D’ici le 30 novembre, une dizaine de propriétaires de mobil-homes devront quitter le camping de la Régnière, situé à la Villette-d’Anthon en Isère, dans lequel ils sont installés parfois depuis plusieurs décennies. Ils accusent le groupe Capfun, propriétaire des lieux, d’avoir changé sa politique commerciale sans leur laisser le choix.
"Moi, j’habite là toute l’année. J’ai la nature autour de moi, 50 mètres carrés de terrain. Je suis bien", assure Jean, 84 ans. Propriétaire d’un chalet situé dans le camping de la Régnière, à Villette-d’Anthon, ce boulanger retraité n’imagine pas que d’ici quelques semaines, il devra plier bagage.
Comme lui, une dizaine de clients du camping ont choisi d’y établir leur résidence principale. Chaque année, ils avaient l’habitude de signer un contrat de location avec la direction du camping pour avoir le droit d’occuper la parcelle assignée à leur chalet.
Sauf que le groupe Capfun, propriétaire des lieux, a décidé de cesser sa politique d’activité résidentielle, et donc de ne plus proposer de location à l’année. D’ici le 30 novembre, le camping fermera ses portes pour la saison hivernale et tous les résidents devront déménager. "Je suis là depuis 1989, ça fait 35 ans, s’insurge Jean. Je suis fataliste, mais j’espère ne pas partir. Ils veulent nous virer pour faire plus de fric, c’est tout. Je ne sais pas où aller, peut-être chez des amis ? Mais je rentrerai même s’ils ne veulent pas, et même s’ils coupent l’eau et l’électricité."
"C'est bien plus rentable pour eux"
Propriétaire d’un chalet, Jean pourra tout de même réintégrer son logement à partir d’avril 2025 lors de la réouverture estivale du camping. Ce qui n’est pas le cas des propriétaires de mobil-homes sur roues, qui sont invités à quitter les lieux et à ne pas revenir. Aucun nouveau contrat de location d’emplacement ne leur ayant été proposé pour l’année 2025. "Quand j’ai acheté il y a dix ans, la direction était contente d’avoir des propriétaires, surtout qu’ils prenaient des commissions sur les achats de bungalows. Mais aujourd’hui, ils ont décidé de n’avoir que des touristes et de transformer les lieux en hôtel résidentiel. C’est bien plus rentable pour eux", déplore Jean-Louis Scheidt, qui a investi 46 000 euros dans son mobil-home. C’est ma maison de campagne, ça va être très difficile de partir. Surtout qu’aujourd’hui, la vente de mobil-home, ça ne vaut rien du tout, c’est de l’achat à perte".
Même déception pour le couple Dubourg. En 2006, Jean-Pierre et son épouse Marie-Christine ont acquis un mobil-home pour la somme de 60 000 euros. Originaire de la région lyonnaise, le couple souhaitait trouver un pied-à-terre à la campagne pour passer les beaux jours. S’en sont suivies 18 années de souvenirs estivaux avec leurs enfants et petits-enfants. "On a passé de si bons moments là-bas, il y avait une très bonne ambiance. Mais depuis quatre ans, Capfun nous pousse vers la sortie par différents moyens malhonnêtes. Chaque année, ils augmentent les loyers. En cinq ans, on est passé d’un loyer de 3 676 euros l’année, à 5 284 euros, explique Marie-Christine. Il faut que le législateur encadre le milieu des mobil-homes car les propriétaires de camping font ce qu'ils veulent."
Il y a quatre ans, le groupe Capfun avait en effet informé les résidents de son souhait de ne plus proposer de locations de parcelles à l’année. Une décision inaudible pour beaucoup d’entre eux, très attachés au camping et à tous les souvenirs de vie qui y sont associés. "Sur une soixantaine de résidents concernés, nous ne sommes plus que 24. Beaucoup ont baissé les bras et sont partis. Mais d'autres n'ont pas le choix. Certains résidents à l’année sont très gravement malades, une dame a fait un emprunt de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour acheter un mobil-home et elle n’a pas fini de rembourser. Que vont-ils devenir ?", s’inquiète Jean-Pierre Dubourg.
De son côté, la direction du camping affirme que les résidents étaient au courant de cette décision depuis 2020. "De manière à traiter les situations difficiles, le projet a ensuite été décalé. À ce jour, une douzaine de résidents semblent éprouver des difficultés à se reloger. Nous examinerons chaque cas, individuellement, dans la quinzaine à venir", peut-on lire dans un communiqué de presse.
Les résidents réunis en collectif
Après quatre ans de combat, Jean-Louis Scheidt a décidé de déposer les armes. "J’ai 79 ans, et ça me fatigue. Ça me pourrit la vie, j’en ai même fait un malaise", raconte-t-il, en précisant qu’il a trouvé un nouveau camping où installer son bungalow. "Mais c’est toute une vie qui s’en va, on était bien là-bas, on s’était fait des amis". Le retraité compte tout de même continuer à négocier avec le groupe pour obtenir, entre autres, la prise en charge des frais de déménagement de son bungalow.
Regroupés au sein du collectif "Les expulsés de la Régnière", les résidents se sont réunis ce mercredi 6 novembre pour un choix cornélien. Après avoir contacté un avocat pour intenter une action devant les tribunaux, ils doivent décider s’ils sont prêts à assumer les frais de justice. "Si on lance la procédure, ils ne pourront plus nous expulser. Mais ça va coûter très cher", conclut Jean-Pierre Dubourg, qui a déjà pris sa décision. Avec son épouse, il essayera de revendre son mobile-home et quittera définitivement le camping de la Régnière.