"Les disparus de l'Isère", Ludovic Janvier, Fabrice Ladoux, Grégory Dubrulle, Charazed Bendouiou mais aussi Nathalie Boyer, Leila Afif... Ces noms, vous les connaissez. Il s'agit de victime de crimes commis dans la région et encore jamais élucidés. Du moins pour l'instant.
1988, Nathalie Boyer, 15 ans, est retrouvée égorgée à Saint-Quentin-Fallavier. 2000, Leila Afif est tuée par balle à La Verpillière. Ces deux meurtres n'ont jamais été élucidés, comme bien d'autres, en Isère. 20, 30 ans plus tard, ces affaires font l'objet de nouvelles enquêtes confiées au tout récent pôle national dédié aux "cold cases".
12 cold cases de la région transmis au pôle de Nanterre
La cour d'appel de Grenoble, qui couvre l'Isère, la Savoie et la Haute-Savoie compte 27 "cold cases". Elle en a transmis 12 à la nouvelle cellule de Nanterre, ouverte le 1er mars dernier. Parmi eux, les affaires Nathalie Boyer et Leila Afif, mais aussi les dossiers de 4 "disparus de l'Isère", à savoir : Fabrice Ladoux, Grenoblois de 11 ans enlevé, violé et tué en janvier 1989, Grégory Dubrulle, 8 ans, retrouvé à l'agonie, le crâne fracassé, mais vivant, en juillet 1983, Ludovic Janvier, disparu en mars 1983 à l'âge de 6 ans et Charazed Bendouiou,10 ans, disparue en juillet 1987.
Sur ces 12 affaires, 6 vont être sélectionnées par le pôle national, nous indique le procureur général près la cour d'appel de Grenoble Jacques Dallest.
Deux informations judiciaires déjà ouvertes pour les meurtres de Nathalie Boyer et Lila Afif
Le travail a déjà commencé. Les affaires Nathalie Boyer et Leila Afif ont d'ores et déjà donné lieu à des ouvertures d'informations judiciaires par le parquet de Nanterre. Regain d'espoir pour les proches des victimes. "C'est une nouvelle très importante pour la famille, nous explique l'avocat de la famille de Nathalie Boyer et spécialiste des "cold cases", Didier Seban. Il y avait un vrai sentiment d'abandon".
"On ne peut pas se permettre de vivre tant qu'on ne sait pas qui est l'auteur"
"'On ne peut pas se permettre de vivre tant qu'on ne sait pas qui est l'auteur du meurtre de son enfant, de sa sœur', nous disent toutes les familles. Ça peut être leur voisin, la personne qu'elles croisent au supermarché".
L'enquête sur le meurtre de l'adolescente Nathalie Boyer avait fait l'objet d'un non-lieu "au bout de 3 ans, seulement". Depuis 1991, pas un seul juge d'instruction ne s'est emparé de ce dossier. 31 ans plus tard, Nanterre s'y replonge.
L'affaire Nathalie Boyer
Le 3 août 1988, à l'orée du bois de la Verpillière, en Isère, près de Lyon, deux agents de la SNCF découvrent le corps de Nathalie Boyer. Cette jeune fille de 15 ans, aînée d'une fratrie de 4 enfants, qu'on décrit comme "une collégienne sans histoire", avait disparu la veille de l'appartement familial de Villefontaine. On découvre alors qu'elle a été égorgée avant d'être abandonnée le long d’une voie de chemin de fer à Saint-Quentin-Fallavier.
"Si quelqu'un a des renseignements, qu'il le dise", lançait son père, désespéré, aux journalistes, à l'époque. Mais personne n'a rien vu. Un individu est interpelé en 1994, sans suite. Depuis, rien.
Un lien entre les meurtres de Nathalie Boyer et de Leila Afif ?
La famille de Nathalie Boyer et son avocat, Didier Seban, ont pourtant tout essayé. "Nous avons identifié des pistes qui n'ont pas été suffisamment travaillées, qui n'ont pas pu être vérifiées", considère ce dernier. "Il existe en effet des pistes dans la proximité de la victime et en mettant en parallèle ce meurtre avec d'autres. Pourquoi pas celui de Leila Afif", assassinée 12 ans plus tard à 3km de là.
Les cold cases des "disparus de l'Isère" étudiés une troisième fois
Didier Seban a déjà établi des liens géographiques et constaté des modes opératoires similaires entre 12 affaires d'enfants tués, agressés ou disparus dans le département. On les appelle "les disparus de l'Isère".
En 2008, date de sa création, la cellule "mineurs 38" se penche sur plusieurs de ces cas, notamment Grégory Dubrulle, Fabrice Ladoux, Charazed Bendouiou et Ludovic Janvier. Sans succès.
Les meurtres de Sarah Siad et Saïda Berch sont quant à eux résolus en 2013.
La cellule ne rouvre pas, en revanche, l'enquête sur le meurtre de Nathalie Boyer. "Sa famille n'avait vraiment pas compris", témoigne Didier Seban.
Mai 2022, Sabine Kheris change la donne. La magistrate chargée du pôle "cold cases" de Nanterre ouvre une information judiciaire dans ce dossier.
Une cellule nationale pour résoudre les "cold cases" impulsée par Jacques Dallest, le procureur général de Grenoble
Ce nouveau pôle national d'investigation n'est pas sans lien avec notre région. Il est né sous l'impulsion de Jacques Dallest, procureur général près la cour d’appel de Grenoble : "C'est le fruit d'un travail de plusieurs années, d'un groupe de travail (NDLR : qu'il a dirigé) et de la production d'un rapport que l'on a déposé à la chancellerie en mars 2021".
"Il ne faut pas imaginer que parce qu'elles partent à Nanterre, ces affaires vont toutes être résolues"
Ce pôle dédié aux "crimes en série et non élucidés" né en mars 2022 est composé notamment de trois juges d'instruction. En tout, 240 dossiers venant de toute la France pourraient leur être confiés.
Rouvrir une enquête "permet d’avoir une nouvelle lecture, très précise, d’un dossier pour y trouver des choses qui n’ont peut-être pas été vues dans l’enquête initiale", souligne Jacques Dallest. Mais il prévient : "quoi qu'on fasse, certains dossiers ne seront jamais résolus. Trop anciens, pas assez d'éléments, etc. Il ne faut pas s'imaginer que parce qu'elles partent à Nanterre, ces affaires vont toutes être résolues".
Ce qu'il souhaite, c'est avant tout accompagner les familles au mieux, prendre temps de les recevoir, de les écouter : "car contrairement à l'époque, aujourd'hui, les juges de ce nouveau pôle sont dédiés à ces dossiers".