Le Béhourd, sport de combat médiéval, a désormais des adeptes en Isère. En armure et équipés d'armes sans tranchant, ces chevaliers des temps modernes s'entraînent deux fois par semaine pour rivaliser lors de tournois organisés dans toute la France. Objectif : faire tomber son adversaire, par tous les moyens.
L'acier crisse, les coups pleuvent, les chocs sonores font vibrer les armures et les cordes sensibles des spectateurs. Les "tournoyeurs" usent de leurs masses, leurs fauchons, leurs bardiches ou leurs vouges pour faire chuter leurs adversaires.
Tous combattent dans la lice, un terrain rectangulaire ceint par des barrières de bois. C'est d'ailleurs de cette arène du Moyen-Âge que vient l'expression "entrer en lice".
Le décor est planté mais il ne s'agit pas d'une reconstitution historique avec des acteurs mettant en scène des joutes moyenâgeuses. Ici, il n'y a pas de mise à mort, mais des techniques de combat plus ou moins médiévales pour amener les opposants au sol. Le Béhourd est un sport de combat.
Chaque équipe a son blason, ses couleurs et son nom censé impressionner les rivaux. Nous suivons aujourd'hui les Sangliers d'Isar, à l'entraînement près de Grenoble, dans un gymnase de Montbonnot-Saint-Martin (Isère). Sur leurs tuniques, un sanglier rouge sur un fond noir, ourlé d’or.
"Béhourd, ça veut dire "heurter"
"Il incarne à la fois le fort esprit d’équipe de nos membres, l’humilité des combattants, toujours désireux d’apprendre, et leur ténacité, similaire à leur animal tutélaire, n’abandonnant jamais le combat", avancent-ils fièrement.
"Le Béhourd, ça date du 12e-13e siècle. Ça s'est un peu perdu après cette époque et puis ça a été remis au goût du jour au 15e siècle par le roi René d'Anjou", indique Vincent Radziejewski, président du club de béhourd les Sangliers d'Isar. "Béhourd, ça vient de l'ancien français qui veut dire "heurter", donc c'est le fait d'entrer en contact entre chevaliers pour "tournoyer", dit-il.
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Mais avant de combattre, les béhourdeurs doivent d'abord s'équiper. Il faut parfois jusqu'à une demi-heure pour enfiler les couches successives de protection.
"La pièce la plus connue, c'est celle-ci : c'est la brigandine, c'est un ensemble de plaques. Par adaptation, on la prend en titane parce que c'est plus léger et c'est plus facile à entretenir que l'acier trempé qui a tendance à rouiller", détaille Adrien Pastorello, capitaine des Sangliers d'Isar.
35 kg d'armure fidèle à l'Histoire
L'anachronisme en reste là. Les pièces d'armure sont réglementées. Il est interdit de combiner des équipements qui ont plus de trente ans de différence d'âge, "pour conserver une cohérence historique et une fidélité aux équipements originaux".
Par conséquent, on est loin de l'optimisation en termes de poids et de maniabilité. L'armure peut peser jusqu'à 35 kilos. Les lames des armes, elles, sont émoussées et leurs bouts arrondis pour garantir un maximum la sécurité des combattants.
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"On interdit tout ce qui est coup au niveau des articulations : les genoux, les pieds, les coudes, les aisselles, la nuque et l'arrière de la tête. Sont interdits aussi les coups d’estoc, c'est-à-dire en pointant la pointe de l'arme face à l'adversaire pour ne pas que ça passe par les défauts d'armure", complète Vincent Radziejewski.
Car le but n'est pas de toucher comme lors d'un combat d'escrime, mais de faire tomber. Grisés par leurs sabres, leurs haches et leurs épées, les nouveaux frappent mais oublient parfois de simplement réaliser une prise pour déséquilibrer l'adversaire.
La prise de judo plutôt que le coup de marteau
"Frapper avec 30 kg d'armure sur le dos sur un gars pendant deux minutes, c'est extrêmement demandeur en énergie donc, en fait, c'est vachement plus rentable d'aller chercher un passage, une prise de judo, une prise de lutte pour être beaucoup plus efficace", explique Adrien Pastorello.
Le béhourd compte une trentaine de clubs en France. Il a sa fédération et ses tournois avec différentes formules d'opposition. La plus répandue est le combat à cinq contre cinq, durant dix minutes maximum.
"Franchement, quand tu portes une armure, tu te sens nouveau, c'est génial. Quand tu vas dans des tournois, que tu vois tout le monde en armure, tu te dis c'est extraordinaire, c'est quelque chose d'incroyable !", se réjouit Jo Barteau, vice-président du club.
Une section féminine en devenir
Ces athlètes en armure doivent donc faire preuve d'une endurance fondamentale pour résister aux assauts des autres chevaliers du XXIe siècle. La suffocation par manque d'entraînement fait souvent partie des phénomènes qui poussent les concurrents à poser genou à terre.
"Il faut avoir de la combativité, ça peut être intimidant au premier abord parce qu'il y a quand même des physiques assez impressionnants mais l'armure protège très très bien. Ça absorbe bien les chocs et comme on a des règles de sécurité, il n'y a pas de raison de se blesser plus que dans un autre sport", estime Vincent Radziejewski.
Contrairement au Moyen-Age, le béhourd des années 2020 n'est pas réservé qu'aux hommes. Trois clubs féminins existent en France. Les Sangliers d'Isar comptent également quelques femmes dans leurs rangs. Une section de "béhourdeuses" est en phase de construction à Montbonnot-Saint-Martin.