Un Isérois, Jean-Pierre Bouyer, ex-numéro 2 des Barjols, groupuscule d'ultradroite, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris depuis le 17 janvier : il est accusé d'avoir préparé un projet d'attaque contre le président Emmanuel Macron. Ce jeudi, il a tenté de nier un passage à l'acte.
En 2018, ses propos anti-Macron sont incisifs et son objectif clair : "reprendre notre pays". Mais cinq ans plus tard, face au tribunal correctionnel de Paris, l'ex-numéro 2 des Barjols, l'Isérois Jean-Pierre Bouyer, a voulu convaincre, ce jeudi 19 janvier, que ses appels à prendre les armes n'étaient "que du vent".
"J'ai horreur de la violence" : cheveux ras et silhouette fatiguée, Jean-Pierre Bouyer se dit étranger au projet d'attaque contre le chef de l'Etat fin 2018, qui lui vaut de comparaître à Paris avec douze autres proches de ce groupuscule d'ultradroite.
Cet ex-mécanicien de 66 ans, habitant de Saint-Georges-de-Commiers, reconverti dans l'exploitation forestière au Gabon et affaibli par un cancer, voulait certes "s'opposer au gouvernement" mais par "des blocages sans violences", pour que "les gens se réveillent".
"L'envie de tuer"
Hormis de vagues accointances politiques avec Nicolas Dupont-Aignan et Marion Maréchal - mais simplement "parce qu'elle est belle" -, le seul mouvement qui trouve grâce à ses yeux est celui des "gilets jaunes" qui s'apprête à éclore quand il est interpellé en Moselle, le 6 novembre 2018, avec trois coprévenus. Le président du tribunal le confronte toutefois à des déclarations passées qui brossent de lui un tout autre portrait.
"Oui il y a l'envie de tuer", écrit-il en octobre 2017 dans un post Facebook où il assimile Emmanuel Macron à un "petit dictateur pubère hystérique". "Tu dois être le prédateur qui cherche à éliminer celui ou ceux qui cherchent à te nuire", ajoute-t-il. A son domicile isérois, trois armes à feu et des munitions seront saisies en perquisition.
Dans un courriel du 5 avril 2018 cosigné de son nom sont énoncées une série de consignes pour le "jour de l'action". "Si l'action principale réussit, les forces de l'ordre et les forces armées se rallieront à nous" et "il y aura un élan patriote national", est-il écrit.
"Du vent"
"Tout ça c'est du vent", soupire M. Bouyer, illustrant la question au cœur de ce procès antiterroriste : les Barjols étaient-ils sur le point de s'attaquer à des migrants ou au chef de l'Etat comme l'a conclu l'acte d'accusation, ou s'agissait-il de paroles en l'air ?
Le combat, c'est dans ma tête.
Jean-Pierre Bouyer.
Dans un mail d'avril 2018 sur une messagerie cryptée, M. Bouyer semble en tout cas déterminé : "On va reprendre notre pays (...) J'irai au combat, je pourrai y laisser ma vie". Là aussi, le prévenu tempère quand il n'invoque pas une mémoire défaillante. "Le combat, c'est dans ma tête", nuance-t-il, exposant, à reculons, ses tourments.
M. Bouyer a connu des malheurs privés : une de ses filles est décédée d'une tumeur au cerveau en 1987 à l'âge de 7 ans et une autre est atteinte d'un handicap. Quand en 2016, de retour du Gabon et souffrant d'un cancer, il s'active sur les réseaux sociaux et finit par rejoindre les Barjols, c'est "un peu pour se sentir mieux" et "retrouver la vie d'avant".
"Trop mous"
"J'étais dépité" mais les actions violentes évoquées par certains Barjols, "je n'étais pas chaud", assure-t-il. Le président du tribunal n'est pas convaincu et rappelle que M. Bouyer a quitté ce groupuscule parce qu'ils étaient "trop mous".
Le prévenu tente de se justifier. "On n'avait pas de répondant (...). Je voulais faire une vraie manifestation avec du monde comme celle d'aujourd'hui pour les retraites". Le président réplique : "Je n'ai pas vu la CGT appeler à prendre les armes".
Les débats s'orientent alors vers la fameuse soirée du 5 novembre. Accompagné d'un coprévenu de quarante ans son cadet, M. Bouyer vient de conduire une dizaine d'heures depuis son domicile isérois pour rejoindre, en Moselle, deux autres hommes qui comparaissent à ses côtés.
C'est hors de question de dire qu'on allait attaquer quelqu'un. Il n'y a aucune décision qui avait été prise.
Jean-Pierre Bouyer.
Mercredi, devant le tribunal, l'un d'eux, Mickaël Iber, a concédé que M. Bouyer, qu'il considère comme un père, avait "sûrement parlé" d'une attaque contre le chef de l'Etat. C'est aussi la conviction des enquêteurs qui interpelleront les quatre hommes le lendemain de cette soirée.
Là encore, M. Bouyer nie en bloc. "C'est hors de question de dire qu'on allait attaquer quelqu'un. Il n'y a aucune décision qui avait été prise". Le procès doit durer jusqu'au 3 février.
Avec AFP