Face à la flambée des coûts de l’énergie, le gouvernement a accordé plusieurs aides aux boulangers, dont les factures ont explosé. Les restaurateurs réclament un accompagnement identique pour faire face à un "tsunami de charges".
"Je tiens ce restaurant depuis 49 ans, et c’est la première fois que je reçois des factures pareilles". En quelques mois, Rosanne Perillat a vu le montant de sa facture de gaz s'envoler. Gérante d’un restaurant italien dans le centre de Grenoble, elle vient de régler la somme de 1778 euros pour deux mois de consommation, contre 800 avant la crise de l’énergie.
"Quand j’ai reçu la facture, j’ai appelé mon fournisseur pour savoir s’il n’y avait pas eu une erreur !" s’exclame-t-elle. Ils m’ont dit que le prix du gaz avait doublé".
S'organiser pour économiser
Pour compenser, la patronne de la Tavola Calda arrête le service du soir un peu plus tôt : "On refuse les clients qui arrivent après 21h, ça nous permet d’éteindre les fourneaux en avance et d’économiser deux heures d’énergie".
Sur la carte, quelques plats ont également augmenté d’un euro depuis le 1er janvier. "C’est loin d’être suffisant, mais on n’ose pas augmenter plus car nos clients subissent eux aussi l’inflation. Alors on grignote sur notre marge" souffle-t-elle.
Une facture multipliée par 10
À quelques pas de là, le restaurant Chez Marius a dû aussi ruser pour limiter l’explosion de ses charges. Les plats ont augmenté d’un euro et l’organisation de toute la cuisine a été repensée. "On a dû changer de compteur électrique pour rester ouvert, sinon la facture passait de 1000 à 10 000 euros !" raconte Corentin Bourdariat, le directeur du restaurant.
Pour faire baisser la facture, l’établissement est passé d’un compteur type "industriel" à un compteur moins puissant. Mais en contrepartie, les préparations culinaires doivent être étalées tout au long de la journée pour éviter de faire sauter les plombs. "C’était ça, ou on devait fermer boutique !" déplore le restaurateur.
Avec leurs fours, leurs frigos et leurs congélateurs, les métiers de bouche sont particulièrement touchés par la flambée des prix de l’énergie. Parmi eux, les boulangers ont été les premiers à crier à la catastrophe, et à appeler à l’aide.
Des aides... surtout pour les boulangers
Depuis, le gouvernement a mis en place plusieurs aides pour accompagner le secteur, dont l'amortisseur électricité appliqué directement par les fournisseurs d'énergie, ainsi que le report de charges fiscales et sociales, qui "sont ouvertes aux boulangers, aux restaurateurs, aux bouchers et à n'importe quel autre secteur qui remplirait les critères d'éligibilité" a précisé Bercy.
Pour être éligible à ces aides pour une période donnée, une entreprise doit notamment avoir eu des dépenses d'énergie supérieures à 3% de son chiffre d'affaires de 2021 et avoir subi une augmentation d'au moins 50% du prix de l'énergie par rapport au prix moyen payé en 2021.
Ce mercredi 4 janvier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a annoncé que les boulangers pourraient résilier leurs contrats sans frais, afin d'en renégocier de nouveaux "plus avantageux". Mais cette mesure exceptionnelle n’est destinée qu’aux boulangers.
"Les boulangers ont l'augmentation du prix du beurre, de la farine, de toutes les matières premières, de 20, 30, 40% et de l'électricité. Ce sont les seuls qui sont dans ce cas", s’est justifié le ministre.
"Et nous, on est oubliés ! rétorque Danièle Chavant, la présidente de l’UMIH 38 (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), contactée par téléphone. On ne parle pas du tout des restaurants alors qu’en Isère, sur 800 adhérents, on a subi 60 fermetures et dépôts de bilan fin 2022. Cette profession a déjà beaucoup souffert, on commence tout juste à rembourser les Prêts Garantis par l’Etat souscrits pendant le Covid, et là, on fait face à un tsunami de charges".
On ne peut pas répercuter ces charges sur nos tarifs. À cela s’ajoutent le prix des matières premières qui explosent, les salaires que l’on doit augmenter. On est à bout.
Danièle ChavantPrésidente de l’UMIH 38
Par le biais du syndicat patronal des indépendants de l'hôtellerie-restauration (GNI), le secteur réclame "un bouclier tarifaire pour toutes les entreprises, sans conditions", évoquant "une angoisse phénoménale chez les professionnels".
"On ne peut pas répercuter ces charges sur nos tarifs. À cela s’ajoutent le prix des matières premières qui explosent, les salaires que l’on doit augmenter. On est à bout" désespère, Danièle Chavant.
Les représentants des restaurateurs seront reçus jeudi à 17 heures par le ministre de l'Économie et la ministre déléguée aux PME, Olivia Grégoire. "Cette réunion sera l'occasion pour les ministres de faire de la pédagogie sur l'ensemble des aides existantes", a précisé Bruno Le maire.
Mais le gouvernement préfère calmer les ardeurs de la profession : les restaurateurs ne doivent pas s'attendre aux mêmes aides que les boulangers.