Une semaine après la crue torrentielle qui a dévasté leur village, les habitants de la Bérarde ont enfin pu regagner leur logement, pour quelques heures, le temps de récupérer des effets personnels. Ce vendredi 28 juin, un convoi a été organisé par les autorités pour les acheminer en sécurité dans le hameau.
Une semaine après la catastrophe, les habitants de la Bérarde découvrent un paysage de désolation. Des maisons emportées, des chalets engloutis par un désert de pierres, des bâtiments éventrés... Leur village est méconnaissable. Les sinistrés sont effondrés.
"Je trouve même plus le vocabulaire pour m'exprimer. Un profond désarroi, j’ai les bras ballants. On ne verra plus jamais la Bérarde telle que nous l’avons connue, explique Jacky Trignat, responsable du refuge du club alpin français. Il y a tellement eu des moments de joie et de bonheur ici, c'est fini, c'est une page qui se tourne, une époque qui se termine. Ceux qui sont encore sceptiques au réchauffement climatique, qu’ils viennent."
"C'est un vrai désastre"
Si le "gros œuvre" du refuge est "intact", "à l'intérieur, c'est un vrai désastre", souffle le directeur. "Les cuisines sont inutilisables, le mobilier est tout sans dessus dessous, les sols sont détériorés. Tout est foutu. On avait investi des sommes relativement importantes l’année dernière. Ça me fend le cœur et c'est modeste ce que je dis."
Depuis une dizaine d'années, un couple de Belges gère un refuge dans la commune. Par chance, il a été épargné par la crue. Ils sont venus récupérer quelques affaires. Leur attachement au village est très fort. "On est vraiment tristes. Et en même temps, c'est la nature, on fait avec. Ça fait mal au cœur", raconte Anne-Marie Nissen, bénévole au centre alpin belge.
"On récupère le maximum. On jette la nourriture pour pas que ça sente mauvais, pour pas que ça pourrisse trop. On va rentrer la terrasse. On repartira juste avec le nécessaire pour l’instant et pour le reste, on sera obligés d’attendre. Pour le moment, c'est un peu en mode automatique."
"Nous, pendant les événements, on est restés ici, on a été héliportés. On a bien vu là-bas que c'était apocalyptique, abonde Philippe Vandelved, bénévole au centre alpin belge. Mais le village en lui-même, ça dépasse l'entendement et ce que je pensais. C'est pire."
Le retraité s'estime chanceux : "Le bâtiment est toujours là. On n'a pas perdu d’argent, on ne perdra pas d’argent, par rapport aux gens. Moi, je ne suis pas issu d’ici, moi je viens de Belgique, eux c’est leurs racines ici. Je comprends qu'ils doivent venir ici pour faire un genre de deuil. Je fais leur deuil quelque part."
Six bâtiments rayés de la carte
Certains bâtiments sont inaccessibles et risquent de s’effondrer, comme la chapelle du village, qui a été éventrée par la force du courant. Sept jours plus tard, les pompiers constatent les dégâts.
"La chapelle, qui s’est déjà effondrée pour moitié, risque de s’effondrer parce que le poids de la toiture l’entraine en direction du ruisseau, avance le commandant Oliver Bruguet, chef de section et spécialiste des risques bâtimentaires. Il est donc probable que lors d’une prochaine crue, il y ait un effondrement de l’ensemble de la partie restante de la chapelle."
Les services de secours ont procédé à un classement des "désordres bâtimentaires", représentée par un code couleur. "En fonction de ce niveau de danger, on a laissé les gens aller seuls dans des bâtiments qui n’étaient absolument pas touchés." Pour les structures menacées d'effondrement, les riverains ont été accompagnés par les sapeurs-pompiers. Six constructions ont totalement disparu, ensevelies sous les pierres ou emportées par le courant.
Pour certains bâtiments, "c'est très impressionnant parce qu’il n’y a plus aucune trace de fondation", glisse Oliver Bruguet. Seule la présence de "plans" a "permis de savoir qu'à l'origine, il y avait une habitation à cet endroit."
À l'image de cette maison disparue, emportée par le "torrent des Étançons". "Et l’espace derrière les bouleaux était à l’origine un chalet ou une maison qui a été totalement emporté par le courant."
"Une forme de deuil"
Pour assurer leur sécurité, les sinistrés sont escortés par des gendarmes secouristes du PGHM ou des sapeurs-pompiers. La zone reste dangereuse, le Vénéon est encore agité. Même s’ils n’ont pu rester que quelques heures, cette opération était très attendue par les habitants.
"C’est important de les accompagner dans cette démarche, parce que c'est un deuil pour eux. C’est revenir sur un lieu de sinistre. Sinistre qu’ils n'ont pas vu totalement puisqu'ils ont été évacués, extirpés. Et derrière, il fallait revoir l’étendue des dégâts, avance le commandant Martinez, chef de l'escadron départemental de la sécurité routière de l’Isère. C'est une forme de deuil, ça leur permet de reconstruire ou de participer aujourd'hui à la reconstruction."
La route d’accès à La Bérarde reste interdite à la circulation. Les habitants ne savent pas s’ils pourront un jour revenir vivre dans leur village. Pour l'heure, le département de l'Isère a voté un fonds d'aide d'urgence de cinq millions d'euros, vendredi 28 juin, pour les collectivités sinistrées.