"Psychologiquement, je suis à bout" : un ex-employé du secteur du compostage porte plainte pour briser l'omerta

Ancien responsable d'un site de compostage dans le Pays voironnais, Gérard Michel porte plainte contre la communauté d'agglomérations pour "blessures involontaires". Il veut briser l'omerta qui entoure les maladies professionnelles dans ce secteur.

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Il se voit comme un lanceur d'alerte sur les risques chimiques et biologiques dans le secteur du compostage. Gérard Michel, 68 ans, a travaillé pendant 17 ans sur les sites de compostage de la communauté d'agglomérations du Pays voironnais (Isère). Il a déposé, mardi 1er décembre, une plainte auprès du procureur de la République de Grenoble pour "blessures involontaires" à l'encontre de son ancien employeur.

Face à la presse, le plaignant dénonce l'"amateurisme" de la collectivité et met en garde contre les risques auxquels s'exposent les employés des sites de compostage. Lui souffre de pathologies pulmonaires, ORL et ophtalmologiques de plus en plus sévères depuis 2015. Aujourd'hui, il est considéré invalide à 34%. "J'ai eu dix expertises concernant ces trois maladies professionnelles, ça a duré plus de cinq ans. C'est très lourd, très pénible. Psychologiquement, je suis à bout. Je voudrais que tout cela cesse", témoigne-t-il.

S'il est aujourd'hui retraité, Gérard Michel estime que le danger n'est pas écarté sur les sites de compostage. "Je souhaite que mes collègues qui sont encore sur le terrain soient informés. J'ai remarqué qu'il y a une espèce de chape de plomb (...) On discute des accidents du travail, mais surtout pas des maladies professionnelles", remarque le plaignant.

 

Manque de protection ?

Gérard Michel a commencé à travailler à la plateforme de compostage de La Buisse en 2001 en tant que responsable d'exploitation. Il est alors chargé de sa mise aux normes pour le traitement des déchets verts et alimentaires. Les ennuis commenceront trois ans plus tard lorsqu'il fait l'objet d'un arrêt de travail pour de l'asthme professionnel, dû à son environnement de travail.

La communauté d'agglomération le reclasse en lui confiant des tâches administratives. Mais il se retrouve de nouveau exposé quelques années plus tard, quand son employeur le charge d'une étude sur la mise en place de trois nouvelles plateformes de co-compostage. Les déchets verts y sont broyés et recyclés pour, ensuite, servir d'engrais. Un processus manuel qui dégage des particules et des gaz.

"Le stade le plus dangereux, se rappelle-t-il, c'est le broyage où il s'agit de défibrer les matières entrantes de déchets verts. Il y a une production de poussière et des petits champignons, notamment l'Aspergillus qui est un champignon microscopique. Il va s'intégrer dans les alvéoles au fond de notre système respiratoire." N'ayant pas bénéficié de protection respiratoire, il juge que son état de santé a commencé à se détériorer à ce moment. Et pointe la responsabilité de l'agglomération.

"Ma collectivité n'a jamais voulu investir dans un cribleur qui nous aurait empêché de patauger dans cette mare aux canards et d'être confrontés aux poussières, aux dangers que cela suscite au niveau de la santé", estime Gérard Michel qui ne retournera plus travailler après une rechute de sa maladie professionnelle en 2015.

 

"Cas isolé"

Une procédure est en cours devant le tribunal administratif de Grenoble. Le jugement n'a pas encore été rendu, mais Gérard Michel espère obtenir réparation. Avec sa plainte auprès du procureur de la République, il espère déclencher une prise de conscience.

"On n'a jamais, jusqu'à ce dossier, pris conscience des risques qu'on faisait courir des risques à des individus pour nous permettre, à nous, de promouvoir cette écologie", lance son avocat, Me Hervé Gerbi. "Le sens de cette action pénale, c'est de rechercher dans quelles conditions on fait que des agents travaillent un petit peu comme au Moyen-Âge, de façon manuelle, sans protection individuelle, sans politique de sécurité en matière de santé pour les opérations de compostage", complète-t-il.

Joint par France 3 Alpes, le président de la communauté d'agglomération du Pays voironnais certifie lui que ses agents ne sont pas exposés au danger. "La protection existe, les mesures de prévention existent. C'est un cas douloureux pour M. Gérard Michel mais ça reste un cas isolé au sein du Pays voironnais", affirme Bruno Cattin.

Gérard Michel reconnaît que la collectivité a modernisé une partie de ses infrastructures comme son site principal de La Buisse, mais il dénonce l'omerta qui entoure les maladies professionnelles. "Nous sommes dans une course nécessaire pour l'écologie, mais dans cette course il y a des perdants. Et les perdants, ce sont tous les agents", reprend Me Gerbi, disant porter cette action pour que "l'écologie puisse être portée avec toutes les valeurs que cela comporte, y compris les valeurs humaines de protection de l'individu".

 

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