accueille des touristes, des formations, des classes vertes. Et une quarantaine d’élèves de primaire scolarisés sur place. Dans ce havre de paix, la pression de la production et la fluctuation des prix n’existent pas. Car la ferme ne produit pas pour vendre, mais uniquement pour nourrir.

Enfin, près de Grenoble, la coopérative Atelier Paysan aide les agriculteurs à sortir de la spirale de l’endettement. Chaque année, elle forme 400 personnes aux techniques de l’auto-construction, et partage gratuitement les plans de centaines d’outils, de la bineuse au gros semoir.

Dans un monde en pleine mutation, où le dérèglement climatique risque de changer notre quotidien à jamais, ces paysans défendent un modèle alternatif qui pourrait trouver toute sa place. Et faire en sorte que l’agriculture ne fasse plus partie du problème, mais de la solution.

Découvrez le reportage complet consacré à l’agroécologie dans la vidéo en tête d’article. Et pour visionner toute l’émission Enquête de Régions consacrée à l’agriculture de demain, c’est par ici.

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